lundi 19 février 2024

Story

À tout âge peut-être est-il possible d'ourdir un bilan de soi-même, et de s'étonner de voir le motif improbable qu'a brodé Clotho. Rodéo du destin qui relie les contraires comme s'il n'y avait là qu'évidence incomprise -- de nos pauvres âmes limitées, concentriques, étriquées à crever l'être de cette aiguille aigüe de conscience.

Charriés à travers le vide galactique sans même en ressentir la vitesse, passagers débridés qui pour faire tenir la fiction oublions tout cela. Nos lois de la physique nous disent bien après tout que tout mouvement est semblable au repos. Et nous nous reposons de devenir, nous croyons être de désêtre, ne voyons même pas nos convictions les plus tenaces être rongées de rouille et puis bientôt scorie, sillon ténu dans notre dos, remou du vent de nos "story".

La vie est un détachement, l'amour meurt à tout va, et seule l'idée que l'on garde continue de grandir, comme un mensonge nécessaire qui voudrait nous faire croire que le passé a existé... Relisons nos journaux et constatons à quel point le jour présent n'a plus rien d'autrefois... La constellation d'âmes que tisse notre vie sociale n'est pas cette sphère fixe d'un monde supra-lunaire, elle est le foisonnement incessant de mollécules mouvantes, qui reconstitue chaque instant la cartographie de nos représentations mentales, avec son Nord, son Sud, Rose des Vents de consciences en dérive, surface plane et définie que nous prisons bien plus que le vrai territoire. Mais la carte change elle aussi, moins rapidement certes, mais néanmoins reconfigure en différé, avec plus de douceur -- peut-être --, les fins motifs tracés dans les sables du temps. Le passé est illisible en lui-même, il n'affleure à la surface que d'une seule sémantique: celle du présent éternel.

En réalité nous ne retenons rien, et c'est pourquoi nous parvenons à danser sur cette permanence -- qui n'est au fond que celle d'une illusion renouvelée.

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