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mardi 5 novembre 2019

L'objet de la philosophie

Les philosophes bâtissent des mondes à l'aide d'axiomes à partir desquels ils vont développer un logos. Certains ouvrages brillent d'un éclat singulier, notamment grâce à leur cohérence interne. L'Ethique de Spinoza en est un exemple paradigmatique tant il s'impose par sa rigueur logique.

Ce que fait le philosophe c'est de proposer un monde où habiter qui serait le développement de principes posés comme fondation initiale. Ce monde est l'ensemble des théorèmes que l'on peut tirer de tous ces axiomes.

Cette démarche n'est jamais achevée tant le langage naturel est polysémique. Le monde proposé est ainsi ouvert et indéfini, seule l'axiomatique peut être achevée en tant que condition de possibilité du monde en question.

Mais ces mondes, aussi séduisants soient-ils, ne sont jamais qu'une perspective sur le réel, ils ne sont qu'un regard singulier sur les choses. Le dogmatique est celui qui cherche à annexer sous l'autorité d'un seul regard, tous les autres points de vue possibles.

jeudi 1 mars 2018

L'art en chantier

Je suis un musicien. Tout s'est expliqué le jour où j'entendis pour la première fois le jeu d'une harmonie. La conscience, unie, enclose sur elle-même, s'ouvrît alors aux vents stellaires propulsant quelque chose de ma personne où je n'étais jamais allé, dans quelques contre-allées sidérales où tournent quelques bras de galaxies et trois comètes vagabondes.

Dépourvu d'instrument, ne sachant pas chanter, il fallait bien pourtant que toute cette musique composée par mes tripes - le souffle des poumons, le battement du coeur, le flux sombre et sanguin de ma mélancolie - se trouve un lit pour s'écouler. Hors de la source, surtout jaillir hors de la source. Toujours. Même les trous noirs sont des sources vers des ailleurs insondables. Alors j'ai fondu calmement mon âme dans les mots. J'ai emprunté pour moi la prosodie sémique de phonèmes enlacés. J'ai joué sans arrêt, ici, là, ou dans le non-espace de mes pensées, la mélodie monochrome que permettait les mots. Il faut creuser le rythme, injecter son fluide au sein de la surface et puis tirer ses plans, les séparer un peu pour produire un monde en reliefs et dimensions, un lieu où respirer. Si vous ne chantez pas, il faut tricher alors, inventer son solfège penser des gammes et rendre la hauteur en silences et longueurs.

Ce voyage est sans fin, le chemin se poursuit par-delà horizons et imagination. Mais ce n'est pas le mien. Pas seulement lui. Moi je m'avance en tous lieux, j'avance un pas sur chaque voie, pour devenir ubique. Ainsi mes sens déploient le réseau complexement entrelacé de ma vision, et le monde que je me représente s'assemble doucement, et s'ouvre sur des formes à n-dimensions. Plus j'arpente de chemins, moins la progression est palpable. Pourtant, un jour, par la surprise d'un rai lumineux, je tombe sur l'amas gracieux de ce système immense qui se trame peu à peu et se dessine là. Cela prendra du temps, mais le monde ainsi créé réalise enfin l'unification phantasmée de sensibilités diverses, de visions a priori contradictoires mais transverses. Tout, finalement, se déverse en la musicalité inédite de ce présent que je joue, avec des couleurs et des lignes, avec des sons et des fréquences, avec les lois de mondes qui avant cela ne communiquaient pas.

Les plus ambitieux chantiers progressent imperceptiblement, et leur développement est à lui seul un monument à vivre. La musicalité d'un destin se joue en divers mouvements: adagio, allegro, presto, andante, et c'est dans les silences que s'ourdit patiemment la mesure à venir.