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lundi 8 mars 2021

Titanic

 Ça ne marche pas. Ne marchera jamais. Cultiver l'entropie et tricoter son sien décès. Pas un soir qui ne s'achève dans l'incommensurable gâchis d'un destin inaccompli. Y a-t-il seulement destin en dehors de ce rêve?

La routine se fait ce long intestin qui digère les souhaits, à qui le cœur couard ne sait pas insuffler, une once d'existence.

De toute évidence ça ne marche pas. On ne choisit pas et le chemin reste possible, praticable pour d'autres, c'est probable, et le sillon bleuté de leur histoire forme la carte d'un pays que l'on croyait utopie pour soi-même.

Mais rien n'arrive ainsi, par le hasard de conjonctions formidables, si ce n'est d'horribles tragédies.

Il faut des tragédies pour les cœurs assourdis qui se nourrissent du fantasme éculé d'échecs anthologiques, de naufrages qu'on relate comme d'extraordinaires épopées. Mais pour cent mille désastres combien de Titanic? Pour des milliards de fleurs, combien de bouquets en un vase?

L'iceberg s'avance au-devant de moi, pourtant ne devrait-ce pas être l'inverse? Il s'avance et je vois dans sa trajectoire une démarche humaine, dans les contours de cette masse la silhouette d'un vagabond, dans les lueurs de sa banquise un reflet de mes yeux.

L'angoisse est un traître récif, l'ego un courant scélérat.

Pour des milliards d'étoiles, combien d'almes soleils?

vendredi 7 août 2020

Le métier d'Homme

Remonter l'horlogerie de l'âme.
Rapiécer l'étoffe élimée.
Lutter contre sa propre entropie.
Repeindre les couleurs délavées.
Avancer contre un trop lourd courant.
Maintenir une croyance minimale

     Pour que tout ne soit pas néant instantané.

Tenir en bride les doutes laniaires.
Boucher la coque qui prend l'eau.
Tenir haut les voiles attaquées par les vents.
Rester à flot sous les lames acérées.
Élaguer,
Soigner,
Croître,
Protéger,
Enrichir,
Prier, silencieusement,
Pour que la terre asséchée, infertile
Qui ne laisse nulle chance
Aux quelques graines plantées
Ne s'effrite pas en un sable létale.

Comment rester en vie.
Comment exister.
Comment empêcher
Les flammes si vives
Qui mettent l'âme en feu,
Dévastent le chantier...

Puiser la force
En des sources improbables.
Absorber,
L'énergie des étoiles.

Pourtant...
La déréalisation,
Le désunivers,
Le désamour,
L'inertie,
La pétrification,
La stase,

Sont les lois de mon être.

Voué à l'échec,
Au naufrage.

Je dope ma volonté,
Injecte le sérum,
Dans le spectacle en ruines
D'un monde disloqué.

samedi 23 mai 2020

Sous nos pieds le ciel



Tend ton cou, ta joue ta nuque et sous le joug, laisse-moi susurrer, les mots de ruine hantée.

Le château est hanté, n'aie crainte, le spectre est dans les murs, il ne peut te toucher, le spectre est dans les murs, et la souffrance mûre...

Penche un peu la tête, là comme ça, vers la droite et que menton pointu s'insère dans le creux, si doux, trop doux... La pente est lisse et mon élan s'enlise...

Ouvre grand la porte des placards verrouillés, laisse tes squelettes danser, ceux de Saladin et ceux aussi, pourtant si pleins, du couple de tes seins.

Élargis tous tes pores, laisse-moi faire ta peau le port où faire naufrage aux marins épuisés.

Que tes façades sont accueillantes... Tes portes grandes ouvertes. Tes fenêtres éclairées même dans les ténèbres. Je devine tes pièces, je campe sous ton toi.

Augmente la courbure, accélère ton tempo, mes pieds dansent déjà, moi qui m'enracinait, me voilà bien en l'air, les pieds tous retournés, la mine un peu trop fière.

Plume du soir espoir d'un désespoir à venir, deux étoiles se croisent elles sont sans avenir. Ouvre la portière et saute sur la route d'air. Pourvu que la poussière mange les coeurs encarossés, grignotte la peinture. La vitrine est cassée, toute la devanture est un festin offert.

Avidement la nuit je mens, mais seulement à moi-même; en langues inventées, apprises aux cours du soir, d'un rêve déjanté.

Professeur ouvrez-moi la fenêtre, j'entends partout chanter, les gouttes de rosée, les feuilles du roulement léchées, les oiseaux sont muets, je dois bien m'envoler...

Un feu monsieur, UN FEU! Et sautons-y dedans! Tout est parti de là et tout y reviendra. Que les flammes noires dansent et couvrent tous nos pas, que les destins soient cendre qu'on n'y revienne pas!

Voyez je bats des ailes sombres, d'ailes enténébrées. J'ai dans les yeux des candélabres; je conduis la carlingue déglinguée des gens qui sautent dans les cieux, font gicler la distance comme poignée d'instants!

Oh que le son est doux, le son de tous les feux, les cloches vont sonner, le monde hors des royaumes! Les vagabonds célestes en assemblée stellaire! Et puis de l'air bon dieu, de l'air! Pour les enfants lésés, celés dans la misère.

Monsieur! Monsieur! Adeline est tombée! Elle saigne du genou, ou d'âme bleue je me sens fou! Pourquoi la sève est noire? Maintenant d'opale elle s'ambre là d'ivoire! Qu'est-ce donc que le sang s'il ne monte à l'éther?

Parlez-nous d'interdits, de choses à ne pas faire, abattez les cloisons qu'on voit un peu derrière.
De l'air! De l'air! Nos plumes s'engourdissent, voyez je prends l'envol, aux vents d'hiver je flotte, ma langue est apatride, elle parle universel et chacun la comprend.

Sur un banc de sable en pleine mer, allons nous échouer comme lourdes galères. Et parlons aux mouettes, et que nos mots nettoient leurs ailes mazoutées. Ce monde est un silex j'en ferai l'étincelle et tout prendra bien feu dans l'immense brasier. Nos mots sont de l'éther, je sais tout purifier!

Amis abattez la vigie! Qu'en avons-nous à faire! Il n'y a pas d'avenir, qu'un seul grand maintenant, un délicieux instant sans nulle échappatoire ni porte dérobée.

Guillaume dessine dans le ciel des moutons argentés, il trempe dans l'azur la pointe de son âme et conte des récits à chaque canopée.

Des signes, encore des signes! Des dessins incolores pour diluer le sang, celui qui monte aux tempes sous les pluies d'été, lorsque dansent égarés les vagabonds célestes.

Il n'y a plus de soleil, Arthur a dessiné un zest, et de citron pressé le jus coule sur nos lèvres, et dans nos yeux dressés s'annulent toute dette!

Faisons tomber le mur, et tous les murs tant qu'on y est! Qu'il ne reste plus rien, plus une seule clôture pour brouiller l'horizon. Le coeur est sans raison nous suivons la passion, sur son sillon d'azur et sans destination.

Dis, est-ce que cela t'amuses? J'aimerais que tu m'uses, je suis la fraîche muse, émergée des nuées, je danse nue dans les rayons d'opale, ma peau est sans couleur, mais veux-moi indocile je dénouerai tes rêves.

Tu aimes mes bras enlacés, qui serrent le cou baissé? Donne-moi l'aigle noir, je saurai le dresser, j'ai la musique tendre et le coeur enragé! Les anges m'ont goûtée, de rage ils ont chuté, car le ciel mes amis, le ciel! A toujours été sous nos pieds...

Élégie à la brune, de poussière nuitée, mélopées incertaines, déluge d'anti-langage. Aucun panneau pour indiquer la nuit, pas de symbole pour l'infini, nous ne savons enclore ce qui demeure illimité.

Nous ne savons plus clore les cent paupières du naufrage et sous des yeux âgés nous contemplons ton preux voyage. Issus de l'autre rive nous dévorons même la lumière, si tu renâcles nous goûterons ton cœur et partirons offrir un coq à Esculape.

Le Pape est mort ce soir, stupre sacrée d'airain, à peine est effleuré, et déjà effeuillé... C'est malheureux, nous voulons toujours plus, tout ce qui est à donner et puis le reste aussi. L'ennui, de toutes parts nous guette, mais nous sortons des flots la mythique ambroisie. Le Sans-Mesure n'est plus et Dieu que nous bravons ses interdits!

Tout est permis, tout est ami, la guilde des pécheurs d'esprits chalute en eaux profondes, tout le monde invité au grand festin immonde!

Brisons la ronde ensemble, faisons des triple-croches, et que chacun décoche sa flèche empoisonnée. J'aime, dieu j'aime ma descente empourprée! Ma déchéance sans frontière, je goûte la liqueur amère et sort des flammes de la mer! Ma mère est morte, elle n'a point existé, je lui porte des fleurs que l'eau vient emporter!

Sous nos pieds le ciel! Sous nos pieds le ciel! Chacun l'aura foulé, chaque âme est appelée, pour un dernier rappel!



Source musicale, en boucle: