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samedi 28 mai 2022

Prise de terre

 Je traverse le monde à travers un voile ivre

Et mes vains vers -- bouteilles

Choient dans la mer -- Veille,

 

Indécence de toujours regarder

Leur abîme en les choses...

Souffle prose! Et coule sur les mots

Ta glaise imperméable

Habille le Réel et souffle un monde

Au cœur du vieux Néant.

 

Mon âme impie dément

Sa propre peau

Cousue de style que des Moires

Inlassables mémoirent.

 

Et il fait froid quand cesse cette brise

Et que la vil(l)e humaine

M'enceint et m'électrise.

mardi 16 octobre 2018

Le ruban déchiré

Sur la bordure ébréchée d'un mur, je marche comme sur le fil aiguisé d'une lame surgie du néant. L'iridescence d'une goutte de rosée me renvoie ses reflets chromatiques. Je suis quelque part, en villégiature, empaqueté d'un long bruissement de verdure. Ma vie n'est que le bruit du vent qui passe et fais se mouvoir les feuilles mortes qui d'un souffle renaissent. Je m'en vais moi aussi, virevoltant ça et là, papillon-chien sans laisse, s'abandonnant au temps. Tout n'est que bruit, et le silence que je m'invente n'est que l'absence d'autres bruits sur le fond incessant de celui qui me suit. Ce son que j'entends tout au fond du silence, me fait comme un sillage où s'effacent mes songes. Sur la grève du réel, après la marée haute, on pourra bien se demander: "quelque chose est passé?"

Je m'adapte assez mal au réel, j'ai tant besoin de répéter. Que ne m'a-t-on formé avant l'entrée en scène... J'aurais eu plus de panache, du moins aurais-je su comment mieux l'exprimer. Mais non je marche tant bien que mal sur mon fil aiguisé, l'hélice de mon destin comme une ligne lâche entre deux incertains. Je suis digne d'être nommé lâche, sinon j'aurais déjà sauté. Indigné d'être un homme hélas il me faut exister... L'enfant qui laisse chuter de ses poches tous ses charbons de rêves, n'est qu'un arbre sans sève. Il fallait sauter petit, mais c'est trop tard, tu as trop insisté... Épris de ta misère, tu n'as pas su sauter... La peur, comme un sirop d'érable t'as vite siroté. Par quelques gesticulations inesthétiques, tu as tenu coûte que coûte sur le fil indocile de l'existence humaine. Les mots, sais-tu, font de piètres habits, ils sont le vêtement de celui qui trop ment. Ce ne sont pas trois arabesques noires sur fond blanc, qui nous feront accroire que tu ne fais pas semblant. Tu as la forme humaine, trop humaine. Celle des erreurs, du manque de volonté, cette délinéation vilaine d'un ruban déchiré.

Le ruban vole au vent, chaque morceau miraculeusement relié, ne tenant qu'à un fil, au reste du bandeau. Tandis que les premiers morceaux, lentement s'effilochent, les Moires viennent rajouter un peu plus de tissu. Les couleurs se font plus tristes, les motifs monotones, mais une Clotho insatiable arrache du néant le gris de ton présent. Encore, encore... Mais une couleur essentielle manque au vieux vêtement, les tons sont bien trop pâles, tu n'es qu'un mort vivant. Encore, encore... Pourtant c'est bien assez non? Ne vois-tu pas que quelque chose est mort depuis l'ultime aurore?

Sur la bordure ébréchée d'un mur, le soleil comme un projecteur cruel dessine ce vain contrefort: l'ombre déchirée d'un corps sans âme, la tragédie d'un crépuscule.

vendredi 28 juillet 2017

Ordalie

Où sont fleurs et grands arbres
Et ces sourires qui vous désarment
Je n'ai qu'un pré gris et macabre
À iriser de mille larmes

Le quotidien s'avance vite parmi les champs ébouriffés
La mort est si subite et le monde imparfait

Ciel mes secondes! Me les a-t-on volées?
Cette joie qui abonde où s'en est-elle allée?
Sur mon feuillet d'horaires mon esprit succombe
Chaque jour un enfer qui dessine ma tombe

Mes poèmes sont des arbres en automne
Qui s'effeuillent et s'assèchent du train-train monotone

Et ma jeunesse qui voudrait s'enfuir
Au sein de mon passé pour enfin resurgir
Si tu t'en vas que me reste-t-il?
Seule l'odieuse angoisse de ces gestes futiles?

Revenez éclats de tendresse et volonté naïve
C'est à vos côtés que je veux ma dérive

Hélas nécessité tient tout cela dans la creux de sa main
Si féroce et si ferme qu'elle a dompté demain
Sur le tableau du temps effacé les chemins
Pour que résonne en elle ma complainte d'humain

Malheurs et pleurs, tout venin ton nectar
Et tu fais de mes peurs, ton sublime étendard

Mais peut-être qu'un jour je pourrais te chanter
Un bel ode à l'amour, d'autres tonalités
Si tu dévies ton cours et me rend mes possibles
Je me ferais velours et te rendrais sensible

Je vois bien que Destin n'acceptera jamais
De quitter tragédie qui l'a si bien charmé

Je suis vaincu, je renonce à changer
Ce que les Moires ont de leurs mains tissé
Au fond c'est bien vrai, y a-t-il plus sublime
Que les sursauts tragiques d'un destin qui s'abîme