Affichage des articles dont le libellé est mémoire. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est mémoire. Afficher tous les articles

samedi 28 mai 2022

Prise de terre

 Je traverse le monde à travers un voile ivre

Et mes vains vers -- bouteilles

Choient dans la mer -- Veille,

 

Indécence de toujours regarder

Leur abîme en les choses...

Souffle prose! Et coule sur les mots

Ta glaise imperméable

Habille le Réel et souffle un monde

Au cœur du vieux Néant.

 

Mon âme impie dément

Sa propre peau

Cousue de style que des Moires

Inlassables mémoirent.

 

Et il fait froid quand cesse cette brise

Et que la vil(l)e humaine

M'enceint et m'électrise.

vendredi 21 mai 2021

Rêve éveillé: rien ne résiste à la mer

 Ce matin, somnolant sur ma paillasse, une fois n'est pas coutume je rêvais d'océan: je rêvais de surfer. Pour une fois cela dit, ce n'était pas de moi qu'il s'agissait, puisque l'homme dont j'étais le fantôme dans la coquille n'était autre que Kelly Slater, multiple champion du monde. Nous étions dans une épreuve des jeux olympiques, sur la fin de la session. Kelly venait de prendre sa dernière vague, qui lentement s'éteignait refusant son épaule dans un fracas d'écume. Le champion, dans son dernier virage, se laissa aller vers l'eau lisse comme une glace, à peine ridée, il était presque parallèle à elle lorsqu'elle l'accueillît en son sein.

Kelly était tellement heureux, qu'il se laissait secouer par les vagues suivantes, rouler dans l'écume rageuse qui le poussait vers le rivage. Cette joie était celle d'avoir participé à un moment historique. Les premiers jeux olympiques de surf. Il arriva sur la plage, marcha quelques mètres sur le sable en pente que dominait une dune, puis il se laissa tomber à genoux, les mains sur le sol qu'il éleva et tapa contre le sable mouillé en criant: "j'y étais! J'y étais!!". Des larmes s'échappaient discrètement. Le ressac venait immerger d'une fine couche liquide la base du surfeur, il venait prendre l'émotion pour la ramener en lui.

En bas de la dune, il y avait de petits rochers lacunaires, criblés de trous et d'anfractuosités lisses qui formaient comme un corail érodé. Kelly se releva, il n'y avait plus aucun public, juste quelques plagistes épars. Il marchait le long de la dune, l'eau montait jusqu'à ses pieds pour repartir, happée par son origine, dans un petit crissement sableux de poussière musicale. La houle était tombée. L'eau était si lisse qu'elle se confondait avec le ciel. Chaque petite vague qui parvenait à casser doucement semblait effacer la précédente. L'atmosphère était silencieuse, le vent soufflait à peine et plus aucune trace des arabesques athlétiques ne persistait dans l'eau presque étale. Le moment était passé, les exploits à peine effectués disparaissaient peu à peu dans l'écho des mémoires (quelles mémoires?). La plage était redevenue comme toutes les plages, calme, immergée dans un présent qui semblait s'évertuer à refuser le témoignage d'un passé englouti.

Le vent, le ressac sur le sable, et l'eau bien calme. Une minute à peine était passée et rien ne subsistait.

vendredi 19 mars 2021

Autobiosodie

 J'ai perdu un cheval, des ailes et quelques poils.

La clef de l'immense malle où battait mon étoile.

J'ai jeté tout cela dans le passage des choses.

Il reste un souvenir tenace de gestes ajustés: mémoire crépusculaire de façons d'exister.

Qu'ai-je bien pu enfermer dans le coffre scellé? Une autobiosodie sur fragments pétrifiés...

Le monde est sans limite au fond du coffre clôt.

Chaque âme est une clef.

Dans la mine si sombre, le réseau de mes veines

En forêts sémantiques d'atomes intriqués.

mercredi 2 décembre 2020

Mantra musical

 TOUTE la MÉMOIRE EST dans L'INSTANT.

vendredi 1 mai 2020

Esquisse: Billet de retard

Des petits bouts dans ma tête, rien que des petits bouts. D'innombrables beautés en cages, de fragments chromatiques - débris de l'existence que nul n'a ramassé.

Ah les petits bouts de vécu, comme incrustés dans l'absolu dont la lumière nous parvient mais ne fait jamais que reculer, au loin parce que l'objet s'en est allé et qu'il s'éteint trop vite pour que l'on puisse le capturer.

Des morceaux de cailloux sur le chemin de rien, avec des poches trouées pour ramasser tout ça.

Un nom qui semble fait de cellules, un nom qui semble corps et esprit tant il ressort sur chaque page où il s'inscrit... Une photo, son reflet qui jaillit, m'éclabousse, puis enfin m'éblouit du teint bleui de la distance. J'ai encore mal quelque part, une ancienne souffrance qui me vient par mes yeux d'humain vieilli.

Des tonnes de wagons à la traîne d'une loco-mémoire, queue de comète, brutale trajectoire dans la nuit du néant.

Et néanmoins toujours ce rythme... Battements d'existences, mesures musicales inharmoniques. Un solfège inconnu? Oublié? Sur les papiers glacés qui se froissent au fond de mes tiroirs, tous ces clichés d'instant qui un jour ont tintés.

Encore un verre... Le cent millionième peut-être... Un bref avis nécrologique viendra dessiner entre eux le lien qui les unit dans le mouvant des choses éparpillées.

Quelle suite interminable de pas formera le cours de cela... De quoi au juste. Cela... Et de quelle mathématique parle-t-on, quelle théorie des ensembles enferme en ses axiomes les couches de chaque vie? Qu'un prix Nobel inaccompli vienne remettre un peu d'ordre et nous sortir des sables où dorment tant de miettes - d'expérience.

Expérience: du grec peiraô, essayer, péricliter, vivre en somme.

Avec un nombre suffisant de brouillons, on peut créer un livre. Le livre de pages non écrites mais dont un buvard assoiffé a bu toute la sève.

Et allez donc interpréter tout ça! Tous ces non signes qui abreuveront la quête inextinguible de sens: exégètes terrifiés, apportez-nous le sens!

Qu'on nous montre la forme des errances pour tout ce qu'elle n'est pas. Un long sillon de larmes où sont celés les rires. Un souffle mélodique entre chaque silence.

Quant à moi, concept abscons d'abstrait, j'arrache cette page souillée de l'encre vespérale. Je chiffonne un moment de mon curriculum vitae et laisse derrière moi ce détritus dérisoire. On ne distingue jamais vraiment bien que ce qui n'est pas en place.

Un contre-temps, voilà tout. Un contre-temps de plus. Au crépuscule je me rendrai au grand bureau des vies solaires. Je demanderai un mot d'excuse, et signerai mon billet de retard.

Je signerai de sang, d'empreinte sidérale. Je toquerai à la porte, entrerai dans la classe et m’assiérai dans cette salle où chacun a sa place. Personne ne lèvera le doigt pour prendre la parole, ici personne n'a besoin de parler.

Je serai sans question: la cloche aura déjà sonnée.

lundi 9 décembre 2019

[ Flux ] Temps et conscience

Pourquoi la conscience?

La conscience est intention. Elle est la liaison d'un Sujet et d'un Objet.

S   ----------------> O     |
S1 ----------------> O1   | CONSCIENCE
S2 ----------------> O2   |
Sn ----------------> On   |

La conscience existe par rémanence de l'intention qui découvre l'objet.

Le sujet sent l'effet de son observation sur le réel qu'il configure (par les formes de la sensibilité et de l'entendement) en monde.

L'intention est mouvement du sujet vers l'objet elle est donc durée.
Elle n'est pas instantanée mais différée, c'est à dire effet.

Elle est une relation d'un état d'elle-même à un autre.

NB: la conscience ne peut être un effet, elle ne peut être produite car cela impliquerait qu'il existe un présent, une instantanéité. Or, comme en géométrie avec le point, le présent instantané n'existe pas. C'est à dire qu'il ne peut y avoir d'instant dans la durée qui ne soit pas déjà durée a priori, sinon comment expliquer que d'instants naissent une chose d'une autre nature comme la durée...

Ce qui est absolument différent n'interagit pas. Seul le semblable interagit.

NB: le concept de propriété émergente est creux, il déguise une ignorance: nous n'avons pas la bonne échelle de lecture pour observer le phénomène, ainsi  nous avons l'impression qu'il émerge de l'absolument autre, lors même que c'est impossible.

Par conséquent, la conscience serait déjà là, a priori? Elle ne ferait que s'enrichir, s'épaissir, et serait donc éternelle?

NB: il  n'y a que devenir car tous les phénomènes qui constituent le monde humain sont dans le temps. Ainsi l'homme est déjà dans la semence, dans le père, la mère, dans la poussière d'étoiles et le big bang.

La représentation de l’intentionnalité en Sujet - Objet n'est pas bonne car elle présuppose que Sujet et Objet peuvent exister indépendamment l'un de l'autre, or ce n'est pas le cas. Il n'y a jamais que dévoilement d'un objet. Le sujet est un concept reconstitué a posteriori, par déduction ou induction. À la base, il n'y a que le phénomène où se dévoilent des objets.

Le sujet n'est-il qu'une fiction, celle d'un monde qui s'invente, s'imagine, une origine autre (comme avec le point de la droite ou l'instant de la durée)?


Pourquoi la flèche du temps?

Le flux du temps ne proviendrait-il pas de la décohérence quantique?

La détermination (par interaction) d'une variable (c'est à dire d'une de mes propriétés ou de celles de mon monde - c'est la même chose...) va déterminer un ensemble d'autres variables/propriétés en cascade: c'est le flux du temps.

Ce dernier serait la chute, l'annulation de la superposition d'états simultanés en un flux d'états déterminés et singuliers.

Oui, mais cela n'explique pas comment une telle succession était possible à la base, car si cette succession advient lors de la décohérence, c'est bien qu'elle était déjà là bien que non phénoménalisée (pour nous)...

Tout cela pose la question de la mémoire, car la conscience semble être une durée qui conserve les traces de durées antérieures, et même antérieures à elle (le génotype en offre un exemple typique par l'hérédité ou l'atavisme; la manière dont nous comprenons le passé antérieur à notre époque en général).

Mais comment ce passé s'accumule-t-il dans notre durée présente (comme les notes précédentes dans celle en cours lors du processus musical)?

jeudi 11 juillet 2019

Le souvenir de quelqu'un d'autre

Un choix après l'autre, comme des mots jetés sur le papier. Et la grammaire des destins s'occupera de ton histoire après le point final.

Mais vivre ne suffit plus n'est-ce pas? Une horde d'impératifs s'engouffrent dans tes songes, t'impatientent, piratent ta volonté, instillent les germes d'absurdes espoirs sur lesquels éclosent les fleurs de la désillusion.

Tu le sais, et néanmoins ce savoir est sans effet, il ne fait qu'alourdir ton insatisfaction d'une culpabilité latente et sournoise. Et ton ego s'érode, ce rescapé de tes naufrages, avançant claudiquant, rampant parfois tel une larve desséchée refusant de mourir.

Tu te demandes alors à quel embranchement du destin tu as ainsi cessé de t'aimer. Immédiatement, et avant même que la question fut pleinement formulée, tu contemples en toi la réponse.

Chaque nuit où l'angoisse te réveille et mouille le bord de tes yeux sans repos, chaque matin submergé d'amertume, sont la conséquence de cette série de choix où tu t'es vu remettre à autrui ce qui t'appartenait en propre.

Maintenant, désormais, l'amour est cette figurine brisée gisant sur le tas d'immondices qu'un temps sans coeur laisse derrière lui.

Si ton coeur Danaïdes ne sait plus rien retenir, la mémoire quant à elle imprime en ta conscience chaque instant, chaque être que tes chutes cruelles emportent vers l'abîme.

À chaque jour qui passe, cette mémoire passive qui demeure comme un résidu de toi, contemple l'homme qui s'éloigne inexorablement, sur fond de néant, tandis qu'augmentent la solitude et la souffrance de perdurer comme souvenir de quelqu'un d'autre.

lundi 5 février 2018

Sur le dos des torrents

Après avoir dévalé le lit du temps sur la surface des torrents ivres, grisé par la vitesse et l'absence de mémoire qui conjugue chaque sens au présent simple et absolu, me revoilà à quai, accroché à l'ancre des mots qui tiennent en leurs liens les moments consumés.

Dans toute expression artistique gît le terrible désir de retenir dans la forme des signes un peu de ce qui s'écoule hors de nous, un peu de notre essence siphonnée par le temps. Le présent est sans savoir, tout y est vérité, par conséquent la vérité n'est plus. Le vrai présent ne trace pas de cartes savantes de la psyché, ne rédige aucun curriculum vitae. Mais ce présent sans musique est interdit aux hommes, pour qui chaque seconde est synergie des précédentes, qui fait de l'existence une musique imposée dont seules quelques toxines peuvent nous prémunir. Qu'à cela ne tienne, s'il faut tricher nous tricherons, pour voguer un peu plus sur le présent muet, sans étendue et sans durée.

Plus tard, quand le corps épuisé se reposera dans quelque crique, au détour de la vie qui s'écoule toujours, permanente dans l'impermanence de son flux, il sera toujours tant de ramasser quelques branchages et de bâtir un abri pour la nuit à venir. Quelques signes pour prétendre qu'y gisent encore les gestes effectués, les sentiments ressentis, les images que notre palimpseste de conscience ne saurait conserver.

Moi, lorsque cela m'arrive, je me réfugie dans la banque des mots, j'y épargne mes battements de coeurs, j'y place des souvenirs qui n'ont pas d'existence autonome sans leur support sacré. Et je spécule tant sur l'avenir... J'invente des scénari, j'anticipe, je calcule de science exacte ce que sera ma position, ma direction et ma vitesse pour les jours prochains. La vie d'un homme sans désir est un fondement éprouvé pour une science exacte des présages, des rêveries prémonitoires qui ne prédisent rien, rien d'autre que le roulement monotone d'un corps soumis à l'inertie...

Heureusement que nous avons les signes qui redoublent la mémoire, tantôt la lubrifient, tantôt lui tendent mille pièges et sous couvert de parler du passé, placent sous les yeux, la surface réfléchissante de leur vacuité, où se saisit de son reflet l'homme apeuré qui s'observe et voit vieillir ce corps - tandis que le troisième oeil, lui, semble avoir toujours été là, égale, de toute éternité. Cela peut-il cesser alors? Il ne restera que des signes abscons et vides, autant de miroirs où se rencontreront brièvement d'autres âmes solitaires, qui croiront voir l'autre dans leur propre image et s'imagineront alors, un bref instant, que tous les hommes sont semblables, qu'ils portent tous en eux comme une punition divine - ou comme un don du ciel - cet oeil infatigable, éternelle vigie qui surveille et juge jusqu'à nos moindres souffles.

Construire un abri pour la nuit, demain il faudra repartir. Peut-être que d'autres échoués là par la suite, retaperont la cabane, resserreront les liens qui nous unissent au passé pourtant si différent de nous déjà... Peut-être que tout ça servira à d'autres.

Bientôt il faudra de nouveau descendre le torrent.