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mardi 19 janvier 2021

Missi dominici


 

 

Mêlons, allons! le sang impur

Qui va tambour battant par les tempes d'azur

Versons le lait velours carmin

La pureté, déjà, s'éteint...

 

Voyez les vers au firmament

Que contingentes alluvions

Sur leurs pattes dressées

Adressent au froid néant


Et tout cela pour rien ma reine

Le froid déjà partout éteint


La braise qui crépite

Les flammes qui s'élèvent

Le foyer sans lueur

Qu'a fui le Dieu menteur


Mais c'est tout autre chose que je voulais te dire

Un message innocent, parfum de mon bouquet

Dont la rose écimée a du mal à s'ouvrir

Tant pis j'appuie ma pulpe sur l'épine

Et ouvre le passage

À ma mémoire coupée:

 

C'était, je crois, le pli de ton sourire

Le sillon de tes reins

L'ombre sous tes paupières

Un récit familier

Le rayon de lumière

Qui donne un centre au vide.


Mais d'un coup tout revient

Je suis le messager honni

Au verbe hideux d'airain

Tout enrobé de miel

 

Le conte vespéral

Qu'on tisse au coin du lit

Pour coudre les enfants

Au tissu sidéral

 

Au bout de chaque chose

Une mort aurorale

Qui vient de ses doigts roses

Cueillir le dernier râle

 

Au bout de chaque dose

Un songe sépulcral

Qui pèse dans les roses

Le poids des pierres tombales


Et tout cela roule au bas des collines

Que des bras empressés portent aux cimes

Icare, Sisyphe, portraits de finitude

Il faut bien affronter l'ultime turpitude


Se fondre en la durée

Dissoudre les caillots de temps

Que fige Éternité

Se farder de printemps

S'offrir, souffrir

Et tout haut affirmer

Ce rêve d'exister


Que savons-nous au fond du reste

À part nos quelques hypothèses

De vains fantasmes et le doux zeste

D'espoirs faisant prothèse


Presse ton ombre sous le ciel

Et danse à t'en rendre vertige

L'âme est si belle sous le déluge

Qui la refait tout immortelle


Efface l'ombre au bout du ciel

Et masque cet anxieux visage

Ton drame est une comédie

Le monde ton sublime autel

vendredi 7 février 2020

Ce que les autres semblent

Honnêtement? Je ne me souviens plus à quel âge je l'ai perdue...

C'était peut-être en quittant le pays, oui... Ça doit être à ce moment là. Je me souviens comme les journées ressemblaient à la nuit là-bas. Je me souviens ce que cela fait d'être étranger à sa culture d'accueil, de n'en pas comprendre les coutumes, de n'en pas apprécier les goûts, et de scinder son âme en deux parties. Il est vital qu'une part de soi continue à vivre...

Honnêtement, je ne me souviens plus de l'âge mais néanmoins de chaque instant, de chaque seconde, de chaque atome de temps écoulé.

Ça me fait toujours un peu sourire les gens qui prennent une mine contrite lorsqu'ils évoquent un passé douloureux, j'ai toujours eu l'impression qu'ils jouaient un rôle, faisaient marcher les neurones miroirs qui font que l'on singe les comportements collectifs jusqu'à ne plus s'en rendre compte. Eh quoi, le passé est révolu, si vous racontez cela depuis le lit d'une humeur équanime quel besoin de jouer la tristesse...

Je me souviens donc de tout cela: du froid de glace qui couvrait la chaleur survivante, des jours gris qui rendaient chaque mur, chaque angle, toute forme sale et angoissante. Je me souviens des forêts sombres qui m'isolaient dans le présent insulaire, comme un naufragé de l'exil qui s'échoue sur un rivage malvenu.

Je n'avais que des shorts et des bermudas dans ma garde-robe qui ne servaient à rien ici. Avec mon look de surfeur au teint hâlé, j'entrais sur la scène comme un arlequin dans un film en noir et blanc. Un film dans une langue originale, qui n'était pas la mienne bien qu'elle en empruntât les mots et les phonèmes. Mon accent se dissolvait au contact de ce bain linguistique forain et hostile, ridicule et comme arriéré.

Il fallait se déshabiller de soi, ce soi qui n'est au fond qu'un tas de fringues que l'on enfile depuis tellement longtemps qu'on ne l'identifie plus comme tel, qu'il est devenu peau. Il fallait enfiler le nouveau costume, apprendre son texte comme on dit et porter haut le masque. Y a-t-il seulement quelque chose de neuf dans ce processus? La vie sociale n'est-elle pas invariablement ce même cheminement d'intégration forcée qui mène chaque humain à se faire un reflet, quand bien même anamorphique, de tous ceux qui l'entourent?

À un moment donné on ne se donne même plus la peine d'enlever ses habits pour dormir. On se couche ainsi, on devient peu à peu ce que les autres semblent et ce qu'au fond jamais nul n'est.

mercredi 24 avril 2019

[ Terres brûlées ] Érèbe



Il est un lieu en soi-même
Aux murs faits de ténèbres

Un dieu dort c'est Érèbe
Dans l'écrin des dilemmes

De cette chambre à laquelle je n'accède
Grondent des sons qui désormais m'obsèdent

Derrière la porte close
Les pétales sans couleur
De mes fleurs non écloses

Un Dieu dort c'est Érèbe
Qui fait fondre nos masques en un fleuve de plèbe

Personne... Tant que rien ne remonte
Qu'en l'abîme s'étouffe une mer que démonte

L'énergie sans limite une source empêchée
La tant avide vie que l'on veut entraver

Il est un lieu en soi-même
Où gît la vérité

Celle de tout un chacun
Le patron de notre âme
La clôture du chantier

À rebours du chagrin
Qui nous fait étouffer

Tandis que la pièce résonne
Me perce de ces traits enflammés
De ces charmes harponne
Un désir entamé

Quelque chose s'écoule
Un sang noir qui déroule
Le collier d'une vie
À son être ravi

Un dieu dort c'est Érèbe
Aux tréfonds de mon âme dans le lit de ma sève

Il est des dimensions qu'on peut seulement sentir
À un cheveu de soi, malgré tout si lointaines
Comme ce souffle de lyre
Jouant son théorème

Là-bas, où je ne peux aller
J'aimerais revenir
Galaxie spiralée
Où je veux tout cueillir

Car un Dieu y dort
Y rêve ma vie
Celle que j'ai sentie
En de précieux accords

Je souhaiterais revenir
Où le Dieu d'or et d'ombre
Rêve mon avenir
Sous le vieux masque sombre

Je ramènerai courageux
Du chaos imprenable
L'algorithme d'un jeu
Qu'on dit indéchiffrable

Je ferai se toucher chacun des deux pôles
Trouverai le chemin qui mène aux alizés

Je tracerai la route vers l'autre dimension
À travers les ténèbres je bâtirai les ponts

Je réveillerai le Dieu qui me ressemble tant
Ouvrirai grand les yeux où s'écoulent le temps

J'aurai peur, je le sais
Néanmoins je vivrai

Mon Dieu si vous saviez comme j'aspire tant
À ce que la vie ne soit plus un long rêve