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lundi 28 avril 2025

Eccéité

Ronce les Bains, le 26 Avril 2025.

Je n'ai jamais été écrivain. J'ai toujours attendu l'inspiration tombée d'astres distants et, il faut l'admettre, une certaine clarté a pu, par épars instants, choir en la perspective de mes yeux. C'est autre chose qui parle à travers moi... bien que ce soit impossible. Impossible car on reconnaît trop ce style, ces limitations qui font tourner les phrases dans le même manège insipide à force d'être goûté. Le vécu lie à quelque transcendance, mais la capture se fait toujours par l'entremise de ces formes, tous ces tropismes de l'eccéité. Et c'est exactement la raison pour laquelle cet avorton dont on accouche nous déçoit puis écœure. On ne parvient pas à se hisser à la hauteur, à se faire aussi vaste qu'un vague océan et retranscrire la forme de ce qui n'en a pas. Alors pourquoi ne pas renoncer à écrire, et se décider à dissoudre cet égo dans la pureté de l'instant -- faire enfin de la concrétion de ce soi la poudre qui s'envole aux vents? L'on veut caresser les peaux et les âmes et néanmoins conserver les contours, la délinéation du corps parce que ne sait saisir  de l'âme une autre identité. Il n'y a pourtant pas de style plus complet que le souffle enveloppant d'une présence stéréotopique. On se rappelle aussi très bien de ce qu'on n'a pu saisir pour le figer en son immobilier; on se souvient des fous mistrals, de l'alizé comme du zéphyr.

Renonce à être humain si tu veux être prosodie, émotion qui se tisse en des syntagmes. Accepte de n'avoir jamais existé tel que tu te connais aux yeux des autres, et qu'ils ignorent tout du prosaïsme odieux de ta vie, des circonstances où tu te recroquevilles hideusement, araignée silencieuse, pour cracher la salive de tes lettres. Deviens l'œuvre. Il n'y a qu'alors que tu pourras enfin te reposer de toi, faire vivre autre chose qu'une fierté qui emprisonne. Habite les mots comme si tu n'avais pas d'autre nature que la seule poésie.

mardi 12 octobre 2021

Le lacet de couleur


 

 

Un poème chute -- de mes yeux sur le monde: il éclabousse mes chaussures.

Je lemme à en dégouliner sur moi, mes fringues empestent, sales hardes embarbouillées de ton odeur ô douce poésie -- ambroisie d'âmes sourdes qui ne connaissent rythme qu'entrelacs de tes courbes.

La mélodie se brise, à mes pieds froids de bise que tu me donnes à volonté, moi qui me meurt de ne plus rien vouloir... Envoie donc tes baisers, entre là de tes courbes.

Sur un pétale de rose signe-moi des billets de mots d'amour en feu -- ma langue, houleuse prosodie, saigne à noyer ma bouche sous une sève intempestive qui fait pâlir de jalousie ce modeste crachin de ma salive. Ça live, ça vit dans des palais, de frottements grossiers, vulgaires friction d'épaves amarrées qui ne prendront jamais la mer, et la lancent en poèmes. Poème pagode enflammée, crémation de ce rêve d'enfin sortir de soi, d'enfin se rencontrer, et devenir tes yeux, ta flamme, ton con qui tangue sobre et fait dans la rue fluviatile, tous ces gens chavirer...

La muse ivre brésille, au vent du soir d'interminables trilles où s'ébruite harmonieux le voile de la souffrance. Il m'a fallu convaincre tous ces gens du bien-fondé de mon errance et maintenant voilà, je fends les flots de rien comme une voile à l'horizon sur les rebords de ton regard, sur les abords de ton royaume: j'irai me déverser le soir tout au bout de ton monde, et tout à mon vertige, j'irai me hâter dans la nuit, trouver aux pâleurs des tréfonds, l'éternelle tombe au... Cœur qui bat encore comme si la destructrice vie n'avait pas emporté dans son rouleau de lave, les restes de ma joie, brûlé mes horizons, me laissant là sans ligne, celle du destin qui conduit les humains à l'ourlet d'un linceul. Au lieu de ça j'existe, vain, seul, et me prend à rêver de bien devenir toi, confins de ta banlieue, frontière de tes lèvres, gorgées du soleil de ma vie qu'on m'a volé dès la naissance, Incurable conscience -- implacable Érinye.

Au cœur de mes atomes emprisonne un baiser, peut-être que la peur alors me pousserait, à prendre soin de moi, à recoudre mes plaies, enrouler la bobine de ces lambeaux de soi qui, sous mon regard complice, s'incrustent dans les pages d'un livre interminable.

Vois, je me défais en faisant ce récit. Mais c'est bien à tes pieds que je m'effile enfin soigné, je serai le lacet qui nouera de couleurs, ces quelques jours où tu m'as recueilli...