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vendredi 29 janvier 2021

L'âme en chantier

 Des étoiles, j'en ai connues...

Toute cette agitation frénétique de bulles d'énergies qui luttent contre le désordre en est une forme singulière à vrai dire. Il semble donc que mon origine même soit doublement stellaire: d'abord dans la génération physique, puis dans l'appartenance patriotique. Je suis d'autres étoiles, il faut que tu le saches. À vrai dire, peut-être ne suis-je d'aucune étoile mais de toutes... Et je ne sais s'il s'agit de folie que de le penser, et d'observer les cieux diaprés de nuit avec le cœur battant comme l'amant face à une photographie de la femme en allée. Là-bas, toujours, un foyer possible, précisément parce qu'il n'est qu'une idée.

Et je parle à des extraterrestres, congénères forains que j'appelle de mes prières, depuis l'antenne cérébrale qui diffuse mes espoirs en ondes sémantiques. Qu'ils regardent en mon âme, et voient comme je souffre d'être enfermé ici! Qu'ils se décident alors à venir, à reconnaître en l'atroce singularité de ma psyché la marque d'un de leurs semblables. La marque de la différence, de l'Autre...

Mais ils ne viennent jamais, ou du moins pas à ma connaissance, et malgré tout quelque chose en moi persiste à penser que débarquera un jour prochain, d'une Altaïr lointaine, la troupe salvatrice de ces ancêtres qui me diront ce que je ne parviens pas à saisir aujourd'hui, tout en l'ayant toujours su...

Ils viendront... Je le sais; parfois je le crois seulement, même lorsqu'il m'arrive d'en sourire...

Je pourrais peut-être, enfin, me transmuer en autre chose que moi-même, quelque chose de tout aussi indicible mais d'incroyablement plus beau et puissant, et profond, et informe, et versatile comme le devenir de toutes choses, comme la durée de toute pensée... Écrire cela, et le lire ensuite, me confère cette étrange impression d'être déjà cette forme de vie protéique et polymorphe, à la fois sculpture de chair en mouvement par-dessus un clavier de touches, impulsions électriques foisonnantes et qui remontent le cours d'un fleuve qui se déverse en lui-même, musicalité sémantique qui informe le vécu d'une âme lectrice et n'en demeure à jamais qu'une projection... Nous sommes, il me semble, tout cela et d'autres choses.

Mais il y a des formes que je connais trop bien, et dans lesquelles il me faut retomber. Sur le sable infini de tout, mes semblables ont tracé des sillons qui sont désormais des abîmes dont on ne peut sortir tant ils ont été creusé profondément, à force de passage. Je sais qu'il est inepte de penser cela mais j'ai le sentiment tenace de n'y pouvoir plus respirer, que l'oxygène qui devrait nourrir mon chaos joyeux pour être transformée en maints buées de mondes n'a plus cette simplicité souple et sauvage qui peut prendre tous les visages, revêtir tous les masques. Dans le grand jeu des particules élémentaires, les constructions sont balisées, normées, nombrées et immuables.

Pensez, deux minutes, à ce que représente l'immuabilité dans un monde en devenir...

J'aime les autres lorsqu'il s'agit d'un choix. Contraint d'errer dans la carte que d'autres ont peint pour nous, je n'ai de cesse de sentir battre en moi le tambour des révolutions, jusque dans mon sommeil, qui fait de tous mes appétits l'injonction despotique à déchirer la surface, à retourner chaque image pour découvrir les choses au-dessous, telles que je les verrais libre enfin de tout calque.

Au fond tout cela est probablement puéril, peut-être possédons nous tous les mêmes formes, la même palette de couleurs, la même plage de fréquence étriquée, ce même spectre étroit que nous habitons bien gaiement, notre maison commune: le monde, tel qu'il est pour les hommes.

Je ne veux pas être un homme. Je veux être autre chose. Je veux être tous les hommes et plus encore. Je veux êtres les animaux et les plantes, je veux être chaque champignon qui pousse sur cette terre, je veux être l'ensemble de tous les virus connus et à venir, je veux être chaque arborescence de complexité qui dure en des mémoires ambulantes et cardiaques, je veux être l'infini absolu, entièrement achevé...

Comprenez-vous ce que cela signifie? Un infini achevé? Le paradoxe n'est qu'apparent, comme toujours. Pour être l'infini totalisé je dois devenir la puissance même de faire advenir, je dois me faire la fonction du vivant, cette même fonction que je porte en moi dans la moindre de mes parties infinitésimales. Et pourtant je désire être cette chose même, ce schème, ce processus de fabrication qui n'est jamais défini par l'objet qui en résulte: dynamique inchoative de toutes réalités en cours.

Je rêve d'un autre monde en somme, et ne me rend pas compte que, faisant cela même, je le bâtis ainsi, aussi parfaitement qu'en mes aspirations les plus hardies, à l'image même de mon phantasme sémantique. Ce monde que je bâtis comme un empire dans cet empire honni est peut-être l'ensemble de ces phrases et de ces textes, qui, s'articulant entre eux pour être un organisme, une manière de lier le divers de choses éparses et peu variées, prennent la forme d'une âme en un vertigineux chantier qui est le mien: ma mélodie, mon univers.

Une mélodie, un univers, c'est bien la même chose: cette réalité exsudée de ma fonction possède une origine, une source jaillissant depuis la cause des causes, un formidable Dieu qui est tout autre que ce monde même: le style de cette prose, la démarche d'une mélancolie qui est celle d'un présent éternellement insatisfait de lui-même, comme une mer recommencée. Tous ces faux souvenirs amassés là, étalés ici sur l'éventaire d'une mémoire numérique, ce mobilier fantôme d'un monde abstrait, tout n'est qu'ombre de mon style. Mon style est un principe:

une âme en chantier d'elle-même.

mardi 17 octobre 2017

Le ciment et le sable

N'oublie pas, coeur solitaire, âme enclavée ou qui se croit comme telle, voire qui se croit damnée: tu as un pouvoir sur les choses; et tu peux faire s'envoler les coeurs comme une horde d'oiseaux sauvages. Tu es lié à tant de choses... À vrai dire, à toutes choses. Mais tu as oublié. Tu as vécu quelques années, cru apprendre certaines leçons, et le long flux du temps a érodé tes coquillages, pour en faire le sable de ces plages où tu te complais à échouer, inerte, d'un destin minéral et qui n'est pas le tien.

Tu as appris à apprendre et, malheureusement pour toi, point encore à désapprendre. Or ces deux processus sont pourtant les mêmes.

Avance-toi en courant dans les forêts peuplés et tous les bois vivants. Vois comme le monde répond à ton approche, comme les buissons s'agitent de ta visite impromptue, vois comme les membres s'affolent et cherchent à se mettre à distance du tumulte que tu produis. À chaque seconde, tes choix, tes gestes, tes actions, se répercutent sur l'ensemble du monde. Pourquoi donc préfèrerais-tu t'ensabler dans l'oubli, et devenir ce silence qui te pétrifie mais qui pourtant n'est rien, rien qu'une toile de fond pour tes chants infinis.

Laboure le silence et plantes-y tes graines de vie. Mouille le sable du temps pour en construire des châteaux, éphémères si tu veux, ou plus durables car le ciment est aussi fait de sable...

Tu as pris bien du temps à trouver ton chemin, d'ailleurs peut-être cherches-tu encore, cette voie d'or censée te porter à demain, comme si le vent lui-même t'avait fait sien. Et pendant que tu cherchais ta route, comme un enfant déporté, tu la traçais dans le sol, aussi sûrement qu'un magma qui dévale les pentes raides des volcans énervés. Peut-être cette route n'est-elle pas la plus rectiligne qui soit, mais il n'y a que des lignes droites pour qui ignore sa destination. Ce voyage que tu ne cesses d'ajourner était déjà entamé depuis le premier doute, à peine la première hésitation. Cette voie qui est la tienne, peut-être ne la vois-tu pas, mais c'est la voix par laquelle on te reconnaît dans l'univers où tu es.

Lorsque tu crois n'avoir rien fait, regarde toujours derrière toi, prends quelques minutes pour contempler, ces gestes que tu jugeais nuls, ces choix que tu pensais n'en pas être. Ce qui t'apparait beau alors, mets-le au-devant de toi, nourri par ce vécu comme un engrais.

Si tu ne sais pas où tu vas, le temps, tout de même, retient la forme de tes pas. Le ciment et le sable sont du même bois.

samedi 5 août 2017

Orbe-opale

Des gouttes! Des gouttes! Des gouttes de son et de lumière.
Des perles, des perles de temps et de matière.

Des limbes, entre l'azur céleste et cette terre.
Des limbes encore, dans le vortex de mes artères.

Ô sombre liquide, puissance infernale.
Anti-monde, virtualité bien réelle.

Des trilles, des trilles à l'encre des mémoires
Qui retracent au sein du temps la broderie des Moires.

Silence coloré d'entre les pensées.
Le souffle du tourment, dans ma chair entretissé.

Ricochet, ricochets de rien sur rien
Aux ondes indéfinies de Tout.

Des mots, des mots goûtus qui fondent sur la langue
Et le sens de tout cela qui ne vient que des sens.

Essence, essence multicolore  de nos énergies contagieuses.
Pétrole, pétrole aigre-doux de nos nuits insomnieuses.

Barques, barques dociles et frêles
Dérivant sur le dos du ciel

Que cherchez-vous là-haut,
Attachées à l'éther comme à un rameau?

Mais la source voyons, la source de tous les chants
La graine et le noyau à l'origine du temps.

Oeil, oeil ouvert sur le monde
Oeil-monde qui unit le divers
En-deçà, par-delà l'invisible frontière
Orbe d'opale où jaillit l'univers