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mardi 28 novembre 2023

Inspiration

Enfermez-vous dans votre esprit, dans le puits de votre âme, sans porte ni fenêtres, laissez mijoter cette volonté directement branchée aux étoiles, jusqu'à ce que ce frémissement de l'être se fasse ébullition et que toute votre personne perce des trous dans le tissu de l'être. Laissez l'énergie accumulée se concentrer jusqu'au noyau de vous-même, jusqu'à devenir aussi dense que mille galaxies, jusqu'à ce que s'effondre le gaz de vos pensées sur l'atome de néant, et devenez cette étoile noire qui contient au-dedans d'immenses portions d'horizon sidéral. La frustration, l'absence d'expression façonne les étoiles et relie l'âme aux sphères de la beauté cosmique. Il faut alors attendre et trouver un moyen de faire sourdre la perle patiemment polie. Et c'est cela la poésie, rien d'autre.

Il n'y a pas de travail dans la création poétique, mais le simple mouvement de l'être qui devient.

vendredi 10 juin 2022

Ode prométhéenne

 Je pense à ceux des forges noires, aux infirmiers du monde, à ceux aussi qui, du fond du Capital, abolissent les normes et rompent les amarres avec une nature à quai -- origine abolie. Qu'en ira-t-il de tout ce va-et-vient, ces autobus à mécanismes complexes, tubulures métalliques, explosion -- pyrotechnie du présent...

L'air vibre de toutes parts, stridences et décandences, grondement sourd des roues sur le rail, crépitement des pioches sur les os de la Terre, bruit de fond de la machine humaine en marche et sans repos.

Telle une maladie, je rêve, en un récit viral, d'éteindre le fracas, de détourner la sève de ce Pandémonium ahuri, de préparer un monde où ces futiles fins sont abandonnées sur la route, comme ces sucreries d'enfant qui ternissent l'émail.

Ma décroissance a des saveurs d'enfance, de terre sous les ongles qui grattent et s'émerveillent de la seule présence de dame Nature. Odeurs d'humus, de mycorhizes, bruissement de l'être-là des choses, arc-en-ciel chlorophyllien, treillis céleste qui se peint tout au travers des hautes frondaisons.

De tout cela mon temps s'est fait un palimpseste... Et tout empeste, relent d'égoûts et bouche d'aération qui tousse un air tout alourdi d'angoisse souterraine. Des cadrans lumineux affichent les horaires d'une agonie légale, viol effrené des consciences, haine qui s'avale au matin, par litres entiers, ô sucre du café matutinal...

Métronome en avance qui toujours rapproche l'instant du prochain geste -- celui-là qu'on achète au SMIC mensuel. Des fragments de destins vendus qui forment, rectilignes, les rails de l'humain dressé. Et gratte et creuse et frotte des moquettes en des couloirs de termitière.

Je pense au mécanisme dément de cette horlogerie quotidienne, soufflerie de magasins vomis sur les passants, arômes de pains-au-chocolat, ventilateurs retors qui rendent à l'entropie la course des données -- en de micro-circuits.

Autour de tout cela, en silence, le Chaos guette qui récolte en ses filets les miettes toujours plus nombreuses de ce laborieux requiem. La Terre, chaude, brûlante, fiévreuse, rend à l'éther étal ses vains degrés de trop. Ah douce entropie...

Tu fais de l'ignorance ton régal et couve de tes yeux éteints le coup de vent de nains qui circulent, infatigables électrons, dans les artères des villes, défilent en ordre -- minuscules --, courent ici et là de manière standardisée pour mourir sous des croix industrialisées.

Que de destructions alors... toi qui pourtant pourvoie déjà à cette tâche, bien en-deçà de toute casuistique... toi qui, parfaitement et sans conscience, applique cette loi de la thermodynamique. Vertueuse érosion de ce qui se tient là, pour que la cime enfin rejoigne la poussière, devienne le terreau fertile d'infinis lendemains...

Vois ces petits assistants faucheurs qui partout scandent un rythme décalé, ne veulent plus attendre leur fin et précipitent celle de tous. Raclement de rouille, grincement de zinc, intestincts entortillés du ventre de la ville parcourue par les rats qui agissent, en miroir inversé, comme leurs homologues des surfaces.

Froissement crépitant des emballages plastiques, aussitôt fait aussitôt chiffonés. Grondement des flammes au fond de ces décharges qui tentent d'avaler le monde excrémentiel d'humains gloutons déments.

Stridences des alarmes qui déchirent le brouhaha des villes surpeuplées, cris, pétarades des pots d'échappement, portes qui se referment et s'ouvrent sur le vide, souffle entrecoupé des pales d'un retors, immeubles propulsés à travers les silen-cieux.

Orage permanent sur la planète: vagabonde bleue, derviche banlieusarde, extrémité galactique en valse gravitationnelle.

Là-bas, au centre des révolutions, le bruit est si assourdissant qu'il fait du monde humain ce tintinnabulement attendrissant des carillons d'enfants. La foudre nucléaire rase tout sur son passage, houle magnétique, raz de marée qui projettent au sein du sombre espace des langues de feu voraces illuminant le vide. L'effondrement permanent chante un cri de flamme à rendre sourde n'importe quelle indiscrétion.

C'est le soleil lui-même que nous ramenons sur la Terre, enclos dans les centrales, disséminé par les gaines de cuivre: cheveux électriques des civilisations. Et le bourdonnement de l'énergie fait se dresser sur l'épiderme les poils glavanisés. Le bétail se meurt des maladies du temps.

Le cœur bat la chamade, le silence est un ronron citadin, le vrai silence est un concept livresque, personne n'en connaît la texture. Mais le Grand Silence lui, mes frères, est à venir. Il n'est pas un éclat de nos paroles creuses qui ne l'appelle à s'éveiller.

Dans le cliquetis des roues crantées, dans le récit prométhéen des usines se joue cette fabrication d'un monde substitué au Monde. Homo Faber, pourfendeur de cycles biologiques, chercheur d'éternité, adorateur de la mort minéral.

Des mondes sur d'autres mondes: auparavant cathodiques arrivent désormais par diodes électroluminescentes organiques, c'est toujours au fond la même paroi de la même caverne antique... Il faut se voir soi-même, en toutes choses, que tout soit un reflet de nos idiots profils.

Épais volutes de fumée nocive, ogives nucléaires, poudres alchimiques -- semence de beauté. En tout objet du monde, la marque du sujet: du sombre métal usiné des berlines aux couleurs éclatantes d'organismes génétiquement modifiés, tout partout nous, nous... toujours nous. Indigestement nous.

lundi 8 mars 2021

Déchirement idéaliste

 La conscience est un raffinement évolutif d'une telle dangerosité. Cette capacité à se métamorphoser si vite excède largement la temporalité biologique du vivant et, plus généralement, de tout écosystème relativement stabilisé. Elle surcharge d'idéalité le réel et emmène l'esprit par-delà les phénomènes, par-delà les lois établies, pour inventer un ailleurs toujours plus désirable. En accentuant certains signaux, tels que celui de la limite ou de la contrainte -- certainement pour un motif évolutif tout à fait louable et qui devait consister à pouvoir développer des solutions alternatives pour augmenter le champ d'action humaine --, la conscience mène assez naturellement vers deux horizons: la destruction pure et simple du corps en tant qu'entité contraignante dont il faut s'affranchir (c'est tout à fait ce qu'il se passe dans nombre de spiritualités où le corps est vu comme un obstacle qu'il faut dompter), ou bien sa transformation rapide, c'est à dire sans se plier à la temporalité lente des mutations naturelles d'une espèce (c'est précisément le cas du transhumanisme).

La conscience projette l'homme si loin au-delà de son corps, et même des corps en général, que le monde phénoménal perd sa consistance et semble ne plus pouvoir servir d'assise, de structure stable à partir de laquelle fondre son comportement. C'est au monde de s'adapter à cet esprit intrépide et illimité, qui porte ses regards bien au-delà des frontières du visible, et pour cela interroge l'état actuel des choses, le remet en cause, cherche à le transformer à son avantage, à son image surtout. On comprend aisément en quoi une telle fonction peut être utile à la survie d'un être comme l'humain, et le problème ne réside pas en sa qualité mais en sa quantité. La conscience s'érige comme fonction de rupture des équilibres, et si la marche est une telle opération répétée, il faut, pour tenir debout, savoir circonscrire le déséquilibre en d'étroites bornes.

Pourquoi tant d'artistes et plus généralement de gens à l'esprit foisonnant meurent si jeunes? On peut mourir d'impatience face au monde et à soi, mourir de déchirement idéaliste.

samedi 12 septembre 2020

[ Terres Brûlées ] Épuration



Je suis aujourd'hui mort
Et je mourrai demain encore
Peut-être d'un regard
D'un geste
Ou bien de vos paroles...

Il n'y a nulle drame
Les vivants me rejettent
Sur les berges d'un monde
Où je trouve un berceau

Ma vraie famille en bloc
Tout au fond des tombeaux
Dont les regards en mots
Font se mouvoir mon âme

Spectre musical
Dans un espace en flamme
Je suis aujourd'hui mort
Demain peut-être en vie

Le temps d'un lourd contrat
Qui m'impose son masque
Et rend l'individu
Un servile automate

Mes semblables voyez-vous aiment des qualités
Et font des congénères de simples unités
Une somme de fonction qu'on agence en programme
Pour réaliser sa réforme, son petit idéal

Il faut amender la nature
Qu'on ne saurait plus voir
Briser ce vieux miroir
Qui ment sur nos profils

Notre langue est le vrai
La science seule réalité!
Pourtant pas une figure géométrique
Et les visages humains sont tous asymétriques...

Mentir, partout, toujours
Peindre des trompe-l’œil
Sur la vérité nue
Et ne pas voir la nuit surtout...

Qu'on badigeonne à grands coups de croyances
Pour qu'un ciel azur dégoulinant
Soit toujours sous nos yeux
Et bouche l'horizon

Je suis aujourd'hui mort
Et je mourrai encore
De respirer parmi vous
Les miasmes de lâcheté
De détacher ma peau
Pour ressembler à tous
À rien
Au code qui meut chaque machine

Je suis aujourd'hui mort
Et je mourrai encore
D'accepter l'exception
L'erreur
L'irrégularité
L'imprévisible
Mais ce qui est rayé de votre monde
N'est qu'un nom sur la liste
L'identité factice
La vacuité d'un nombre
Le rien d'une unité

À chaque instant je nais
Formule du chaos
Dans votre ordre inventé
Et je naîtrai demain
Pour le restant des jours

Je suis cette nature
Que vous ne voyez plus
La racine bien nue
Qu'il vous faut épurer

Mais...
Dans le processus
Des lambeaux de nous tous
La chair de l'âme rousse
Le clair de larmes douces
S'écoulent par la bonde
En un siphon d'alarmes

Il faut refaire le monde
Et combler cet abîme
Entre mots et puis choses
Décoder l'alphabet
Maîtriser le langage
Que Tout soit loi
Sans exception
Sans surprise
Un tout bien ordonné
Sans mystère
Que la nature de chaque homme enfin
S'étale sur CV
Totale et accomplie
Entière nue
Parfaitement dévoilée

Notre idéal est pur
La volonté si sûre
Notre main ferme et dure

Car l'idéal est pur!

Oh oui... Notre idéal est pur...


Source musicale:

La marche militaire du monde mort-derne

lundi 21 mai 2018

Lettre de démission

Vous voulez que je vous dise? Au fond c'est une psychanalyse. Tout ça, tout l'art, tout là. Et peut-être bien que chaque phrase enroulée dans les pages empilées des livres, chaque coup de pinceau, chaque note retrouvée: le chant mélancolique des fous, plongés dans un absurde.

Mais, je dis ça... Rien n'est moins sûr en fait. Si l'art prend sa source dans le tourment et la souffrance des hommes, peut-être est-ce contextuel, propre à une époque donnée, et il se pourrait que d'autres vers puissent pousser sur le terreau fertile d'une joie retrouvée.

Moi je suis dans la danse des fous, d'un monde qui ne connaît pas mon nom, un monde qui ne peut me sentir. Ici, il n'y a qu'un grand rouage, l'oeuvre collective d'un petit nombre d'horlogers auto-proclamés qui se servent de semblables pour fabriquer des pièces qui rempliront des fonctions. L'univers où je vis est un damier de fonctions qu'il faut remplir. La structure est conçue pour faire émerger la fonction, envers et contre l'individu, envers et contre la communauté.

J'ai passé mon temps à me définir par des fonctions descriptives aptes à figurer sur les curriculum vitae. Ce qui fait bander les recruteurs c'est une bonne punchline de compétences, une liste de fonctions bien apprises et puis remplies. Si la vie d'aujourd'hui se résume à ce système, alors je suis bien recalé. Par flemme, par dégoût et par révolte. Je préfère crever je crois. Continuer est trop dur.

Je trouve plus d'empathie dans la présence d'un arbre qu'au milieu des humains. Pas que ces derniers en manquent, mais parce que la structure - toujours cette putain de structure qui semble tombée du ciel - n'a pas l'utilité de produire cette fonction. Pas le temps pour l'empathie. Alors je reste seul et m'isole, dans l'exercice physique et le bruissement de mes cellules heureuses, dans la compagnie vibrante de silence des arbres aguerris. Ils ont le temps, eux, ils sont là, ils écoutent, ce sont les champions pour les vrais discussions. Les miens, ceux de mon espèce, ne savent plus écouter: ils n'ont pas le temps comprenez, cinq jours travaillés, deux jours au repos, ça ne fait pas beaucoup de repos, pas beaucoup de temps pour la famille, pour les amis, pour découvrir au fond ce qui peut bien nous animer vraiment... Alors écouter, pendant des heures, des journées, voire des années... Et bien c'est un boulot, il faut payer pour ça. La structure a jugé bon de produire cette fonction essentielle, tout en lui ôtant la part empathique, inutile; il faut respecter des horaires: une demi-heure la séance, pas plus, d'autres attendent, c'est à la chaîne ici, pas d'interruption tolérée, pas d'accrocs dans le déroulement mélodique. Tu croyais quoi petit, qu'on jouait en groupe? Mais c'est du papier à musique qui se joue, directement dans les tuyaux et ça te sort la chanson au tempo programmé, si tu ne parviens pas à suivre, désires une modification: alors dégage, va donc jouer ailleurs d'autres prendront ta place!

Sauf que dehors c'est pas facile, il y a moins de nourriture, moins d'abris (et parfois plus du tout), moins d'air et bien moins de loisirs. C'est pourtant simple à comprendre, dehors il n'y a plus d'argent quasiment - et l'argent est devenu le seul écosystème de l'homme. Déjà qu'il n'y en avait pas beaucoup à l'intérieur... Mais moi je veux bien me barrer, aller voir ailleurs si j'y suis, parce que de toute évidence ici je n'y suis pas, juste un fantôme et son cri, sur les murs des prisons une tache de suie... D'aucuns y verraient le portrait de Jésus... Peut-être qu'au fond le monde est peuplé de Jésus anonymes, qui parlent sans être écoutés, qui prédisent dans l'indifférence. C'est qu'un peuple qui souffre n'est pas bien ouvert voyez-vous, un peuple qui a peur et qui souffre il soigne ses blessures, il se berce comme il peut, aux comptines télévisuelles, il prend son médicament en attendant les jours meilleurs, il cherche des coupables, mais n'allez surtout pas lui parler de la souffrance des autres hein! La souffrance des autres on en a soupé! Chacun la sienne et puis merde! Et puis c'est quoi ces lubies de tout remettre en question? Non mais et puis quoi encore?! Revenir à la bougie?! Au Moyen-Âge?! C'est ça qu'ils veulent?!! Nier tous les progrès, refluer vers les extrêmes qu'on a pourtant bannis? Ah les extrêmes on les a bien bannis oui, si bien qu'ils sont maintenant bien au milieu du spectre idéologique, il suffisait de décaler un peu tout ça vers la droite, et tout rentre dans l'ordre, l'empathie, la solidarité, l'égalité et la fraternité: tout ça du fin fond des extrêmes, des idées radicales, liberticides... Putain mais t'es pas Charlie toi? On va te pendre haut et court!! Z'entendez? Il est pas Charlie çui-là: pendez-le, aux fers, à l'asile le terroriste!!

Tu peux toujours chercher à discuter avec ces gens, tu auras simplement à déjouer les un milliard de raccourcis qu'ils prendront à chaque fois, tous ces jugement pré-moulés qui leurs permettent de dérouler un dialogue sans jamais qu'une seule de tes idées ne s'entrecroise avec les leurs. Ils t'ont taillé un portrait avant de discuter, tout ce que tu pourras dire renforcera un peu les traits. Quant au monde, à quoi bon refaire le monde?! Le monde est tel qu'il est mon vieux! Et c'est comme ça n'en déplaise! There is no alternative!

Ah bon? Je savais pas. Naïf que j'étais je pensais que le réel, le monde en soi pour ainsi dire, était inaccessible à tous les sujets. J'avais cru, ignorant, qu'un monde était la relation ente un point de vue et cette chose indéterminée qu'on appelle le réel, et qui apparaît différemment aux yeux de chacun. J'étais plutôt convaincu par l'idée qu'un monde c'était juste un modèle plaqué sur des phénomènes, que ces modèles pouvaient changer, pire: qu'un même phénomène pouvait être vécu de bien des manières variées selon les êtres. Par exemple une chauve-souris... Quoi?! Mais qu'est-ce qu'il me raconte celui-là avec ses chauve-souris: encore un sabir ésotérique, la théorie du complot! Non mais c'est quoi ça, un discours que tu tiens d'internet? De la désinformation encore... Les chauve-souris... Et pourquoi pas les reptiliens non c'est pas ça? Et si tu te sens pas d'ici c'est parce que tu viens d'une espèce extra-terrestre qui aurait visité la Terre au temps des pyramides c'est bien ça non?

À quoi bon discuter... Des raccourcis et des raccourcis, tellement qu'il faudrait mettre le monde en pause pendant plusieurs années pour qu'on parvienne enfin à se mettre tous d'accord. Oh non pas sur le monde, je ne crois pas en un monde, je crois au multiple... Mais au moins sur le fondement sain d'un dialogue possible, sur le sens des mots, et d'autres choses encore.

En attendant je parle avec les arbres, avec moi-même, sans discontinuer... On pourrait presque me foutre à l'asile si on savait... Je parle avec le monde, par des bouteilles à la mer. Avec quelques amis, mais surtout un en fait... Ça nous a pris toute une enfance et une adolescence pour y parvenir en sus de notre affinité alors imaginez le temps qu'il faudrait avec des "ennemis". Puis je suis fou à l'intérieur, à moitié calciné, un oxymore délirant d'intériorité colorée, et d'ombres sèches de paysages post-apocalyptiques. L'intérieur j'ai fini par le connaître bien mieux que l'extérieur, je m'y suis enf(o)ui à corps perdu - c'est le cas de le dire -, ma seule issue de secours. Mais quand la part sombre et sanieuse devient trop importante, même là, il faut trouver d'autres sorties: la mort par intoxication mesurée, certains y consument leur vie. Mais se détruire c'est bien, ça fait grimper la croissance...

Tiens c'est marrant, quand je marche dans la ville je remarque des îlots de verdure, une pointe de nature dans l'inorganique agencement de l'espace urbain à des fins de travail et de consommation - et d'intoxications passagères. On aurait pourtant pu croire, que la nature est notre écosystème naturel, et qu'un peu de ville par ci par là peut être tolérable... On pourrait croire effectivement...

Une balade ici c'est un peu à l'image de nos vies: l'asphyxie d'une agitation frénétique pour produire tout et n'importe quoi, produire de la valeur - encore faut-il me dire qui décide de celle-là -, dans un environnement inhumain et déshumanisant, entrecoupé d'oasis de verdure qui tentent tant bien que mal de retrouver un souffle au sein de la fournaise... Semaine, et week-ends... Année de travail et maigres semaines de vacances... Juste pour ne pas crever totalement.

Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise, j'en finis par comprendre tous ceux qui craquent, ceux qui font mal aux autres, avec beaucoup de fracas et de bruit, parce qu'ils ont l'impression qu'il n'y a qu'ainsi que l'on est entendu. Et ils n'ont pas tort... Sauf qu'on est entendu, mais pas écouté bien sûr. Tout finit par servir les mêmes intérêts, invariablement. Même la destruction totale et radicale des espèces sert un intérêt: elle produit de la croissance...

Est-ce qu'on pourrait au moins crever en paix?

dimanche 8 avril 2018

Anti-vertu



Sur des geysers de pétrole noir, jaillissant du sol nu d'astres souillés, ton âme maculée tu promènes et fais boire. À quelle source étrange abreuves-tu ce noir désir de tes pensées? La vallée creuse son sillon entre d'indéfinis sommets. Là-haut l'astre grossi creuse vacance dans le plein de l'espace. En fond de ce décor, où tes pas meurtrissent une nature puissante, la lune noire et presque omniprésente d'un royaume en péril.

Tu es venu dans ton babil, faire pousser sur le sol, ces villes que vous savez si bien vomir. Tout est silence où s'incrustent tes cris sans grâce, ton verbe est la sentence par laquelle trépassent tant d'univers conquis.

Chien de misère qui trône sur la mort minérale de déserts construits. Partout sur ton passage fleurissent les outrages, tu es l'ami de l'entropie bien que ce soit elle qu'horrifié tu fuis.

Regarde ces fleurs qui retombent en cloches, et d'où s'échappe un gaz qui forme des mondes en pagailles pour les curieux esprits. Et cette sève que tu bois de tes moteurs est le remède à tant de maladies dont tu prépares l'avènement; sans même le savoir. La constellation céleste est l'alphabet que tu ne sais pas lire, par ta lecture au seul premier degré. Sais-tu ce que présagent les cieux à ton engeance hostile, et son destin si creux qu'il n'est l'écho de rien? De graves secrets s'ourdissent en symphonies des sphères, et ton tableau se peint dans les nuances diaprées de ces orbes d'opales que tu revends par lots, comme de vulgaires babioles. La conque de cet animal que tu éradiqua jadis, chante en un long sifflement l'histoire que tu écris et ratures de ton sang, graves sur chaque mur et sur le dos de chaque ciel. L'espace, le Tien, est l'exclusif palimpseste où s'imprime la seule poésie que tu goûtes: en codes barres et tickets de caisse. Un battement cosmique et l'ardoise s'efface. Tout recommence enfin dans l'infini surface.

Tout chante, tout conspire en l'harmonie universelle, et tu n'écoutes pas le monde qui te parle. Ne vois-tu pas l'ombre de ces étoiles si sombres qu'elles aspirent lumière? Bientôt, nulle information ne tombera plus dans l'escarcelle crevée de ton esprit sans repos. Tes yeux demeureront ouverts sur le froid entropique. Il n'y aura plus de différence, plus de contraste pour distinguer, plus d'altérité pour sentir, et rien à définir. Il n'y aura plus que toi, ta loi universelle et sans témoin, et cette éternité de mort que tu as pourchassé de ton désir aveugle.

Bientôt, tu parachèveras l'ultime imperfection de cette anti-vertu.