Le soleil pourrait tout aussi bien s'éteindre que rien, dans le grand Tout entier, n'aurait bien vacillé. Alors, que l'âme disparaisse quel changement cela fait? On peut s'éteindre amis humains, calmement et sans peine, car c'est la fin du mouvement qui nous tord les entrailles. L'axe des choses n'en sera bouleversé -- il n'y a pas d'axe à ce qui est. Rien, personne, ne nous regrettera, car ce qui vit est plein de la souffrance en lui, tendu vers l'avenir et la nécessité, oublieux par destin. Vous fermerez les yeux: un monde singulier se drapera dans le linceul obscur de vos paupières: mais il ne s'agit que d'un monde, le seul que vous ayez connu -- et que personne ne connaîtra jamais. Voyez? vous ne perdrez rien, puisqu'on ne se perd pas soi-même, l'on ne perd que ce que l'on possède, et non ce que l'on est. Personne ne vous perdra non plus. Personne ne fait la différence dans ce grand univers; Des civilisations entières demeurent anéanties, au fond d'inaccessibles impasses tracées au fond des âges.
Elles n'ont su faire la différence... Personne ne fait la différence dans ce grand univers. C'est tout ce qu'il faut lire dans mes désunis vers.
Visiter son âme, du plafond jusqu'aux limbes -- et même au-delà --, quel réconfort peut-il y avoir à cela? Le tourment est une chose qui tord, essore en l'âme toute substance, et les quelques gouttes qui sourdent au-dehors contiennent les principes actifs de toute métamorphose, elles sont l'essence même du conatus. Parvenir au fond de l'abîme pour s'apercevoir qu'il se perd toujours plus loin, qu'aucun fond ne se donne pour fondation et qu'un vide incommensurable est le milieu de l'âme, voilà le sort du tourmenté. Quel électuaire trouvera-t-il, cet homme, pour parvenir à souffrir ce destin?
C'est de son propre sang, de ces rivières de poésie qui semblent sortir du chaos par l'ineffable mariage de la forme et du Rien que l'aliéné tire sa force. Car le sang qui le couvre, épais, obstrue sa vision, certes, mais l'oint d'une aura surnaturelle qui fait de sa silhouette un signe vers ce qui se tient bien au-delà; et les yeux clos laissent toute latitude à l'âme de plonger en son centre où s'offre, panoptique, l'indéfini du monde.
C'est le flux du néant -- de celui qui contient, achevé, toute chose -- que parvient à extraire du cœur de la douleur celui qui endure l'absurdité de l'Être -- parce qu'à tout instant il la mesure de son terrible sentiment.
À tout le moins, la souffrance est la voie de ceux qui font croître le monde.
Est-il vraiment nécessaire de se faire comprendre d'autrui? Comme s'il fallait sans cesse justifier son existence et tout ce petit mobilier insipide qui -- le croit-on -- constitue ce qu'on est? Est-il si intolérable de laisser le monde -- une partie du moins -- vous vomir et mépriser? Le Surhomme n'est pas de ceux qui réclament l'amour d'autrui: je suis tout sauf un Surhomme.
Alors, cahin-caha, je tente d'expliquer à l'autre qui fait face ce qu'il en coûte d'être moi. Mais les mots vous font tantôt paraître hyperbolique, tantôt euphémique. Que d'emphase et de broderies ne faut-il pas déployer pour rendre un tant soit peu palpable à autrui ce grand trou noir qui vous habite; dévore votre présent d'énergie, absorbe la vitalité en cathéter invisible jusqu'à laisser ce petit tas d'ombre salie qui coule entre les murs de son destin ce bien triste sillage.
Rien ne saura donner la mesure de la souffrance qui est mienne -- aussi risible soit-elle... De quoi me plains-je enfin..! À celui qui sent, de toutes les manières, le nuancier du vide par tous les pores de son âme, celui-là sait la profondeur du tourment qui charrie les fragments perdus de soi au travers des jours. Et je l'aime comme un frère algique écartelé par les étoiles -- lui aussi. En ce qui me concerne, je ne les regarde même plus, clos sur le centre actif de ma déréliction je me fige en posture de garde, protégeant de mes membres frêles et improductifs les organes vitaux qui me maintiennent, végétativement, en survie. Je peux me prévaloir de la santé de mes intestins qui déversent leur torrent quotidien d'excréments qui n'ont pas même pour eux d'être le souvenir de plaisirs réels, mais plutôt le fantôme affairé de mes angoisses à reboucher le trou.
Le trou: tout est affaire de trou. De l'enceinte jusqu'à la tombe: un trou pour se chuter.
Être une station d'épuration dans le monde pestilentiel d'aujourd'hui. Embourbé dans la glaise purulente du siècle, tout au fond des eaux usées, parmi les particules d'antibiotiques, de métaux lourds et de micro-plastiques. Attendre dans les eaux croupies, parmi les odeurs injurieuses, brasser le sang souillé la sanie flavescente, infusion de toxines à vous brésiller l'âme: ô poison psychotrope...
Être stercoraire jusqu'à vous rendre nauséeux, que s'accroche à votre peau l'odeur méphitique des coprolites infâmes que vomissent les âmes stationnaires et qui marinent dans le temps perdu, le temps déçu, qui n'ouvre sur nul avenir.
Je prends plus que ma part de la souillure environnante et pareil au jasmin, je filtre un philtre excrémentiel pour en exsuder le dosage subtil qui donne à mes écrits ces senteurs si florales. La poésie n'est rien d'autre que ça, fouiller dans les décombres, se nourrir de la mort et de la pourriture, produire les chants fertiles où poussent coquelicots et muguets, où croît l'épi tout blond des blés -- et se décline en maints bouquets l'œuvre alme d'un projet.
Projet pancaliste s'il en est, la vie n'a d'autre but que produire des formes qui, toutes, rendent un hommage singulier à l'ordre du cosmos.
Être propre, toujours sourire, afficher au-dehors des façades polies, optimisme béat qui ravie les idiots, s'habiller de velours et de froufrous prisés, exhaler le parfum de chimies hygiénistes, paraître, paraître, toujours paraître n'avoir rien en soi d'inavouable ou de sombre, aucune opacité pour voiler le teint clair de face immaculée. Bien porter tout en devanture, sans arrière-boutique déguisée, sans porte dérobée... Techniciens de nos propres surfaces, il faut être étincelant et beau sous le jour scyalitique qui s'effraie de la nuit.
Poète porte en toi la ténèbre honnie, avale un crépuscule à chaque aube qui luit, mâche, digère, intègre les obscurités liquides qui s'écoulent dans nos caniveaux, râcle les égoûts, cloaque des nations, sois celui qu'on fuit, celui qu'on trop médit, celui qui détone par trop dans les salons fleuris de tons artificiels. Absorbe la critique et tous ses adjectifs saturés de crainte qui se plantent en ton cœur et veulent te coudre peau neuve. Laisse faire le monde, laisse le viol avoir lieu, sacrifie ce moi mondain qui n'est rien, rien d'autre qu'un pantin agité par les moires, semblable à tous les autres dans la fourmilière excitée de survivre.
Par une porte dérobée, sous le mur en trompe-l'œil fais tourner l'atelier de tes broderies scripturaires. Que chaque organe tisse la mélopée tragique et que s'opère alors la nécrosynthèse fabuleuse par laquelle sourdent du venin en toi les fleurs intemporelles.
Encore un peu plus de souffrance, le monde aura besoin de toi pour se remémorer l'antique savoir aujourd'hui malmené: l'humain n'est rien d'autre qu'humus enraciné dans le tourment.
La conscience m'augmente à mesure qu'elle me déchire et perce, au cœur du centre de mon étendue vacante, un point vital de mon être: celui qui pourrait faire de moi cette totalité close, pleine et entière. Au lieu de ça je m'écoule en humeur noire au-dedans de mon néant intime, comme si ma souffrance même rechignait à m'appartenir, et débondait en mille nuances sur l'épiderme du réel.
Cette maladie je l'ai attrapé assez tôt. La maladie de la conscience m'a été transmise par la douleur, la douleur de l'adolescence et du déracinement, la douleur de la perte et celle de l'amour impossible -- c'est à dire, au fond, de la réunion de soi avec cette altérité qui nous racole comme un vide irrésistible par lequel s'anéantir.
Dès lors que je fus malade, je n'ai cessé de m'élever à des degrés de souffrance toujours plus éminents. Sur les neiges éternelles de mon futile tourment, je plane solitaire et ivre de puissance. Je suis propriétaire d'une chose...au moins...et c'est elle et elle seule.
Ce cancer qui me ronge, toujours plus dévastateur, toujours plus virtuose en son art, est la blessure qui inlassablement lacère mon âme en son destin. De cette peau béante et qui supure, je dois ramasser les lambeaux, recoudre les fissures, les abîmes qui cherchent à me défaire, et...toujours alors...je reviens de plus bel, plus immense et plus fort; aussi vaste que mille univers.
C'est ce combat face à l'altérité absolue, cette entreprise de prédation ontique qui nous définit, échaffaude le seul bonheur qui soit, augmente nos puissances et fait de l'existence cette croissance métastatique qui menace, à terme, d'engloutir jusqu'à la moindre des ressources disponibles.
Impossible coïncidence de soi avec soi, déséquilibre qui fait la marche des destins, qui fait lever le temps comme une houle inarrêtable, asymétrie profonde de l'Être dans sa chute. Nous avons soif parce que c'est cela que la vie d'homme. Nous désirons et par là même engloutissons l'éxtranéité profonde dont on ne sait si elle nous enceint où si c'est là le jet sombre et terrible de notre propre source enfouie.
Nous allons parce que la symétrie est impossible. Et ce qui nous renforce est ce qui nous détruit.
J'ai atteint, à un lieu de ma vie, le point d'entropie maximale. Je suis allé toucher la mort, à la lisière de l'existence; tutoyer le Néant au bout de la liberté vaine.
Et je suis revenu. Avec la même tristesse au fond de mes entrailles. Vivant, mais calciné de l'intérieur, comme une lune poussiéreuse et grise. Et j'éclaire d'ombres tout ce que je manifeste: Géhenne soliptique qui me tient lieu de monde. Ô combien il me faut -- sais-tu? -- retenir là mes feux pour ne point te brûler...
Je porte en moi le tourment des lucides, la conscience acérée de ce lien rompu, délaissement d'un quelque chose qui installe à jamais "le silence déraisonnable du monde".
Et peut-être qu'en chaque relation, que j'entretiens avec une portion de l'Être, s'interpose un silence suffisamment profond pour entailler la foi.
Il n'y a pas de foi, je ne sais croire en rien... Il n'y a pas de valeur qui ne soit ramenée à mon inconsistance, pas une transcendance qui ne puisse passer avec succès l'examen du doute.
Défendre des valeurs? Pour quoi faire...? Se rassurer? Justifier le peu de plaisir qu'un accord tacite avec le Réel sait parfois procurer? Et pourquoi ce lien serait-t-il bon pour autrui?
Laisser le monde vous écraser, les autres décorer l'indétermination aux couleurs de leurs peurs... S'ils en ont tant besoin c'est probablement qu'ils ont plus peur encore que nous. Nous qui savons aimer la souffrance dans cette étreinte enflammée qui consume en douceur la substance de nos cœurs.
Nous pouvons supporter le doute pour les autres; et endurer leurs certitudes -- exclusives.
Nous savons faire tout ça: suffoquer lentement, pour que d'autres que nous respirent à plein-poumons.
Il reste en mon jardin quelque fleur azurée qu'aucun coeur n'a ravi.
Il faut vite vivre, alors viens respirer
Le parfum d'impossible que j'y fais pousser
La nuit est toute proche, avant après, partout, autour Il faut bien vivre ma jolie, vient abreuver ton jour Et mange un crépuscule.
J'avance en l'océan sur un sillon mortel Une lame de fond la forme du destin Sur mon cœur l'eau ruisselle Et scelle mon armure d'airain.
Tends la main et ressens Comme une vie est éphémère Il faut cueillir bien mûrs Les fruits qui vite sont amers Ce visage serein s'encadre de cheveux Qui bientôt seront gris Imprègne t'en les yeux Prends-le dans tes artères.
Tout le monde peut être preux En son coeur jeune d'amoureux Après, l'ardeur est moins candide Son cœur moins chatoyant Et les humains qui brillent Ne sont pas plus vaillants...
Ta bonté aux chevilles Tu répands dans les cendres Ta chaude humanité Par un monde endeuillé
Ton style est celui des poupées Que garde dans sa chambre La femme autrefois jeune fille
Sa teinte giroflée Suffit à faire plier L'adulte trop docile.
Ce que tu donnes Je ne pourrai le rendre Je me demande encore Pourquoi ton bel espoir Souffle sur ma blessure.
Ce que tu donnes de toi Sans aucune rature C'est ce que, je le sais, Du fond de mon abîme J'admire incessamment
Et je suis bien indigne Moi dont l'âme-tourment Ne tient que dans les yeux Et fane dès qu'on la prend.
Ne plus s'arrêter
Pour regarder les routes mourir aux quatre coins du monde
Décider l'horizon qu'on poursuivra le reste des secondes
A-t-on vraiment le choix?
On m'avait marié de force lorsque j'ai débarqué chez toi
De mon pays lointain et ses autres coutumes
Mon âme et ses foraines lois
Enfilai ton costume et fit une prière:
C'était un bref adieu à mon passé posthume
J'avalais goulûment ton amnésie liquide
Faisant de ma mémoire un vase Danaïde
Toi ville que je bus comme un magma brûlant
Où je forgeai mon cœur au-dessous du volcan
Dans ta sagesse hurlante j'ai retrempé mon âme
Je suis sorti tout neuf d'impardonnables flammes
À mon destin s'accrochaient deux sésames:
Un don de comédien et la couleur du drame
Grâce au premier je m'intégrai si bien
Je devins l'un des tiens
La douleur sur tes murs
D'un tourment déjà mûr
Tu m'offris une scène où répéter mon rôle
Jouer sans discontinuer à faire mourir l'enfance
Mais le bougre résiste, il faut tant de violence
Qu'alors enfin, tout ça n'est plus vraiment si drôle
Il faut être cruel pour devenir adulte
Et prendre pour la chance ce qui n'est qu'une insulte...
Débarqué dans le monde des Hommes
Encore tout titubant
Il faut apprendre à vivre
Et rire tout en doutant
Je n'ai pas su je crois
J'étais trop débutant
Mes pensées furent des poids
Qui trouèrent chaque instant
À chaque crépuscule
Que de ratures alors
Et la course au trésor
Dans d'imbuvables bulles
Mais que je me rassure
J'ai mis bien du génie
À tanguer d'un pas sûr
Sous le néon des nuits
Pour quelques sous
le sang devient liqueur
La ville sans dessous
Susurre à notre coeur
Des mots tantôt si doux
Qui bientôt vous écoeurent
Pique, érafle de tes ronces
La peau si vierge et par trop tendre
Trace sur les jeunes coeurs
Les plaies que le temps implacable ponce
Au fond du sombre abîme
Petit homme se glisse
Comme en l'habit de brume
Qui couvre les yeux tristes
Depuis tes rues de neige
Ussel j'ai tant marché
Mes pas font un cortège
Qui viennent entacher
Le wagon de l'enfance
Qu'on ne peut détacher
Moi qui croyais pourtant
Que ma vie au complet
N'avait été que fuite
Je contemple étonné
Le grappin des couplets
Qui jettent tant de ponts
Vers un passé sans suite
Qui malgré tout répond
Déçu, peut-être
Au fond qui sait
Si les chemins abandonnés
Ne sont pas là pour ça
Fenêtres qui éclairent
Les possibles reniés
Perspective éphémère
Sur nos éternités
Ussel...
Curieux comme ce nom sonne lointain
Évoque la musique de royaumes anciens
J'ai traversé tes glaces comme un déporté
Mais d'aucuns de tes fils m'ont appris à t'aimer
Je languis par moments
Le reflet de tes cieux
Que récoltaient antan
L'escarcelle des yeux
Assis dans le présent sans âge
De ce train pour Limoges
Tout contre la fenêtre
Et comme un lourd présage
Je rêvais d'exister
Sans plus avoir à être
Je me désaisissais de moi
Comme d'un lourd bagage
J'étais heureux je crois
D'être passager clandestin
De mon propre voyage
Oh je pouvais enfin
Contempler le mirage
D'un temps que rien n'atteint
Et qui nous dévisage
En moi je souffle alors
L'haleine attendrie de ces songes
Dessine sur l'oblong hublot
Qui ouvre sur l'aurore
Ce petit mot précis
Qu'encore j'interroge:
Ussel
_____________ ALTERNATIVE _________________
Ne plus s'arrêter
Pour regarder les routes mourir aux quatre coins du monde
Décider l'horizon qu'on poursuivra le reste des secondes
A-t-on vraiment le choix?
On m'avait marié de force lorsque j'ai débarqué chez toi
De mon pays lointain et ses autres coutumes
Mon âme alors régie par de foraines lois
Enfila ton costume et fit de lourds adieux:
C'était une prière pour un passé posthume
J'avalais goulûment ton amnésie liquide
Faisant de ma mémoire un vase Danaïde
Toi ville que je bus comme un magma brûlant
Où je forgeai mon coeur au-dessous du volcan
Dans ta sagesse hurlante j'ai retrempé mon âme
Je suis sorti tout neuf d'impardonnables flammes
À mon destin s'accrochaient deux sésames:
Un don de comédien et la couleur du drame
Grâce au premier je m'intégrai si bien
Tu fis de moi l'ado semblable à tous les tiens
Malgré la forme étrange imprimée sur tes murs
De mon ombre aux couleurs de tourment déjà mûr
Tu m'offris une scène où répéter mon rôle
Jouer sans plus cesser à faire mourir l'enfance
Mais le bougre résiste, il faut tant de violence
Qu'alors enfin, tout ça n'est plus vraiment si drôle
Il faut être cruel pour devenir adulte
Et prendre pour la chance ce qui n'est qu'une insulte...
Débarqué dans le monde des Hommes
Encore tout titubant
Il faut apprendre à vivre
Et rire tout en doutant
Je n'ai pas su je crois
J'étais trop débutant
Mes pensées furent des poids
Qui trouèrent chaque instant
À chaque crépuscule
Que de ratures alors
Et la course au trésor
Dans d'imbuvables bulles
Mais que je me rassure
J'ai mis bien du génie
À tanguer d'un pas sûr
Sous le néon des nuits
Pour quelques sous
le sang devient liqueur
La ville sans dessous
Susurre à notre coeur
Des mots tantôt si doux
Qui bientôt vous écoeurent
Pique, érafle de tes ronces
La peau si vierge et par trop tendre
Trace sur les jeunes coeurs
Les plaies que le temps implacable ponce
Au fond du sombre abîme
Petit homme se glisse
Comme en l'habit de brume
Qui couvre les yeux tristes
Depuis tes rues de neige
Ussel j'ai tant marché
Mes pas font un cortège
Qui viennent entacher
Le wagon de l'enfance
Qu'on ne peut détacher
Moi qui croyais pourtant
Que ma vie au complet
N'avait été que fuite
Je contemple étonné
Le grappin des couplets
Qui jettent tant de ponts
Vers un passé sans suite
Qui malgré tout répond
Déçu? Peut-être
Au fond qui sait
Si les chemins abandonnés
Ne sont pas là pour ça
Fenêtres qui éclairent
Les possibles reniés
Perspective éphémère
Sur nos éternités
Ussel...
Curieux comme ce nom sonne lointain
Évoque la musique de royaumes anciens
J'ai traversé tes glaces comme un déporté
Mais d'aucuns de tes fils m'ont appris à t'aimer
Je languis par moments
Le reflet de tes cieux
Que récoltaient antan
L'escarcelle des yeux
Assis dans le présent sans âge
De ce train pour Limoges
Tout contre la fenêtre
Et comme un lourd présage
Je rêvais d'exister
Sans plus avoir à être
Je me désaisissais de moi
Comme d'un lourd bagage
J'étais heureux je crois
D'être passager clandestin
De mon propre voyage
Oh je pouvais enfin
Contempler le mirage
D'un temps que rien n'atteint
Et qui nous dévisage
En moi je souffle alors
L'haleine attendrie de ces songes
Dessine sur l'oblong hublot
Qui ouvre sur l'aurore
Ce petit mot précis
Qu'encore j'interroge: