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mardi 24 juin 2025

Spondanomancie

J'écris pour projeter dans le monde autre chose que ma pathétique et vieillisante carcasse. Il m'a été donné de jeter mondainement des parties de cette vie biologique qui ne veut rien dire: j'ai donné du plaisir, expulsé violemment le code source d'un programme dont je ne suis que l'insipide et innombrable itération. Tout cela n'est pas moi. Ce moi que je crois être l'âme doit lui aussi trouver un chemin en l'ordre des phénomènes. Je n'ai trouvé mieux que les mots et leur musique pour être le sémaphore d'une âme spectrale et putative.

L'écriture est envoûtement: on injecte la temporalité dans ce qui n'en a pas, le rythme et l'harmonie dont le poème est hyménée. Tous ces poèmes n'ont aucune existence intrinsèque, ils ne sont que la relation qu'une âme entretient à elle-même à travers le texte. La littérature est un miroir par où se dérobe aussi l'existence de qui n'a pas d'en-soi.

Il serait toutefois injuste de dire que tout cela n'a nulle valeur; en fait, contempler cette grammaire est un travail de spondanomancien: dans les débris que le vide a laissé sur le monde, une esthétique du sens érige laborieusement le récit d'une tragédie -- nul ne peut demeurer insensible à celle-ci car elle ne sait être autre chose que celle de toutes les consciences.

samedi 7 septembre 2024

Scotographie

La recherche de l'absolu est tout autant poison que moteur: c'est elle qui nous fait prendre la plume, elle aussi qui la fait reposer. Ce désir d'abolition ancré au cœur de l'être le plus totalement fini et inabsolu, est peut-être le fondement de cette déchirure qui fabrique le sillon sanglant des destins et dresse le portrait d'une âme toujours à côté d'elle-même.

Vouloir rejoindre l'infini et l'éternité à travers la durée d'une œuvre est peut-être la plus pathétique -- et aussi la plus sublime -- ambition des hommes. N'oublions pas que la plus sombre des tragédies contient en son cœur le noyau le plus lumineux qui soit. Ainsi l'existence humaine est cette ombre projetée à tout va, celle d'un escarpement fait de cassures qui semblent toutes briser la trajectoire qui propulse les hommes de la terre aux étoiles. De la naissance à la mort un compte fini de battements de cœur et l'unité d'un souffle malgré maints visages.

samedi 24 août 2024

Documents tragiques

Oh ce ne sont pas des ruisseaux que je décris en ce journal mais les méandres térébrants d'une psyché en quête d'absolu dans les bornes constrictrices de la finitude. Il n'y a véritablement aucune autre explication à tous ces signes vers une transcendance phantasmée si ce n'est la conviction pleinement vécue par certains que l'existence humaine constitue une errance; que la véritable origine se situe dans l'informe et l'indéfini d'une réalité méontique. L'œuvre est une sonde envoyée dans l'infini et qui cherche à travers le brouillard des phénomènes sublunaires une porte de sortie vers l'Ailleurs. Une tentative de percer le voile de l'étant.

Et nous échouons, encore et encore, en cela l'œuvre d'un homme n'est jamais que la documentation d'un échec, d'une tragédie.

lundi 8 mars 2021

Titanic

 Ça ne marche pas. Ne marchera jamais. Cultiver l'entropie et tricoter son sien décès. Pas un soir qui ne s'achève dans l'incommensurable gâchis d'un destin inaccompli. Y a-t-il seulement destin en dehors de ce rêve?

La routine se fait ce long intestin qui digère les souhaits, à qui le cœur couard ne sait pas insuffler, une once d'existence.

De toute évidence ça ne marche pas. On ne choisit pas et le chemin reste possible, praticable pour d'autres, c'est probable, et le sillon bleuté de leur histoire forme la carte d'un pays que l'on croyait utopie pour soi-même.

Mais rien n'arrive ainsi, par le hasard de conjonctions formidables, si ce n'est d'horribles tragédies.

Il faut des tragédies pour les cœurs assourdis qui se nourrissent du fantasme éculé d'échecs anthologiques, de naufrages qu'on relate comme d'extraordinaires épopées. Mais pour cent mille désastres combien de Titanic? Pour des milliards de fleurs, combien de bouquets en un vase?

L'iceberg s'avance au-devant de moi, pourtant ne devrait-ce pas être l'inverse? Il s'avance et je vois dans sa trajectoire une démarche humaine, dans les contours de cette masse la silhouette d'un vagabond, dans les lueurs de sa banquise un reflet de mes yeux.

L'angoisse est un traître récif, l'ego un courant scélérat.

Pour des milliards d'étoiles, combien d'almes soleils?

lundi 21 mai 2018

Embraser les coeurs

Accule-moi et je crée. Percute mes valeurs et je crie, silencieusement et puis de l'intérieur. J'envoie des lames de fond raser tout ce chantier, et le monde autour ne tremble pas d'un iota, seul mon îlot est dévasté. Quand bien même: tu m'accules et je crée. C'est ma seule arme contre toi.

Oh ce ne sont pas les paroles d'un vieux - ou jeune, vieux-jeune ou jeune-vieux - fou qui te font peur. Quelques palabres sur les murs, qu'est-ce que ça peut bien faire. Il y en a tant qui sont morts ainsi, et leurs divagations n'ont fait aucune vague, personne ne les connait, nul ne les a entendu. Je sais tout ça et malgré tout je crée.

Quelle époque bien sombre... À l'ombre d'un éden ancien, qui n'aurait jamais existé... Mais l'éden était bien là, n'avait besoin de rien, c'était en quelque sorte l'état naturel des choses. Et le serpent s'en vint, et puis la pomme se fit manger, il fallut d'autres pommes, bien des pommes en vain, pour une faim qui ne se peut rassasier.

Accule-moi encore société, que je crée des fantômes pour les illettrés, que je sculpte des non-formes pour les idées cristallisées. Je parle pour ne rien dire, j'ai l'habitude de n'être jamais écouté.

Vous imaginez, la somme d'entailles que j'ai à cicatriser? Pour en avoir idée, comptez seulement les textes, combien en ai-je écrit? Tout cela des croûtes pour cicatriser des blessures. La nature cherche l'équilibre, et le flot de ma prose est une tentative vaine - mais sublimement tragique - pour retrouver l'osmose.

Accule-moi encore et encore, un jour tous ces poèmes embraseront des coeurs.