"Moi, qui n'ai jamais rien fait dans ce monde,
Moi, qui n'ai jamais su vouloir ni savoir,
Moi, qui ai toujours été l'absence de ma volonté"
Alvaro de Campos
"Le bonheur c'est pas grand chose, c'est juste du chagrin qui se repose" Léo Ferré
"Moi, qui n'ai jamais rien fait dans ce monde,
Moi, qui n'ai jamais su vouloir ni savoir,
Moi, qui ai toujours été l'absence de ma volonté"
Alvaro de Campos
"Les disciples de Nietzsche sont innombrables dans le monde entier, il y en a même qui ont lu l'œuvre du maître. La plupart n'acceptent de Nietzsche que ce qui est déjà en eux, ce qui, d'ailleurs, arrive avec tous les disciples de tous les philosophes. La minorité [erreur de traduction? Faut-il comprendre majorité?] n'a pas compris Nietzsche, c'est celle-là qui suit fidèlement sa doctrine. La seule grande affirmation de Nietzsche est que la joie est plus profonde que la douleur, que la joie requiert une profonde, profonde éternité. Comme toutes les pensées culminantes et fécondes des grands maîtres, cela ne signifie rien du tout. C'est la raison pour laquelle elle agit si profondément dans les esprits: on ne peut mettre absolument tout que dans le vide total."
Fernando Pessoa, morceau de lettre incomplète, sans destinataire ni date.
La philosophie n'est pas une activité intellectuelle qui met en branle des concepts irréductibles à des sensations. Bien au contraire, je trouve qu'elle n'est qu'intuitions (non pas au sens d'inspiration divine qui viendrait injecter en l'homme une vérité quelconque par l'effet d'une révélation, je parle plutôt d'affection sensible) et images. D'ailleurs il n'y a pas de pensée qui ne soit une sensation, même le langage est entendu par images acoustiques auxquelles sont liées des images d'autres types encore. Cela dit on ne sent pas par son corps, mais bien par sa conscience (preuve en est le sommeil). Chaque sensation est une image ou la synthèse en une durée, qu'on appelle un état, d'une succession d'affections. En fait c'est toute la dualité entre le corps et l'esprit qui doit être ici annulée sous peine de ne plus rien comprendre à tout cela. Le corps ne peut être qu'une idée de l'esprit, une vue de l'esprit, de la même manière que l'esprit ne peut être qu'un produit du corps. Nous n'avons pas d'idées de choses insensibles.
On pourrait m'objecter que l'idée même de l'infini vient contredire cette thèse (mais ce n'est pas une thèse, je n'affirme rien, je ne fais que parler, je ne prétends pas à la vérité, j'en alimente un courant voilà tout) mais je ne serais pas d'accord. La raison en est que l'infini est la sensation de la conscience qui se vit sur le mode de la permanence. Même lorsqu'elle cesse, elle cesse pour autrui ou par rapport à un référentiel externe, étranger, qui agit alors comme trace et témoin de cette cessation temporaire qui inclut conscience et inconscience dans une synthèse plus vaste qu'on pourrait nommer existence. Néanmoins du point de vue de la conscience, la seule chose qui est expérimentée c'est la conscience... La mort n'y pourra rien y faire puisque la conscience n'aura jamais connaissance de sa fin, elle n'en aura nulle expérience. Elle se vit donc, pratiquement, sous le rapport de l'éternité, et l'idée d'infini n'a rien d'une chimère spéculative.
Il en va de même pour l'idée du fini, c'est par l'expérience d'états de consciences temporaires et fluents que la finitude est perçue et ressentie, mais elle ne peut l'être que sur un fond d'infinité, de permanence éternelle.
Avertissement: Il ne s'agit bien évidemment pas ici d'une tentative de définition de l'art. Je n'ai nulle prétention à réduire l'art à mes points de vue actuels (et j'espère être à même d'en subsumer bien d'autres encore au long de ma vie). Je ne fais ici qu'exprimer une certaine perspective prise sur l'art, perspective personnelle mais que j'ai eu aussi l'impression de retrouver chez des artistes m'étant chers. L'art, est bien d'autres choses que l'angle par lequel il est abordé ici. Nulle velléité d'autorité, nulle velléité de réduction.
Saisir une fonction eidétique statique
Ce qu'on veut transmettre à travers l'écriture, c'est sa propre essence, c'est à dire la fonction qui nous définit en tant qu'être qui digère et transforme des altérités pour perdurer dans son essence. L'expression de cette fonction est, en droit, impossible à donner sous un quelconque produit de l'art ou de la réflexion. L'expression de cette fonction est un enchevêtrement causal opaque et indéfini, ce qu'Aristote pourrait appeler cause formelle et cause finale. Elle n'est pas donnée telle quelle dans l'action de l'être qui en est la réalisation en acte, à travers chaque acte de cet être ne se donnent que les résultats de sa fonction eidétique. Prenons une analogie mathématique: l'expression d'une fonction mathématique ne peut être donnée par ses résultats puisqu'une fonction n'est pas une valeur et inclut notamment des variables. La variable illustre et signifie le rôle de morphogenèse de la fonction: cette dernière prend en paramètre une valeur (un être) pour lui appliquer des opérations qui produiront un résultat. Autrement dit la fonction est un processus de transformation et de mise en forme (mise en ordre) du monde.
Si l'expression d'une fonction ne peut être retrouvée par ses résultats, puisqu'il existe pour une série donnée de résultats une infinité de fonctions possibles, il n'en demeure pas moins que plus le nombre de résultats augmente et plus la fonction devient définissable. En effet, plus la série des résultats augmente et plus certaines formes de fonctions seront éliminées, plus on augmentera la probabilité de tendre vers telle ou telle forme de fonction. Par ce processus, les résultats permettent bien de pallier l'interdit originel, du moins de manière relative, puisqu'il devient possible de cerner peu à peu la nature de la fonction qui est à l'origine de ces résultats. C'est exactement ce qu'il se passe avec un auteur: plus le nombre de ses productions augmente, plus son style se définit dans sa forme essentielle. Nous avons, à notre époque bénie, une merveilleuse illustration de ce procédé avec l'intelligence artificielle. Nous avons réussi à faire en sorte qu'une intelligence artificielle soit à même de produire de nouveaux tableaux dans le style d'un peintre particulier, en nourrissant l'IA d’œuvres de cet artiste. Néanmoins, afin de saisir la fonction eidétique avec certitude, il faudrait que la série de ses productions soient infinie. Il n'y a qu'ainsi que l'on peut être certain que l'ordre identifié dans une partie de la série donnée ne pourra pas subitement varier. Autrement dit, tant que la fonction n'aura pas traitée toutes les valeurs possibles, il est impossible de la reconstituer avec certitude à partir de ses résultats. Mais plus le nombre des résultats tend vers l'infini, plus cette certitude augmente.
Imaginons par exemple un auteur qui, durant le cours de sa vie, découvre un autre auteur ou bien vit un événement marquant (traduisible par la détermination d'une valeur singulière donnée en argument d'une fonction) qui va transformer son écriture, ce qui aura pour conséquence de lui faire produire des textes originaux et qui semblent dévier de sa ligne initiale. On ne pourrait pas dire que sa fonction ou son essence d'écrivain ait changée: par nature son essence ne peut se transformer, elle est une donnée éternelle qui fixe son identité et subsume sous sa forme l'ensemble des variations qu'elle peut prendre au cours de l'histoire. On peut comprendre cela par le fait qu'il faut toujours postuler la continuité de l'identité dans les différents états d'un même être sous peine de dissoudre son identité et de ne pouvoir hypostasier en une substance unique l'écheveau des mois empiriques et de leurs formes singulières.
Ainsi donc, ce changement dans l'écriture de notre auteur n'aurait pu être anticipé par nos tentatives (antérieures à l'événement) de déterminer la nature de son essence: il nous fallait ces nouvelles données, ces nouveaux résultats pour les intégrer à nos recherches. Imaginons maintenant que ce type d'événement puisse se reproduire un nombre de fois indéterminable jusqu'à la mort de l'auteur: vous comprendrez pourquoi seule l'infinité du nombre de résultat peut assurer le caractère nécessaire de l'induction de l'expression de sa fonction. C'est le propre de l'induction d'avoir besoin d'une infinité de cas pour fonder la certitude du résultat induit. C'est précisément ce que pallie la déduction a priori.
Ceci dit, l'infinité est bel et bien nécessaire pour atteindre à la certitude apodictique, mais on pourrait penser qu'il suffit de la mort pour régler ce problème. En effet dès lors que l'auteur est mort, on peut considérer que la série totale de ses productions étant fournies, il n'est pas possible que sa fonction puisse produire des résultats imprévus ou simplement inconnus puisque l'on considère que le domaine des valeurs admissibles en tant qu'arguments de sa fonction est déterminé et fini. Dans ce cas, il devient alors possible de trouver la fonction qui est à même de produire ces résultats à partir de ces valeurs. Mais ici aussi il faut être prudent car il existe une infinité de fonctions possibles et aptes à produire ces résultats. De la même manière qu'entre un point A et un point B existent une infinité de chemins possibles, dès lors qu'on postule un espace infini.
Mais pire, en adoptant cette posture, on clôt artificiellement, par l'actuel, le domaine des valeurs que peut traiter la fonction, et l'on fait abstraction de l'ensemble des valeurs possibles qui n'ont pas été traitées mais auraient pu l'être. Or ces valeurs auraient pu produire des résultats inattendus... Imaginons que l'auteur ait vécu plus longtemps, et, qu'à un moment donné, il se mette à produire des œuvres étonnantes compte tenu de sa ligne directrice antérieure... C'est précisément l'effet de la mort que de figer en éternité ce qui était par nature dynamique (ou bien de finir ce qui était indéfini), mais la mort donne une solution de fait à notre question et non de droit. Il reste toujours impossible de reconstruire l'homme à partir de l’œuvre.
Saisir une fonction eidétique dynamique
Maintenant imaginons que la fonction n'est pas définie une fois pour toute, a priori, mais qu'elle soit dynamique. L'identité ne pourra plus être fondée sur le principe tautologique A = A. Il faudra la refonder à partir de la traçabilité et de la reconnaissance. Le sujet entraîné par le temps, voit son état changer à chaque instant, il doit donc faire un effort pour assimiler dans son nouvel état les états antérieurs et les faire siens. C'est à dire qu'il doit précisément assurer la fonction de mémoire, qui lie divers instants en une durée commune leur assurant le fond nécessaire de permanence. Afin de lier la multiplicité et de la subsumer sous une unité, il est nécessaire que ce fondement identitaire et permanent existe auparavant. Il semble donc impossible d'imaginer une fonction eidétique dynamique puisqu'une telle chose reviendrait à créer autant de fonctions nouvelles qu'il y a d'états de la fonction: chaque état de la fonction deviendrait une fonction à part entière, indépendante et absolument étrangère à la précédente.
Le seul moyen de pallier cette diffraction dirimante serait de considérer qu'il existe un substrat permanent qui sous-tend l'évolution des états et subsume sous son unité la variété des fonctions. Mais alors, cela reviendrait à affirmer qu'il existe une fonction statique, et déterminée une fois pour toute, une méta-fonction, qui serait la seule véritable expression de la fonction de l'artiste. Celle-ci étant donnée a priori, nous retomberions dans l'aporie du paragraphe précédent.
Il est donc impossible à l'artiste de se saisir lui-même à travers ses productions. Son essence reste fantomatique et semble revêtir certains caractères du noumène kantien. Tout ce que l'artiste pourra faire, c'est de collectionner les traces de son essence et supputer à partir de ces concrétions inertes la forme de l'élan qui demeure à la base (en tant que source) de sa créativité.
Les mots expriment la différence, or le bonheur est l'identité.
SOUFFRANCE est notre RÉALITÉ. Pour cela nous pouvons l'exprimer parfaitement, dans son indéfini surgissement.
Il existe un niveau de CONSCIENCE (= UNITÉ) pour chaque CHOSE qui EST.
Donne le plaisir de l'UNION, sans jamais faire oublier l'IMPERMANENCE de celle-ci.
CE QUE TU SAIS FAIRE, FAIS-LE POUR LES AUTRES.
CE QUE TU SAIS OUVRIR, OUVRE-LE POUR LES AUTRE.
CE QUE TU SAIS DÉFAIRE, DÉFAIS-LE POUR LES AUTRES.
CE QUE TU SAIS FERMER, FERME-LE POUR LES AUTRES.
AUTRUI EST TON SEUL INFINI.