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mercredi 12 janvier 2022

Parallèle


 

 

 Oh poison débilitant qui souffle sur les cris le baume émollient d'entropie. Disjoins les cellules, les neurones, les souvenirs. Qu'ils restent enclavés, comme un train désossé dont chaque wagon gît dans un pays différent; dont chaque rouage esseulé tourne dans la mécanique inepte d'un vide incandescent.

Partage mon âme en deux, en parties qui s'ignorent. Sape cette structure, fais de chaque élément le signe abscons d'un langage aboli. Que rien ne tienne ensemble dans le nouveau chaos, et que jusqu'aux échos de l'ancien système se perdent au bout des choses.

Qu'il est doux ce moment, où même un objet familier, n'est plus à rien relié: contempler le réseau de toile déchirée. Je me retrouve au bout de ton impasse, avec pour seul souvenir, l'idée trop persistante qu'un autre monde est là, de l'autre côté de ces murs, que tu dresses -- parois de mon tombeau faits pour me protéger. Je suis reconnaissant...

Peu à peu tu défais jusqu'à l'intelligence, jusqu'à ces facultés qui tissent un monde sans avoir la décence de demander si cela est séant. Car cela n'est pas séant n'est-ce pas? Ce n'est pas ce que nous voulons: exister?.. C'est bien là qu'est tapie la souffrance infinie, celle qui dans l'instant racole, les autres à venir. Pourquoi te faire si belle, te vouloir immortelle, tu passeras aussi, comme tous les naufrages, laissant derrière toi le tapis fleuri de mille vies nouvelles, qui sauront faire peau neuve de ton cadavre exquis.

Coule interminable conscience! Coule en vaine permanence! Tu sais si bien tenir en ton cadre indécis ce qui se résigne à passer, le présent qui se couche pour dresser l'avenir.

À présent je me couche, pour mieux te voir partir. C'est dans mes yeux ouverts qu'impudique tu touches le monde pur et forain, l'altérité des choses qu'inexplicablement tu veux rallier, souiller de ta vaine constance.

Je dois fermer les yeux, si ce ne sont les deux, au moins celui qui parle; et celui qui vomis en couleurs constellées l'invraisemblable féerie des ces cieux lointains, ceux-là même qui toisent, de leur nécessaire extranéité, la terre où crient des âmes ivres de leurs semblables, et qui s'entre-dévorent.

Pardonne-nous réel, nous sommes bien petits: de ta puissance illimitée, nous ne savons tirer que cette vile comédie, d'autant plus pathétique qu'elle est pour nous le parangon des tragédies.

Et je ne sais fermer les yeux. Seule une toxine émergée de ton art parvient à pétrifier en nos gorges acides ce souffle que nous insufflons jusque dans nos machines. Issue d'une vapeur létale, nous sommes les grouillantes vies, des formes rudérales sur les trottoirs souillés d'une intangible galaxie -- dimension parallèle.

Paradis parallèle, il faut sauter dans le vertige pour enfin te rejoindre, il faut franchir le Rubicon, boire l'eau noire du Styx, et faire de nos artères un fleuve du Néant.

Et, peut-être qu'alors, enfin, disparaîtra le symptôme infâme et dénué de rythme, qui glisse atone et seul dans l'Être tolérant: ô toi  féroce lucidité.