Affichage des articles dont le libellé est foi. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est foi. Afficher tous les articles

mercredi 18 septembre 2024

Le solitaire, Autrui et le Réel

Tessiture sentimentale, tessiture linguistique, tessiture ontologique... Tout cela n'est que de peu d'importance face à la tessiture de la souffrance. C'est là la vraie clef pour entendre la vie à travers la conscience, pour se lover au cœur de la déchirure. Exister c'est ressentir l'inadéquation primordiale entre l'intentionnalité de la conscience et le monde qui surgit.

J'ai été suffisammennt arrogant pour penser pouvoir vivre au cœur d'une suffocante fournaise, là où même le sage de Königsberg n'envisageait pas que nulle âme puisse demeurer. Il est possible de vivre sans croyance, sans espoir que tout ceci veuille dire quelque chose, et de bâtir pour soi-même des lois infrangibles. Pour autant la sinueuse déroute d'un tel destin, dont la courbe parfois se mue, rectiligne, en une abrupte chute, mérite-t-elle encore le qualificatif d'humaine? Supporter l'immensité d'un tel tourment, faire de la douleur la seule force de liaison nucléaire de son être, est-ce encore vivre en humain? Peut-être n'est-il pas nécessaire de dérailler la génétique de notre essence, ni même de s'hybrider au minéral presque immortel pour parvenir au-delà de l'humain. Au-delà? Encore un jugement arrogant, encore le préjugé axiologique d'un sens capable d'être attribué au Réel... Élargir la destinée humaine; ne pas dénier au mystique la nature commune des hommes -- le néant est une forme de divinité et l'on peut imaginer que, bien que peu nombreux, certains hommes arpentent et arpenteront la voie qui fait du verbe anéantir un synonyme d'exister.

Vivre sans croyance dans et sur le monde, c'est ne connaître que la présence palpable des autres au sein de l'ignorance et du doute à travers cet appel incessant laissé lettre morte. Car le solitaire ne saurait être solipsiste: la solitude est la déception face aux chemins qu'emprunte la liberté des autres mais en aucun cas leur effacement. On ne peut être seul qu'au milieu de semblables dont l'absence ressentie n'est que le fruit d'une liberté prenant d'autres formes que la nôtre.

Il est usant de désavouer ses congénères, enceints dans les hauts murs d'une foi sédative, mais il est si précieux de capturer, par moments, le regard inquiet qui vous guette, au travers de la meurtrière, et s'aperçoit qu'un monde indéfini existe au-dehors. La possibilité d'un Réel qui écrase le monde où l'on s'enferme est un vertige qui rend tous les humains égaux.

Le Diogène qui dort à la belle-étoile, nu en se moquant des jolies citadelles est un appel pour que chaque âme, enfin, ouvre son œil sur l'Indéterminable -- pour que la Terre devienne ce ciel étoilé où des milliards de vigies éveillées brillent solidaires dans la nuit des confins.

jeudi 16 décembre 2021

Endurer

 J'ai atteint, à un lieu de ma vie, le point d'entropie maximale. Je suis allé toucher la mort, à la lisière de l'existence; tutoyer le Néant au bout de la liberté vaine.

Et je suis revenu. Avec la même tristesse au fond de mes entrailles. Vivant, mais calciné de l'intérieur, comme une lune poussiéreuse et grise. Et j'éclaire d'ombres tout ce que je manifeste: Géhenne soliptique qui me tient lieu de monde. Ô combien il me faut -- sais-tu? -- retenir là mes feux pour ne point te brûler...

Je porte en moi le tourment des lucides, la conscience acérée de ce lien rompu, délaissement d'un quelque chose qui installe à jamais "le silence déraisonnable du monde".

Et peut-être qu'en chaque relation, que j'entretiens avec une portion de l'Être, s'interpose un silence suffisamment profond pour entailler la foi.

Il n'y a pas de foi, je ne sais croire en rien... Il n'y a pas de valeur qui ne soit ramenée à mon inconsistance, pas une transcendance qui ne puisse passer avec succès l'examen du doute.

Défendre des valeurs? Pour quoi faire...? Se rassurer? Justifier le peu de plaisir qu'un accord tacite avec le Réel sait parfois procurer? Et pourquoi ce lien serait-t-il bon pour autrui?

Laisser le monde vous écraser, les autres décorer l'indétermination aux couleurs de leurs peurs... S'ils en ont tant besoin c'est probablement qu'ils ont plus peur encore que nous. Nous qui savons aimer la souffrance dans cette étreinte enflammée qui consume en douceur la substance de nos cœurs.

Nous pouvons supporter le doute pour les autres; et endurer leurs certitudes -- exclusives.

Nous savons faire tout ça: suffoquer lentement, pour que d'autres que nous respirent à plein-poumons.

dimanche 29 septembre 2019

Pensées sur l'action

La raison, l'intelligence, en tant que méthode érode tout conclusion et tout jugement. Comme le temps, elle est négation de ce qui est.
En cela elle inhibe l'action qui repose essentiellement sur la croyance.
Le désir quant à lui est fondé sur l'instinct et l'inconscient mais, chez un esprit lucide et trop conscient, ce dernier est sans cesse contredit par l'intelligence critique. La conséquence étant l'atrophie du désir voir sa dissolution totale.

Il est donc bien nécessaire, pour qu'un groupe d'individus agissent de concert et forment société, de faire reposer l'édifice social sur une ou des croyances communes. Il ne doit en aucun cas s'agir de choix, puisque ceux-ci sont soumis à la critique et ne peuvent trouver aucune justification ultime; il faut que la société repose sur une foi commune en quelque chose d'irrévocable. La foi est irrationnelle, et ce socle est la condition sine qua non d'une politique rationnelle.