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samedi 12 septembre 2020

[ Terres Brûlées ] Épuration



Je suis aujourd'hui mort
Et je mourrai demain encore
Peut-être d'un regard
D'un geste
Ou bien de vos paroles...

Il n'y a nulle drame
Les vivants me rejettent
Sur les berges d'un monde
Où je trouve un berceau

Ma vraie famille en bloc
Tout au fond des tombeaux
Dont les regards en mots
Font se mouvoir mon âme

Spectre musical
Dans un espace en flamme
Je suis aujourd'hui mort
Demain peut-être en vie

Le temps d'un lourd contrat
Qui m'impose son masque
Et rend l'individu
Un servile automate

Mes semblables voyez-vous aiment des qualités
Et font des congénères de simples unités
Une somme de fonction qu'on agence en programme
Pour réaliser sa réforme, son petit idéal

Il faut amender la nature
Qu'on ne saurait plus voir
Briser ce vieux miroir
Qui ment sur nos profils

Notre langue est le vrai
La science seule réalité!
Pourtant pas une figure géométrique
Et les visages humains sont tous asymétriques...

Mentir, partout, toujours
Peindre des trompe-l’œil
Sur la vérité nue
Et ne pas voir la nuit surtout...

Qu'on badigeonne à grands coups de croyances
Pour qu'un ciel azur dégoulinant
Soit toujours sous nos yeux
Et bouche l'horizon

Je suis aujourd'hui mort
Et je mourrai encore
De respirer parmi vous
Les miasmes de lâcheté
De détacher ma peau
Pour ressembler à tous
À rien
Au code qui meut chaque machine

Je suis aujourd'hui mort
Et je mourrai encore
D'accepter l'exception
L'erreur
L'irrégularité
L'imprévisible
Mais ce qui est rayé de votre monde
N'est qu'un nom sur la liste
L'identité factice
La vacuité d'un nombre
Le rien d'une unité

À chaque instant je nais
Formule du chaos
Dans votre ordre inventé
Et je naîtrai demain
Pour le restant des jours

Je suis cette nature
Que vous ne voyez plus
La racine bien nue
Qu'il vous faut épurer

Mais...
Dans le processus
Des lambeaux de nous tous
La chair de l'âme rousse
Le clair de larmes douces
S'écoulent par la bonde
En un siphon d'alarmes

Il faut refaire le monde
Et combler cet abîme
Entre mots et puis choses
Décoder l'alphabet
Maîtriser le langage
Que Tout soit loi
Sans exception
Sans surprise
Un tout bien ordonné
Sans mystère
Que la nature de chaque homme enfin
S'étale sur CV
Totale et accomplie
Entière nue
Parfaitement dévoilée

Notre idéal est pur
La volonté si sûre
Notre main ferme et dure

Car l'idéal est pur!

Oh oui... Notre idéal est pur...


Source musicale:

La marche militaire du monde mort-derne

dimanche 8 avril 2018

Anti-vertu



Sur des geysers de pétrole noir, jaillissant du sol nu d'astres souillés, ton âme maculée tu promènes et fais boire. À quelle source étrange abreuves-tu ce noir désir de tes pensées? La vallée creuse son sillon entre d'indéfinis sommets. Là-haut l'astre grossi creuse vacance dans le plein de l'espace. En fond de ce décor, où tes pas meurtrissent une nature puissante, la lune noire et presque omniprésente d'un royaume en péril.

Tu es venu dans ton babil, faire pousser sur le sol, ces villes que vous savez si bien vomir. Tout est silence où s'incrustent tes cris sans grâce, ton verbe est la sentence par laquelle trépassent tant d'univers conquis.

Chien de misère qui trône sur la mort minérale de déserts construits. Partout sur ton passage fleurissent les outrages, tu es l'ami de l'entropie bien que ce soit elle qu'horrifié tu fuis.

Regarde ces fleurs qui retombent en cloches, et d'où s'échappe un gaz qui forme des mondes en pagailles pour les curieux esprits. Et cette sève que tu bois de tes moteurs est le remède à tant de maladies dont tu prépares l'avènement; sans même le savoir. La constellation céleste est l'alphabet que tu ne sais pas lire, par ta lecture au seul premier degré. Sais-tu ce que présagent les cieux à ton engeance hostile, et son destin si creux qu'il n'est l'écho de rien? De graves secrets s'ourdissent en symphonies des sphères, et ton tableau se peint dans les nuances diaprées de ces orbes d'opales que tu revends par lots, comme de vulgaires babioles. La conque de cet animal que tu éradiqua jadis, chante en un long sifflement l'histoire que tu écris et ratures de ton sang, graves sur chaque mur et sur le dos de chaque ciel. L'espace, le Tien, est l'exclusif palimpseste où s'imprime la seule poésie que tu goûtes: en codes barres et tickets de caisse. Un battement cosmique et l'ardoise s'efface. Tout recommence enfin dans l'infini surface.

Tout chante, tout conspire en l'harmonie universelle, et tu n'écoutes pas le monde qui te parle. Ne vois-tu pas l'ombre de ces étoiles si sombres qu'elles aspirent lumière? Bientôt, nulle information ne tombera plus dans l'escarcelle crevée de ton esprit sans repos. Tes yeux demeureront ouverts sur le froid entropique. Il n'y aura plus de différence, plus de contraste pour distinguer, plus d'altérité pour sentir, et rien à définir. Il n'y aura plus que toi, ta loi universelle et sans témoin, et cette éternité de mort que tu as pourchassé de ton désir aveugle.

Bientôt, tu parachèveras l'ultime imperfection de cette anti-vertu.