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vendredi 17 décembre 2021

Ode à l'Onde

Ouh, rythme et scansion

Trop longtemps j'ai quitté

Vos pas d'éternité!

 

Comment goûter la vie

Sans programmer le temps?

J'ai la fièvre de toi,

Confesse au ciel atone

 

                                            Ma sublime addiction.

 

M'accrocher à tes hanches

Et suivre tous tes pas

Voilà bien un destin

Que j'embrasse en riant.

 

Qui saurait mieux placer

Sur mes lèvres un sourire

Grains de notes bleutées

Qui donnent à mon désir


                                                Un sucre acidulé.

 

Que tout le reste échoue

Sur les récifs de la rigueur

La vie est sans saveur

Sans tes chutes mineures!


Et tous les cieux lointains

Peuvent se tenir cois

Tant qu'en moi tu résonnes

De tes accords félins!


Je préfère danser

Que demeurer assis,

Les fesses sur un banc

Le cœur qui trop rassit.

 

Je veux abréger cet ennui

D'un staccato léger!

 

Je ne suis plus le cours

Je joue les filles de l'air

Prends en vain les détours

De tes stations solaires.


Musique punis-moi

D'avoir cessé de battre

Le tempo du pavé

Un feu brûle en mon âtre

 

                                            Et tu l'as ravivé!

mardi 12 octobre 2021

Le lacet de couleur


 

 

Un poème chute -- de mes yeux sur le monde: il éclabousse mes chaussures.

Je lemme à en dégouliner sur moi, mes fringues empestent, sales hardes embarbouillées de ton odeur ô douce poésie -- ambroisie d'âmes sourdes qui ne connaissent rythme qu'entrelacs de tes courbes.

La mélodie se brise, à mes pieds froids de bise que tu me donnes à volonté, moi qui me meurt de ne plus rien vouloir... Envoie donc tes baisers, entre là de tes courbes.

Sur un pétale de rose signe-moi des billets de mots d'amour en feu -- ma langue, houleuse prosodie, saigne à noyer ma bouche sous une sève intempestive qui fait pâlir de jalousie ce modeste crachin de ma salive. Ça live, ça vit dans des palais, de frottements grossiers, vulgaires friction d'épaves amarrées qui ne prendront jamais la mer, et la lancent en poèmes. Poème pagode enflammée, crémation de ce rêve d'enfin sortir de soi, d'enfin se rencontrer, et devenir tes yeux, ta flamme, ton con qui tangue sobre et fait dans la rue fluviatile, tous ces gens chavirer...

La muse ivre brésille, au vent du soir d'interminables trilles où s'ébruite harmonieux le voile de la souffrance. Il m'a fallu convaincre tous ces gens du bien-fondé de mon errance et maintenant voilà, je fends les flots de rien comme une voile à l'horizon sur les rebords de ton regard, sur les abords de ton royaume: j'irai me déverser le soir tout au bout de ton monde, et tout à mon vertige, j'irai me hâter dans la nuit, trouver aux pâleurs des tréfonds, l'éternelle tombe au... Cœur qui bat encore comme si la destructrice vie n'avait pas emporté dans son rouleau de lave, les restes de ma joie, brûlé mes horizons, me laissant là sans ligne, celle du destin qui conduit les humains à l'ourlet d'un linceul. Au lieu de ça j'existe, vain, seul, et me prend à rêver de bien devenir toi, confins de ta banlieue, frontière de tes lèvres, gorgées du soleil de ma vie qu'on m'a volé dès la naissance, Incurable conscience -- implacable Érinye.

Au cœur de mes atomes emprisonne un baiser, peut-être que la peur alors me pousserait, à prendre soin de moi, à recoudre mes plaies, enrouler la bobine de ces lambeaux de soi qui, sous mon regard complice, s'incrustent dans les pages d'un livre interminable.

Vois, je me défais en faisant ce récit. Mais c'est bien à tes pieds que je m'effile enfin soigné, je serai le lacet qui nouera de couleurs, ces quelques jours où tu m'as recueilli...

lundi 20 septembre 2021

Play Stop Repeat

Arrive un stade où la vie ne semble plus rendre aucun son. On a beau marcher le long des jolis quais de la Garonne, avec le soleil étincelant sur l'épiderme fluviatile, tous ces éclats d'en haut nous sont des larmes qu'on n'a su pleurer...

Même le pas, qui pourtant porte par-delà l'instant, n'est que le métronome d'une musique qui ne veut pas commencer, qui s'est peut-être comme annihilée de bonheur dans la projection de sa fin.

La ville ne semble offrir que des docks, gris, couleurs de pierre sale, avec la rouille des containers incrustée dans chaque image. L'air a les odeurs de choux qu'ont certaines cantines le matin, et même les murs blêmes ont la mauvaise haleine.

Une baleine sortirait des flots de ce port fluvial, je n'en serais ému. Peut-être cela me divertirait-il, l'espace de quelques pas, dans la scansion de rien. Peut-être mes yeux avides de nouveauté iraient-ils boire le spectacle improbable avant de se rappeler tout ce qu'ils ont déjà vu, des centaines de fois, cinématographie du monde charriée par fibre optique, au goulot des prises murales.

Bordeaux maritime, ô combien sonne exotique ce nom à mes oreilles -- qui jouent les portes grinçantes entre l'enfer forain et l'intime Géhenne --, et néanmoins le claquement de ma semelle retentit dans l'espace vacant d'un quai de vieux pavés dégueulant la grisaille sur des bâtiments d'industrie. Même au soleil ces quais sont gris.

C'est tout de même pathétique, je veux dire: reléguer comme ça le monde à un décor de tragédie, la sienne, qui n'intéresse personne et que l'on visionne à longueur de journée parce que presque plus rien ne nous pousse à agir... Mais c'est ainsi. Les gens des accessoires pour des metteurs en scène tyranniques et sans espoir, qui ne savent agencer un espace qui parle de bonheur dompté. Le bonheur, est dans la dissolution des espaces ordonnés, des conventions, des files d'attente, des chemins tout tracés où tout un chacun s'engouffre prisonnier. Le bonheur dans l'éclatement de la scène, dans l'envers du décor -- pour peu que l'on parvienne à ignorer qu'il fait aussi partie du spectacle. Si l'on savait se contracter dans un présent absolu alors... Peut-être serions-nous heureux, puisque sans existence.

Je travaille, toute la journée, et quand je prends des pauses je ne sais plus me reposer. Je pense à la reprise, je suis déjà entièrement dans cet après. Il n'y a aucun répit: juste l'interminable répétition du même cycle dont l’interruption même n'offre aucun réconfort -- car elle n'en fait que trop partie. J'existe dans une distance impalpable où se délite tout entreprise: ma conscience s'étire, antérieure au Big-Bang et presque postérieure à l'univers en cours. Je gis, dans une durée si vaste qu'elle me réduit à un point sans surface, position jamais occupée, idée, concept, et puis que sais-je encore. La conscience ne fait que s'étirer, d'un bout à l'autre de la connaissance, elle est le monde, elle est le Tout qui manque le Réel.

Les couples, corsetés dans leur costume dominical, se tiennent la main en léchant les vitrines -- car les magasins ici ne ferment plus jamais. Ils continueront plus loin, peut-être jusqu'au pont, tout au bout de l'allée. Puis ils feront demi-tour, iront rentrer chez eux, préparer le repas, échanger quelques mots, visionner un feuilleton, faire l'amour, éteindre pour tout recommencer. En quoi cela constitue-t-il une alternative? Dimanche est déjà un Lundi, Lundi déjà toute la semaine: il faudrait qu'elle naufrage, idiote heptagonale, dans un oubli de soi pour que se détricote enfin cette route monotone. Je pense à tous ces étudiants, jeunes et moins jeunes, qui tapent contre les murs de leur cerveau, Vendredi et Samedi, à intervalles réguliers, réclamant, comme ils peuvent, à ce que leur ouvre un empathique geôlier. Ce ne sont que leurs mains qu'ils brisent par leurs coups répétés, et la porte vers l'Ailleurs demeure sous leurs yeux, grande ouverte, sans qu'ils n'osent regarder... Alors... Alors ils trouent leur cœur pour que le poison qu'ils y mettent puisse s'évacuer -- et tout recommencer.

Des pauses, dans un grand flux linéaire de vie: Clotho les a baisé sans qu'ils n'aient rien sentis.

Marcher est harassant, toujours plaquer un rythme décomposable à l'infini, en une suite ordonnée de gestes récurrents menant de rien à rien. S'arrêter, les coudes sur la rambarde en bois, faisant face à l'autre rive, lointaine et pourtant déjà là. Les bateaux vont bon train, découpent dans l'eau agitée leur sillage d'écume bien vite ravalé. Eux aussi scandent un seul rythme. Interrompu, bien sûr, par le roulis du sommeil nocturne, rythmé, lui aussi, par une inlassable houle -- du moins qu'on juge ainsi, peut-être injustement. On a peut-être cru, une seconde ou deux, qu'ils pouvaient être heureux, ces bateaux. Pourtant ils sont pareils à nous, attendant leur refrain dans l'éternelle rengaine de tout. Ces maudits refrains geignards, qui brisent le couplet unique, et nous ramènent à eux aussi sûrement qu'un ressac de grand coefficient. Ad nauseam. Si bien que nous sommes tous les sales refrains d'une chanson usée.

On a bien tenté de semer quelques idées dans l'alme flanc des eaux, mais rien ne demeure à flots, les songes coulent vers les fonds limoneux, épousent une vase incolore, ballottée mollement. Même les images n'ouvrent aucune brèche dans l'implacable réel monochrome... Pas moyen de suivre une histoire, de tisser sa toile sur l'écran des choses et d'y projeter l'Inconscient qui rêve d'autres temps.

Autres temps... À quoi bon. Un temps, un rythme. Un rythme, un cycle. Et tout cela s'enroule autour de soi en faisant du sur-place. On est peu différent à soixante ans qu'à vingt... On a simplement beaucoup trop de souvenirs pour s'émouvoir encore.

Heureusement qu'ailleurs, un doigt pressera le bouton stop. Dans la matrice à faire des mondes, une ligne instrumentale alors cessera. La bobine finira sa rotation, la bande magnétique sera rendue à son insignifiance -- et c'est tant mieux. Même les tubes finissent par ennuyer.

dimanche 1 décembre 2019

Le soleil que nul ne voit encore

Sur la route, mes yeux sont les deux vitres
Où roulent de lourdes gouttes
Ploc! Font-elles en tombant sur ma route
Que d'autres les évitent

Je vais vers le soleil que nul ne voit encore
Et le rythme est serein
Chaque pas tombe juste
Dans le bruit du moteur se transforment mes peurs

Aucun détour n'est inutile
Aucun des tours n'est identique

mercredi 13 novembre 2019

[ Terres brûlées ] Carrefour vibrant de vie



C'est un lieu? Non ce n'est pas un lieu.
C'est un instant, une époque, un point du temps?

Ou peut-être est-ce un moment du lieu ou bien un endroit de la durée...
C'est un écoulement que je connais, que j'ai connu - le connaîtrai-je encore? Et dans combien de temps?

C'est en dehors du rythme spatio-temporel de cette signification littéraire. C'est en dehors de moi pourrais-je aussi dire, mais il serait plus juste d'employer le terme "d'un moi", parce qu'il y en a tant que je ne saurais les compter.

Cette manière de scander le temps, cette façon d'habiter l'espace me ravit sobrement. J'en parle, à demi-mots, de peur de voir l'autre fondre sur eux et de sa baguette attirante les faire se lever pour lui, les faire ramper de concert, esthétique du vide et des tourments. Tout de même, j'en parle, moi qui ne pipait mot de la chose.

Et quelle est-elle cette chose qui se compte en nombre de pulsations cardiaques, en durées de regards, en quantité d'énergie cinétique, en degré thermiques échappés, négentropie de l'anthropie?

C'est maintenant, c'est ici, c'est cela, c'est le lendemain que chante le présent qui l'avale.

C'est un lieu? Oui.
C'est un moment? Oui.
C'est autre chose? Aussi.

C'est bien des choses en somme, un concept de plus qui ne tient dans aucun concept, un parallélisme ontique dont l'auteur de ces mots est le carrefour vibrant de vie.

lundi 11 novembre 2019

Ce présent n'est pas à toi



Étouffe-toi souffrance aux lèvres goût de sang, tous tes baisers glacés finissent par me mordre d'un amour brûlant.

Étouffe-toi dans les braises incandescentes de ta vive inquiétude.

Pars! Éteins-toi dans l'ultime crépuscule, avec ta chevelure de feu et tes manières échevelées.

Laisse le vent passer sur moi, dans un bruissement de feuilles analphabète. Je veux voir s'agrandir mon ombre sur le sol éclairé, sentir mes muscles travailler, goûter chaque seconde en l'ayant mérité.

Étouffe-toi mélancolie de toc pendue comme breloque à mon cou éreinté.

Étouffez-vous poèmes, ombres esseulées, fragments de mélodie perdue, cœur d'ambre sous la tempête au sillon désolé.

Pars! Je veux marier l'instant, divorcer de tes chants qui font croître les fleurs amères de regrets éternels.

Un geste après l'autre et dans le rythme le plaisir perdu que je cueille ébahi de mes mains courageuses.

Je n'ai plus aucun doute, j'avance vers l'idée.

Laisse-moi femme exclusive, laisse ma coque de noix voguer pour une croisière d'un soir, une poignée de jours.

Demain, demain dès l'aube tu pourras revenir instiller ton venin dans toutes mes cellules, faire couler  bile noire dans les avenues azurées de ma vitalité.

Demain, demain dès l'aube viens faire pleuvoir ta nuit sur mon soleil atone.

Là, doucement, calme-toi maintenant... Ce présent n'est pas à toi.

samedi 28 septembre 2019

[ Terres brûlées ] Moins zéros cieux

Titre alternatif: Le silence vêtu de rythme



Ma planète aux confins des pensées
À moins zéros cieux de distance
Par-delà d'aériens parsecs

Combinaison spatio-temporelle
Des mots jetés sur l'air
Amène-moi là-bas
Où naissent et meurent
Les sources de mes pleurs

Saudade, pour toi planète au loin
Grise et vibrante dans ma tête
Parcourue des éclairs
De grondante énergie

Planète-trou noir
Avec un arbre en étendard
Bourdonnement des feuilles
Au gré des champs quantiques

Tu es la seule dans l'univers
Tu es l'âme esseulée dans le désert de tout
Je suis né énergie
Sur ta peau magnétique

Particule-concept d'humain
Présent mais sans localité
À chanter la louange
De ton lieu oublié

Y a-t-il un port où tu t'arrêtes à quai
Pour reprendre en tes cales
Les regards déportés?

Plus seul qu'en la nocturne voie lactée
Aussi seul que le noir
Dans les plis du néant
Je sens l'appel des autres par Dieu dispersés

Tous unis dans l'absoluité
Passager d'autres dimensions
Pourtant, nous nous sentons...

Frères d'étrangers paradigmes
Sphères dégorgées par l'abîme
C'est de l'altérité profonde
Que me vient la chanson
De vos éternités

Planète sans soleil
Incrustée dans les sables
D'un désert d'infinis

Personne ne doit te voir
Et chaque autre qui délimite
Le périmètre de nos existences
Est un signe cosmique

Et tout cet alphabet que déchiffrent tes yeux
Lorsque la nuit tombée tu avales les cieux
N'est qu'un reflet de ton berceau celé

L'histoire s'écrit de grammaire constellée
Il n'y a rien autre que toi
Néanmoins tout est différent

Où es-tu ma planète
Marque-page négligé
Dans un livre infini

Je suis celui qu'invente mon histoire
Entre un auteur et personnage

Une distance entre des mots
Comme un silence vêtu de rythme

mercredi 9 janvier 2019

Hors du vieil alphabet

Pessoa écrit un jour qu'écrire était sa manière d'être seule. Je crois que je peux m'identifier à cela. C'est aussi ma manière de tuer le temps, d'accompagner l'écoulement de son flux dans la chambre vide du futur. J'écris comme on ponctuerait l'existence, pour se montrer que quelque chose s'est bien passé, que quelque chose a bien eu lieu, malgré l'inaction ou le manque d'engagement, malgré le refus de choisir et l'infinie délibération. Faut-il exister, oui ou non? Être ou ne pas être? Et qui a déjà sérieusement répondu à la question? Une chose est sûre ce n'est pas moi, moi qui peint sans relâche chaque lettre de cette interrogation sans âge, moi qui trace si passionnément la courbe des points d'interrogation, le sillon de ces lettres...

Il ne faut pas que la musique cesse. Et pourtant, je sais que je cesserai d'écrire, bientôt, d'écrire pour ne rien dire, pour simplement chanter le temps qui passe, et le sentiment d'exister. Le silence qui déjà s'allonge entre les battements de mes frappes sur le clavier, annonce celui, trop long, qui viendra. Celui qui ponctuera sans marque et sans nul alphabet, le sommeil qui ne viendra pas, le manque de volonté, l'hésitation, le doute et les ruminations sans fin d'une raison qui cherche à se résoudre dans l'acte de défaire chacune des prémisses du raisonnement.

Musique puisses-tu ne jamais cesser. Et si la vie refuse de tenir dans le vieil alphabet, alors que mon coeur, que mes pensées, que mes idées, battent pour toujours le tempo du destin, qui va tambour battant. Dans le bruit ou les silences, il y a toujours quelque chose qui passe et s'en va son chemin, comme d'ineptes actes illustrent les destins sans signe, qui gisent bien en-deçà, au fond des mélodies qui ne se chantent que pour soi.

Ces mots ne sont rien, rien d'autre que le tapotement de mes doigts sur le bureau d'un soir qui s'étire. Et que sait-on de la musique entendue, lorsqu'on observe quelqu'un battre d'ennui le rythme qu'il a en tête? Tirer de ses abysses sans fond, à l'aide des formes qu'adoubent les grammaires, voilà ce que c'est qu'être un pécheur de vide. Nous cherchons tous à notre manière à tirer des vacuités intimes l'objet fini et flatteur qui justifierait à lui seul le fait que nous restions sur le bas-côté de nos vies, à observer le monde nous passer au travers sans trop savoir comment, sans trop savoir pourquoi.

mardi 20 mars 2018

Essorage

De génies il n'y a
Mais seulement des passionnés.
Tout se construit pas à pas
Aucun talent jamais donné.

Alors s'étendent mes échelles, celles que d'autres jettent derrière eux. Parce qu'elle sont trop honteuses, et puis à quoi peut bien servir un moyen de descendre lorsqu'on ne veut que monter. Et tout s'affiche en ce beau lieu, les brouillons des brouillons, puis leurs brouillons aussi. Il n'y a que les pages blanches qui n'ont place. Mais... Elles se devinent, elles sont là; dans le silence de ce qui n'est pas; pas là du moins, autre part, tout au plus, et si l'on ne trouve pas tant pis, là-bas, c'est tout autant ici, et puis nulle part aussi...

Il manque des mots à certains textes, et des fautes grossières ornent mes vers. Je m'en fiche, je laisse le passé en friche, tel qu'il est désormais, sans soin et dans son bain, que gagnerais-je à y toucher, à part renier ce qui j'étais?

Au présent cependant, je joue, je joue jusqu'au néant. Affûter sa flûte comme une plume qui vomit des notes, et ces dernières ressemblent tant à des lettres qu'elles finissent par se lire... Qui peut bien connaître les notes qui se cachent sous les signes? Comment si moi-même ne sait...?

Mais je m'en fiche, je laisse le passé en friche. Oh j'en connais qui trichent mais je ne suis pas ainsi. Peu m'importent les stations je suis calé dans un voyage sans destination.

Ah regardez! Vous voyez? Là! Par la fenêtre, sur le côté: la vie qui danse, petit cheval tout gris. Il m'a fallu du temps mais j'y suis parvenu. Mes mots me bercent et sèment en moi des sèmes qui s'animent et là se meuvent, autant de lemmes qui m'émeuvent, image et sentiment qui enveniment d'assaisonnement mon flux présent - qui s'écoule et s'enfuit MAINTENANT! Vous l'avez-vu? Trop tard il est parti, mais on peut le rappeler, il est toujours plus ou moins là et maintenant.

Danse petit cheval tu m'amuses, surtout depuis que s'est enfui ma muse. Tu préfères le silence, mes mots t'ont fatigués, c'est à d'autres sources que tu dois t'irriguer. Mon chant fertile ma terre ondulatoire, ô douce sphère de mon éther de soir. Dans les silences qui te plaisent je souris sans malice ni malaise, je te regarde et tu m'apaises.

Silence, là, oh, silence excuse-moi... Il y a d'autres fréquences pour nous désormais. Est-ce un énième abandon ou le pénultième don? Tout entretenir est un projet sans fond, je suis comme les particules, je saute entre des niveaux d'énergie, eux ne regardent pas en arrière il me semble, mais le sait-on vraiment?

Non je n'ai pas quitté les mots mais ce sont eux que je laisse partir. Peut-être est-ce une manière de mentir que de le dire, néanmoins je le crois. Je laisse partir les mots comme j'ai laissé partir la peau si rose des aubes qui réveillent et vous font sortir de ce lit où vous étiez rangé sous le drap de la nuit.

Pourquoi songer à tout cela, ces choses là existent-elles, ou sont-ce des mensonges? Mens songe, autant que tu le veux mais tu ne m'auras pas, j'ai le présent pour moi, pour essorer les souvenirs et parvenir à l'amnésie.

Maintenant, maintenant... Maintenant c'est aujourd'hui, c'est à venir ou c'est passé? Ah non, tu vois, tu débordes encore et ne suis pas le rythme!

Maintenant, maintenant. Maintenant, maintenant. Maintenant, maintenant, comme un tempo de pouls, un battement de temps.

Mon coeur se tait maintenant.

vendredi 2 mars 2018

Danse

Danse petit cheval de vie. Je te regarde au bord de ma fenêtre: pas un contre-temps, pas une appogiature dans le battement de l'ennui. Tu coules tes jours comme un flux monotone, monocorde et moi qui t'enjoins de chanter...

J'ai tout le temps de ta durée. Je te ferais battre le pas au rythme de mon coeur, je t'absorberai dans mes reins où tu seras drainé, comme une impureté. Tu sortiras de là coruscante comme un cristal qui cesse de songer pour se mettre à danser. C'es tout ce que je veux de toi.

Je te dessinerai de mes yeux de ces profondeurs des cieux, celles aux bleus abyssaux. Je te ferai tourner la tête et puis chanter ma mélodie, le solo de mes sentiments au sein du choeur des émotions.

J'ai tout mon temps. Je mouille en un port non lointain, ton silence me parvient, et tes banalités m'attristent mais j'ourdis patiemment des artifices pour te dévoyer.

Petit cheval de vie, petit poney tout gris, tu vas danser enfin. Tu danseras je te le dis. Des plumes te pousseront des flancs, tes yeux marieront des couleurs que nul n'a observé, et tu danseras, oh oui tu danseras. Sur le rythme que j'ai peaufiné pour toi, dans mon tempo tu glisseras tes petits pas, tous petits pas, nano-secondes après nano-secondes.

Petit instrument, pas encore accordé. Je te mettrai à l'unisson de mes atomes, de mes quarks, de mes bosons et mes gluons, je te lierai à toute mon énergie, j'informerai ta masse et sculpterai tes formes. Elles seront mouvantes, entêtantes envoûtantes, et tu seras la gitane de fumée qui danse danse pour moi sur les paquets de cigarettes bleus. Je te mettrai au coin de ma bouche, dans la commissure de mes lèvres. Je t'allumerai avec ma flamme et te verrai monter au ciel, ondulante, ondoyante. Je te ferai prendre les détours que tu as toujours évité, je courberai la droite que tu veux emprunter, j'agrandirai tes heures, violerai tes minutes.

Danse petit cheval de vie, danse. Je te regarde de l'autre côté du miroir sans tain, affine des chorégraphies obscènes et des mélopées maléfiques.

Tu finiras par danser au son de mes silences.

samedi 3 juin 2017

La cité interdite (suite)

Oubliez ce que je vous ai dit du réel. Ma description succincte n'en est que l'idée que je m'en fais. Le réel est une femme volage et qu'on ne peut saisir: chacun ne le connait que par la relation qu'il entretient avec lui. Ma relation avec le réel est, comme mon amour, chaotique et polymorphe. C'est qu'il n'est pas très difficile le réel, il s'adapte à la couleur de votre sentiment, il sait qu'on ne peut rien en dire de vrai, qu'il est au bout d'une corde tendue entre lui et vous et que vous n'en percevrez jamais que la corde.

Tout est relation, le monde naît d'une relation: le temps et l'espace sont des modalités de la relation. Le réel est l'absolu qui est au fondement de toute relation, tout comme l'est le je: deux absolus chimériques dont on ne perçoit jamais qu'un souffle qui les unit.

Les plus intelligents d'entre vous auront donc compris que la police de mélancolie-ville ne m'a jamais ramené au réel, et que, bien au contraire, elle m'a poussé à fuir - ou revenir - vers une autre cité que ma relation au réel fait émerger; et que les mots fixent au territoire d'un espace-temps qui permet de lui prêter une certaine continuité, afin que l'on en parle, que je vous décrive un monde où vous n'irez jamais - bien que, très probablement mais qui pourrait l'affirmer avec certitude, vous viviez vous aussi, parfois, au sein d'un similaire.

Moi quand je sors de la mélancolie - ou crois en sortir -, je retrouve les repères d'un quotidien pragmatique où je suis empêtré. C'est à dire que je me perds encore, dans des directions qui s'annulent, dans des possibles en nombre indéfini et qui font tendre l'actuel vers rien. Mais pourtant l'actuel n'est jamais rien sinon il ne serait qu'un possible... À force de trop aimer les mots, voyez comme je mens bien, comme je me fais avaler mes propres couleuvres, finis par vivre dans la carte d'un monde dont on ne sait pas bien quel territoire il est censé décrire. Peut-être celui de mes sentiments hasardeux, de l'incessant bouillonnement d'un conatus qui se projette dans des cercles bien fermés. Pourtant, lorsqu'on est revenu au début, on est ailleurs, car le mouvement du temps fait de cet étrange marche un sillon hélicoïdale où l'impression du retour à l'origine, de l'éternel retour, n'est qu'une illusion de plus produite par le langage.

Ma langue est une manière de ne pas respecter le temps lorsque dans sa course infernale, il me prend tout le souffle dont j'ai besoin pour ne rien faire; ou plutôt pour simplement et gloutonnement ouvrir mon troisième oeil en le retournant sur lui-même qui se regarde. Dans la conscience, on peut être immense d'être fini, c'est l'illusion de l'unité qui se vit comme telle, d'être réellement tout, c'est son privilège empoisonné.

Retournons à cette grève des jours classiques, où chaque seconde gomme la précédente tout en s'en faisant l'écho, au sein de cet instant ouvert sur tout. J'y ai marché longtemps, j'y ai même accompli des actes dont d'autres ont pu sentir les effets, dans une relation qui leur appartient. Pourtant, de tout cela il ne reste aujourd'hui plus rien, seulement moi qui me souviens et déambule hagard dans les faubourgs d'une mélancolie principielle - principielle parce que le don de la mémoire est une condamnation à vire toujours dans le passé. Le passé colore toujours le présent, à tel point que l'homme ne sait, ne peut (?) voir le présent sans se dissoudre et devenir autre - et s'il entreprend un tel voyage, il n'en revient jamais. Même lorsqu'il conçoit le futur, il le fait en re-parcourant une succession d'instants passés, dont la continuité apparente lui confère la hardiesse de projeter au devant de lui - mais lorsqu'il fait cela, il est déjà dans le passé, puisqu'il pense et donc condense de la durée en un instant présent qui n'a de sens que par la rémanence dont il est le nom - un tronçon de mémoire qu'il nomme alors avenir ou futur. Pourtant, lorsque l'homme conçoit le futur, il ne fait que se souvenir de la durée, il se souvient et attend, tourné vers le passé comme vers un miroir.

Tout être temporel se doit aussi d'être éternel car l'un ne serait rien sans l'autre. Alors le réel est cet univers que l'on place au-dehors du temps et de l'espace, qui se confond avec l'éternité et tous les concepts dont on n'a que les mots pour les manipuler, mais dont on ne peut se faire nulle image, c'est à dire que l'on ne peut sentir. Ce que l'homme ne peut sentir n'est rien pour lui, mais le mot nous laisse comme une ombre de ce rien et le promeut immédiatement par son existence au rang de quelque chose que des philosophes prétentieux s'accaparent en se prétendant les seuls initiés de la chose. Folie parfois que cette discipline qui n'est que mots et qui en a oublié de vivre, qui s'est si bien enclavée dans une carte merveilleuse, qu'elle en oublie qu'elle est le fruit pourtant d'un morceau de territoire réel, qui a conçu et dessiné la carte...

Cette grève où j'échoue donc après avoir été exclu de la mélancolie par on ne sait quelle nécessité - peut-être celle de survivre -, est une autre mélancolie, elle est la même cité mais totalement différente car sur un autre rythme, plus resserré, condensant moins de durée en lui et ainsi plus propice à l'action, aux choix, au sentiment d'urgence. J'oublie parfois comment danser sur ces mesures au preste tempo, jusqu'à ce que quelques activités me permettent de m'y accorder pleinement, à en oublier même qu'un autre existe encore, quelque part, comme un niveau d'énergie qui n'attend que mon saut pour y parvenir, le clinamen merveilleux des âmes humaines.