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samedi 13 juin 2020

Visage de la nuit



Mais que se passe-t-il, le monde est en déclin. Les nuits tombent au sol comme pétales de rien. Je me souviens du futur et partout voit destins...

Il faut chanter, faire du temps la musique du voyage éphémère.

Tout me semble impossible et pourtant tout est là. Dans le moment vécu qui s'ouvre d'un regard. Dans les chaleurs d'été qui font languir les soirs. Tout n'aura-t-il été que déception? Ou tout le sera-t-il dès lors?

Chaque battement de cœur me semble un carrefour existentiel. Il faut choisir sans cesse entre vie ou bien mort. Entre cadre ou tangente. Entre une route incertaine et l'autre. Les chemins s'éparpillent, je vois les vies amies, je lis dans le flux du néant...

Cela a toujours été ainsi. Il n'y a que le regard qui change.

Qu'est-ce donc que je perçois dans le vague de ma vue, entre le sujet que je suis et l'objet qui surgit. C'est dans le vide de ce qui n'est pas visé que gît la plénitude. Et c'est alors, comme si rien de ce que j'observais n'était vraiment visé. Comme si le monde était prétexte à ces récits celés de subrepticité.

Je m'étonne, encore... Cela est bien. La vie ne cesse de m'étonner. Je suis la différence que je dois reconnaître. Je suis le devenir dans sa négation même.

Il faut chanter, que ne tombent du ciel ô jamais que des notes? Une scansion de l'aube, une harmonie de fluides. Ouvrir la fenêtre... Et peut-être entendre la voix dans l'air. Celle qui fera lever mes rêves de poussière... Celle qui fera avancer la carlingue usagée...

Fais-moi danser promesse des ombres fraîches. Fais-moi prendre instrument. Fais-moi jouer le monde. Et que maints univers jaillissent, symétries oniriques.

Ta voix se marie bien aux cordes que je pince. Et si le manteau étoilé du ciel se repliait enfin sur une robe enténébrée. Et qu'il marchait vers moi pour me prendre la main. Ou simplement pour observer dans le fond de mes yeux, la procession de l'âme.

Reprend ta robe univers, et montre ta démarche, je te reconnaîtrai. Je t'ai vu tant de fois, dans tant de soupirs expirés, dans tant de cibles j'ai visé, ta forme et ce visage imprécis pourtant si familier. Je ferme les yeux et ta robe existe. Valse son extrémité, tes jambes de fumée ne sont qu'un vent félin que je ne peux saisir. Je ne vois que ta robe d'étoiles, ta silhouette d'ambre, ta démarche de louve.

Que tes pieds foulent mon jardin. Les fruits sont mûrs, les herbes hautes. J'ai patiemment ourdi des fleurs imprononçables, inventé des couleurs pour œil de non humains... Ne vois-tu pas ce printemps reverdi qui seul en moi attend d'être à jamais ravi?

La porte est ouverte. La récolte est prête...

J'attends visage de la nuit. Que tu fondes sur moi et ramasse ma vie.


Source musicale:


dimanche 31 mai 2020

Esquisses captieuses

Faux rêves qu'on accroche au plafond
Pour parodier la voûte
De vies que l'on croient belles.

Promesses suspendues
Petits paquets de mort
Emballés d'eau fleurie...

vendredi 1 mai 2020

Esquisse: Billet de retard

Des petits bouts dans ma tête, rien que des petits bouts. D'innombrables beautés en cages, de fragments chromatiques - débris de l'existence que nul n'a ramassé.

Ah les petits bouts de vécu, comme incrustés dans l'absolu dont la lumière nous parvient mais ne fait jamais que reculer, au loin parce que l'objet s'en est allé et qu'il s'éteint trop vite pour que l'on puisse le capturer.

Des morceaux de cailloux sur le chemin de rien, avec des poches trouées pour ramasser tout ça.

Un nom qui semble fait de cellules, un nom qui semble corps et esprit tant il ressort sur chaque page où il s'inscrit... Une photo, son reflet qui jaillit, m'éclabousse, puis enfin m'éblouit du teint bleui de la distance. J'ai encore mal quelque part, une ancienne souffrance qui me vient par mes yeux d'humain vieilli.

Des tonnes de wagons à la traîne d'une loco-mémoire, queue de comète, brutale trajectoire dans la nuit du néant.

Et néanmoins toujours ce rythme... Battements d'existences, mesures musicales inharmoniques. Un solfège inconnu? Oublié? Sur les papiers glacés qui se froissent au fond de mes tiroirs, tous ces clichés d'instant qui un jour ont tintés.

Encore un verre... Le cent millionième peut-être... Un bref avis nécrologique viendra dessiner entre eux le lien qui les unit dans le mouvant des choses éparpillées.

Quelle suite interminable de pas formera le cours de cela... De quoi au juste. Cela... Et de quelle mathématique parle-t-on, quelle théorie des ensembles enferme en ses axiomes les couches de chaque vie? Qu'un prix Nobel inaccompli vienne remettre un peu d'ordre et nous sortir des sables où dorment tant de miettes - d'expérience.

Expérience: du grec peiraô, essayer, péricliter, vivre en somme.

Avec un nombre suffisant de brouillons, on peut créer un livre. Le livre de pages non écrites mais dont un buvard assoiffé a bu toute la sève.

Et allez donc interpréter tout ça! Tous ces non signes qui abreuveront la quête inextinguible de sens: exégètes terrifiés, apportez-nous le sens!

Qu'on nous montre la forme des errances pour tout ce qu'elle n'est pas. Un long sillon de larmes où sont celés les rires. Un souffle mélodique entre chaque silence.

Quant à moi, concept abscons d'abstrait, j'arrache cette page souillée de l'encre vespérale. Je chiffonne un moment de mon curriculum vitae et laisse derrière moi ce détritus dérisoire. On ne distingue jamais vraiment bien que ce qui n'est pas en place.

Un contre-temps, voilà tout. Un contre-temps de plus. Au crépuscule je me rendrai au grand bureau des vies solaires. Je demanderai un mot d'excuse, et signerai mon billet de retard.

Je signerai de sang, d'empreinte sidérale. Je toquerai à la porte, entrerai dans la classe et m’assiérai dans cette salle où chacun a sa place. Personne ne lèvera le doigt pour prendre la parole, ici personne n'a besoin de parler.

Je serai sans question: la cloche aura déjà sonnée.

mardi 28 janvier 2020

Je n'ai jamais trouvé tout ça très juste



Tu sais je n'ai jamais trouvé tout ça très juste
Que chacun vive sa vie comme si nous étions éternels
Quand c'est la mort au bout de chaque destin
Et qu'une à une les étoiles s'éteignent.

Il n'est pas juste non plus qu'une des deux extrémités d'un amour
Reste seule allumée
Quand c'est la seule chose que nous devrions pouvoir vivre
Sans concevoir de fin.

Que tes épaules droites et ton dos bien cambré
Aient tourné les talons à mon puits solitaire
Que toute ta chaleur se soit trop dissipée.

Ce n'est pas juste qu'un verre de vin t'ait remplacé
Que seules des images de toi me fassent danser
La valse des échoués là
Sur une piste déchirée des cieux.

Tu sais au fond rien de tout ça n'est juste:
Que mon destin demeure parallèle et jamais ne me croise
Que tout ce monde existe avec des yeux fermés
Quand les miens sont fixés sur un néant d'illimité.

Je suis sûr que tu es belle
Dans tes voluptés insouciantes
Avec ton coeur rebelle
Qui méprise le silence.

Il n'y a ni bonheur ni idéal
Alors à quoi bon vivre en croyant qu'un mensonge
Peut combler tout le vide entre deux absolus...

lundi 9 décembre 2019

How to disappear completely

Je crains, parfois en marchant, de m'évaporer en volutes de pensées, de me défaire là sous l'effet du temps, comme si ma vie entière n'eût été qu'un songe improbable - et léger.

mardi 3 décembre 2019

Dents de brume



Existe-t-il un pansement contre chaque blessure
Noir sur le rouge des plaies
Comme un drapeau que les pluies rongent

La nature a trois lettres pour défendre la vie
ZAD, avec un A comme Anarchie
Et peut-être l'amour, les gens oublient

Venez mes théorèmes!
Je suis mathématicien des poèmes
Je ne crée pas je trouve ce que nature sème

Et le compte est toujours bon
Le combat si fécond
Voyez tous nos bourgeons

Et tous ces bouts de jour
Que vie tresse en collier
Sont pareils à l'ivresse
Des douleurs dissipées

Enfant de lune
Toujours au dernier rang
Ne verse pas ton sang
Ils te dévorent de dents de brume...

vendredi 27 septembre 2019

Les bords du monde

Je vomis mon âme honnie, tu n'es plus mon amie, douleur, souffrance et solitude, inutile maladie que la vie.

À quelle espèce appartenons-nous? Toi chose à la base de la conscience et toi, conscience-récit tissée entre deux utopies, et puis toi aussi, petit moi dérisoire qui brille comme un terne reflet dans le tableau des choses - image peinte en tant qu'élément dans la fresque perceptive...

Qui ordonne ce destin si ce n'est nous-mêmes, les causes indéfinies, déités en tous genres...

Je dévie du chemin je suis puni, je dévide ma vie parce que je veux savoir sa fin et ce faisant j'effile tout ce tissu d'inepties mais, peut-être était-ce là le motif initial...

Il ne reste qu'une chose, il ne reste qu'à écrire, consentir à l'hémorragie de tout ce qu'il y a de substantiel en un collier de signes, valeurs fluctuantes que d'autres régulent.

Je ne sais plus vouloir mais je peux raconter la volonté en d'interminables dissertations, je peux pérorer à tout va sur des choix fictifs et pourtant bien réels puisqu'ils sont l'étoffe d'une histoire que je conte, et que tout est histoire - oui tout l'humain est une histoire.

Le reste il n'y a rien à en dire, ce sont les choses en soi qui se débrouillent sans nous, les absolus et autres bords du monde. Je me fiche des horizons désormais. Ce qu'il y a derrière est toujours indéchiffrable.

C'est l'immobilité la plus totale qui relate au mieux la dynamique de tout mouvement. Voilà ce qu'est ma vie. L'eau croupie sur laquelle un petit clapotis vous donne la mesure des plus grands tsunamis.

lundi 23 septembre 2019

Sandbox

Plus rien n'a d'importance.

J'ai tout recommencé à zéro, effacé les leçons apprises, annulé toutes les soi-disant sagesse, j'ai repris cette vie depuis son nu début.

J'avais pris au départ, un peu par défaut, un peu comme tout le monde, l'objectif d'être heureux et joué à la vie comme bien d'autres, en souhaitant valider la mission. Mais à quoi peut bien jouer celui qui a terminé tous les niveaux, atteint son but?

Alors, naturellement je reprends tout, en mode spectateur, déambulant dans les cartes grandioses, sans but et sans ennemi, sans quête et sans boussole.

L'ennui partout me guette, il n'est pas un objet acquis, pas un stage parcouru qui n'ait de quelconque valeur. Personne ne compte plus les points mais il faut avancer tout de même, continuer à jouer à ce jeu sans but, se redéfinir d'indéfinité...

La conscience prend des angles esthétiques sur ces moments ineptes, caméra obstinée qui tourne son cinéma malgré elle, braque son regard distant sur chaque évènement, raconte les mouvements d'une vie sans véritable début ni fin. Peut-on fabriquer une histoire sans fil narratif, sans péripéties ni problématique?

Ma propre voix est en off, en sourdine, c'est une voix qui n'est pas la mienne, pas celle que les autres saisissent, pas celle que j'entends sur les enregistrements. Ma propre voix est d'ailleurs.

Je suis dressé comme un chien à courir après les bons points, à remplir les exercices pour les comparer à la correction, à obéir aux nécessités des autres, incrustées dans mes cellules depuis le plus jeune âge. Je n'ai que faire de la liberté, je suis l'homme du dispositif, incarcéré depuis la naissance dans les structures sociales et les institutions. Ni dément ni dieu, à côté de la plaque, libéré hébété qui trimbale hagard ses possibles ouverts. Je suis un moyen pour autre chose, signifiant qui ne vaut que dans le jeu des conventions humaines.

Autodidacte factice qui cherche dans des genres de manuels ce qu'il doit rédiger lui-même...

Peut-on vraiment inventer quelque chose qui ne soit à l'image d'une autre?

mercredi 4 septembre 2019

Une métamorphose comme les autres

On se trompera bien si un jour on veut me comprendre à travers mes textes et même les actes de ma vie. Je me trompe moi-même à tout instant, écrit une chose et son contraire. Cela dit, on peut ne pas en être dupe et c'est là l'important.

Qu'est un journal si ce n'est le récit d'une errance? Que sont donc les vies qui n'en seraient pas une? J'ai bien du mal à m'identifier à tous ces gens qui assignent à l'individu une mission existentielle. Chacun a une mission dans la vie, disent-ils, il s'agit de la trouver. Moi je ne l'ai jamais trouvé et j'ai par moment l'intime conviction que c'est précisément la recherche d'une telle chose qui rend profondément malheureux. Je ne remplis aucun rôle à travers cette oeuvre, ce monceau de textes gisant là, sur la devanture mondaine tel un paillasson qu'on ne remarque même pas. La vie ne semble vouloir que la vie, sous toutes ses formes, elle n'attend pas de vous d'être un Jésus, Rimbaud ou même Ghandi. Je crois qu'au fond nous ne sommes pas responsables de notre biographie. Nous sommes des phénomènes comme les autres, répondant aux mêmes forces que chaque objet de l'univers.

Ce journal est un reflet de la vie en elle-même, il est le principe même de la conscience; or je me suis toujours demandé à quoi peut bien servir la conscience. Encore une forme de vie pour servir le conatus. La conscience semble être la force d'opposition, la critique d'un mouvement aveugle et rectiligne, elle semble faire courber la vie vers d'autres formes, elle suscite la métamorphose, l'évolution.

La mort est une métamorphose comme les autres.

dimanche 7 juillet 2019

La vie brute

Version française de "Raw life".



La vie brute
Le rythme libre et joyeux des sauvages
Le chant des gènes en deçà des géhennes
Et l'éternelle errance des gens sans race

La vie brute
Une vie meilleure?
Ou juste un chemin différent
Un art ancien de tuer le temps?

N'attends pas trop des choses
Chaque être naît pour périr
Le bonheur est art de bien mourir

Vie brute
Lent ou rapide
Un sillon frais dans la souffrance

samedi 4 mai 2019

[ Terres brûlées ] Fugue en mineur du corridor honni



C'est un passage, un étroit corridor. On ne fait qu'y passer, du moins c'est bien ce qu'on se dit, au départ, puis encore un peu après, et toujours beaucoup, beaucoup plus tard...

C'est un couloir qu'on traverse et jalonné de portes. Ces portes restent à perpétuité closes. Non qu'elles ne daigneraient s'ouvrir, si une quelconque force les poussait, mais parce qu'aucune main n'agrippe leur poignée, parce que seuls des regards se heurtent à leur surface - ces mêmes regards qui bâtissent les mondes...

On flâne dans la galerie, ornée de tableaux, de maints objets de décoration, autant de symboles qui jonchent les mètres cubes de l'attente, celle-là qui doit nous amener quelque part... Qui devait nous amener ailleurs... Mais où, se souvient-on seulement du lieu?

Au départ, chaque symbole possède son interprétation, et le monde s'agence de manière holistique pour former le tout d'un univers, c'est à dire un divers uni par le regard. Il suffit que celui-ci change et les motifs alors brodés se transforment eux aussi, le couloir n'est plus le même bien qu'il n'ait pas changé. L'âme n'attrape que des souvenirs.

Le long couloir ne tient son unité qu'à son utilité: il est et demeure le passage entre un lieu et un autre, entre un passé et un futur. Il ne se ressemble que par cette fonction, et pour cette raison précise chaque chose est couloir en puissance.

Cette femme, ce livre, cet emploi détesté, cette noble amitié, cette ville amusante et ces passions fugaces.

Tout cela rentre dans le cadre du couloir, s'agence et se colore en fonction d'une attente, d'une fin qui ne s'en vient jamais.

Soudain, on passe face au miroir, et là notre regard devient le reflet de lui-même. Nous nous apercevons avec effroi que celui-ci, aussi, est un symbole attendant l'exégèse, et que ce moi saisi par la rétine n'est qu'un ornement transitoire, un prétexte à quelque autre, un leurre propitiatoire.

Lorsque les yeux se ferment enfin, il est parfois trop tard, le couloir est la vie, et le monde qu'on attendait, celui sur lequel on penchait son coeur impatient, est demeuré à un pas de côté, dans la note suivante, la seconde à venir.

On a joué à contretemps, dans l'interlude, sans le savoir sa propre fugue.

Et après tout tant pis, si la beauté s'en va par delà ce qui est, comme un rai de lumière fuyant qui montre dans les cieux un devenir possible.

jeudi 28 février 2019

Un homme à la mer

J'embarque à bord d'une barrique imbriquée dans le bout d'émotions qu'est la grand-vie.
Bien sûr le bois craque et tous genres d'émotions viennent lécher les bords de mon navire,
Mais tout avance quand même, envers et contre tout, malgré la claque des embruns et les destins du piège.
Oh pardon! Les pièges du destin... Ma langue fourche et prend parfois les mauvais chemins.
Mais sur cet océan courbe, toutes les directions mènent à l'horizon
C'est à dire au présent qui se défait d'enfanter.

J'habite un grand carrefour d'où je surveille les futurs possibles
J'envoie des ombres de moi-même me conter l'indicible
Tandis que le flux mouvant du temps sans cesse prélève son impôt
Sous la forme de liens qui se défont, de vis qui se détachent, de fragments qui pourrissent, de pétales qu'on arrache.
Et le monde s'érige sur celui qui s'écroule.

J'habite un noeud de glyphes aux profusions sémantiques
J'y puise l'eau fraîche des nymphes qui arrose mon âme
Et donne à ma mélancolie la forme des poèmes
Où se déposent en alluvions mes larmes de bohème.

vendredi 7 décembre 2018

Les éclaireurs du temps

On m'a cru endormi
Je n'ai pas démenti
J'étais enveloppé
Dans la brume des soirs
Dans l'oeil ouvert et noir
Où luit le fond des pleurs
Et où ce qui n'est pas
Suscite la terreur

Je faisais un grand somme
Pour revenir en formes
En prose jaillissante
À l'oeil ravissante
Ainsi la vérité se sent
Plus libre qu'en les vers
Et peut sans ces verrous
S'ébattre dans l'hiver

Pauvre hère en hardes
Qui clame comme un barde
Sur les routes intracées
Que n'indiquent les cartes
Je montre les chemins
Me tient aux grands carrefours
Pointant les lendemains
Qui tissent entre eux les jours

Mais je suis comme vous
Chaque homme au temps dévoue
La sève de sa vie
L'élan inassouvi
Qui construit pas à pas
L'étoffe du futur
Et le berceau des rêves
Que le présent rature

mardi 16 octobre 2018

Le ruban déchiré

Sur la bordure ébréchée d'un mur, je marche comme sur le fil aiguisé d'une lame surgie du néant. L'iridescence d'une goutte de rosée me renvoie ses reflets chromatiques. Je suis quelque part, en villégiature, empaqueté d'un long bruissement de verdure. Ma vie n'est que le bruit du vent qui passe et fais se mouvoir les feuilles mortes qui d'un souffle renaissent. Je m'en vais moi aussi, virevoltant ça et là, papillon-chien sans laisse, s'abandonnant au temps. Tout n'est que bruit, et le silence que je m'invente n'est que l'absence d'autres bruits sur le fond incessant de celui qui me suit. Ce son que j'entends tout au fond du silence, me fait comme un sillage où s'effacent mes songes. Sur la grève du réel, après la marée haute, on pourra bien se demander: "quelque chose est passé?"

Je m'adapte assez mal au réel, j'ai tant besoin de répéter. Que ne m'a-t-on formé avant l'entrée en scène... J'aurais eu plus de panache, du moins aurais-je su comment mieux l'exprimer. Mais non je marche tant bien que mal sur mon fil aiguisé, l'hélice de mon destin comme une ligne lâche entre deux incertains. Je suis digne d'être nommé lâche, sinon j'aurais déjà sauté. Indigné d'être un homme hélas il me faut exister... L'enfant qui laisse chuter de ses poches tous ses charbons de rêves, n'est qu'un arbre sans sève. Il fallait sauter petit, mais c'est trop tard, tu as trop insisté... Épris de ta misère, tu n'as pas su sauter... La peur, comme un sirop d'érable t'as vite siroté. Par quelques gesticulations inesthétiques, tu as tenu coûte que coûte sur le fil indocile de l'existence humaine. Les mots, sais-tu, font de piètres habits, ils sont le vêtement de celui qui trop ment. Ce ne sont pas trois arabesques noires sur fond blanc, qui nous feront accroire que tu ne fais pas semblant. Tu as la forme humaine, trop humaine. Celle des erreurs, du manque de volonté, cette délinéation vilaine d'un ruban déchiré.

Le ruban vole au vent, chaque morceau miraculeusement relié, ne tenant qu'à un fil, au reste du bandeau. Tandis que les premiers morceaux, lentement s'effilochent, les Moires viennent rajouter un peu plus de tissu. Les couleurs se font plus tristes, les motifs monotones, mais une Clotho insatiable arrache du néant le gris de ton présent. Encore, encore... Mais une couleur essentielle manque au vieux vêtement, les tons sont bien trop pâles, tu n'es qu'un mort vivant. Encore, encore... Pourtant c'est bien assez non? Ne vois-tu pas que quelque chose est mort depuis l'ultime aurore?

Sur la bordure ébréchée d'un mur, le soleil comme un projecteur cruel dessine ce vain contrefort: l'ombre déchirée d'un corps sans âme, la tragédie d'un crépuscule.

vendredi 2 mars 2018

Danse

Danse petit cheval de vie. Je te regarde au bord de ma fenêtre: pas un contre-temps, pas une appogiature dans le battement de l'ennui. Tu coules tes jours comme un flux monotone, monocorde et moi qui t'enjoins de chanter...

J'ai tout le temps de ta durée. Je te ferais battre le pas au rythme de mon coeur, je t'absorberai dans mes reins où tu seras drainé, comme une impureté. Tu sortiras de là coruscante comme un cristal qui cesse de songer pour se mettre à danser. C'es tout ce que je veux de toi.

Je te dessinerai de mes yeux de ces profondeurs des cieux, celles aux bleus abyssaux. Je te ferai tourner la tête et puis chanter ma mélodie, le solo de mes sentiments au sein du choeur des émotions.

J'ai tout mon temps. Je mouille en un port non lointain, ton silence me parvient, et tes banalités m'attristent mais j'ourdis patiemment des artifices pour te dévoyer.

Petit cheval de vie, petit poney tout gris, tu vas danser enfin. Tu danseras je te le dis. Des plumes te pousseront des flancs, tes yeux marieront des couleurs que nul n'a observé, et tu danseras, oh oui tu danseras. Sur le rythme que j'ai peaufiné pour toi, dans mon tempo tu glisseras tes petits pas, tous petits pas, nano-secondes après nano-secondes.

Petit instrument, pas encore accordé. Je te mettrai à l'unisson de mes atomes, de mes quarks, de mes bosons et mes gluons, je te lierai à toute mon énergie, j'informerai ta masse et sculpterai tes formes. Elles seront mouvantes, entêtantes envoûtantes, et tu seras la gitane de fumée qui danse danse pour moi sur les paquets de cigarettes bleus. Je te mettrai au coin de ma bouche, dans la commissure de mes lèvres. Je t'allumerai avec ma flamme et te verrai monter au ciel, ondulante, ondoyante. Je te ferai prendre les détours que tu as toujours évité, je courberai la droite que tu veux emprunter, j'agrandirai tes heures, violerai tes minutes.

Danse petit cheval de vie, danse. Je te regarde de l'autre côté du miroir sans tain, affine des chorégraphies obscènes et des mélopées maléfiques.

Tu finiras par danser au son de mes silences.

lundi 5 février 2018

Sur le dos des torrents

Après avoir dévalé le lit du temps sur la surface des torrents ivres, grisé par la vitesse et l'absence de mémoire qui conjugue chaque sens au présent simple et absolu, me revoilà à quai, accroché à l'ancre des mots qui tiennent en leurs liens les moments consumés.

Dans toute expression artistique gît le terrible désir de retenir dans la forme des signes un peu de ce qui s'écoule hors de nous, un peu de notre essence siphonnée par le temps. Le présent est sans savoir, tout y est vérité, par conséquent la vérité n'est plus. Le vrai présent ne trace pas de cartes savantes de la psyché, ne rédige aucun curriculum vitae. Mais ce présent sans musique est interdit aux hommes, pour qui chaque seconde est synergie des précédentes, qui fait de l'existence une musique imposée dont seules quelques toxines peuvent nous prémunir. Qu'à cela ne tienne, s'il faut tricher nous tricherons, pour voguer un peu plus sur le présent muet, sans étendue et sans durée.

Plus tard, quand le corps épuisé se reposera dans quelque crique, au détour de la vie qui s'écoule toujours, permanente dans l'impermanence de son flux, il sera toujours tant de ramasser quelques branchages et de bâtir un abri pour la nuit à venir. Quelques signes pour prétendre qu'y gisent encore les gestes effectués, les sentiments ressentis, les images que notre palimpseste de conscience ne saurait conserver.

Moi, lorsque cela m'arrive, je me réfugie dans la banque des mots, j'y épargne mes battements de coeurs, j'y place des souvenirs qui n'ont pas d'existence autonome sans leur support sacré. Et je spécule tant sur l'avenir... J'invente des scénari, j'anticipe, je calcule de science exacte ce que sera ma position, ma direction et ma vitesse pour les jours prochains. La vie d'un homme sans désir est un fondement éprouvé pour une science exacte des présages, des rêveries prémonitoires qui ne prédisent rien, rien d'autre que le roulement monotone d'un corps soumis à l'inertie...

Heureusement que nous avons les signes qui redoublent la mémoire, tantôt la lubrifient, tantôt lui tendent mille pièges et sous couvert de parler du passé, placent sous les yeux, la surface réfléchissante de leur vacuité, où se saisit de son reflet l'homme apeuré qui s'observe et voit vieillir ce corps - tandis que le troisième oeil, lui, semble avoir toujours été là, égale, de toute éternité. Cela peut-il cesser alors? Il ne restera que des signes abscons et vides, autant de miroirs où se rencontreront brièvement d'autres âmes solitaires, qui croiront voir l'autre dans leur propre image et s'imagineront alors, un bref instant, que tous les hommes sont semblables, qu'ils portent tous en eux comme une punition divine - ou comme un don du ciel - cet oeil infatigable, éternelle vigie qui surveille et juge jusqu'à nos moindres souffles.

Construire un abri pour la nuit, demain il faudra repartir. Peut-être que d'autres échoués là par la suite, retaperont la cabane, resserreront les liens qui nous unissent au passé pourtant si différent de nous déjà... Peut-être que tout ça servira à d'autres.

Bientôt il faudra de nouveau descendre le torrent.

lundi 20 novembre 2017

Point final



L'ordinateur déconne je crois, il ne me donne plus les bonnes réponses à ces questions qui dans mon crâne tambourinent comme des coups de semonce. J'ai voulu croire que l'écran noir saurait un peu de l'avenir. Après tout, lui et moi on se connaît, on a traversé tant et pire. Mais rien n'y fait, tout est muet, même les chansons n'ont rien à dire. Sur l'encre des photos, sont incrustés nos vieux sourires, en les reliant des plus anciennes aux plus récentes, j'arrive à voir un avenir. Mais depuis bien longtemps personne n'a tenu l'appareil, et dessiné sur mon silence quelques espoirs et trois merveilles. Sans aucun phare, je fend le brouillard et le noir de la nuit qui peint sur sa peau des constellations d'espoirs trop lointains - qui me narguent là-haut. Qu'à cela ne tienne, je n'ai plus peur, j'avance et vogue sur les eaux, s'il n'y a nul ici pour moi, je poursuivrai tous les ailleurs. Alors j'emmène tous mes bagages, depuis peu ils n'ont plus de poids, je les porte avec moi, sans susciter aucun émoi. Et les bateaux que je croise parfois, n'ont plus l'attrait d'autrefois. Même à l'abordage, ils ne harponnent que des ombres, je vogue vite et loin sur des eaux bien trop sombres.

Puisque les radios se sont tues, puisque l'assentiment est suspendu, je m'en vais tout là-bas, où vont les volontés perdues. Je donne ma langue aux chattes et ne rechigne pas. Je n'entend que ma voix, mon propre vent dans les voiles me fait filer aux nues, me parle de tous ces arbres dont j'ai les graines en moi. Il existerait une radio qui viendrait de ma tête, et d'infinis tableaux au fond de ma musette. On me dit à l'instant même que les réponses sont des créations artistiques et que l'avenir que je quête est une esquisse solipsiste. Je ne sais plus que faire, je marche sans un guide. Je peins à même l'atmosphère, je suis mon propre oracle, je me prends à faire moi-même, malgré tous les obstacles. Et la sombre nuit s'allume des feux de mon génie, plus chauds que le soleil et sa lumière jaunie. Je parle et la vérité sors de ma bouche, mes soliloques sont des philosophies dansant sur le cadavre des métaphysiques.

J'ai trouvé des amis, d'autres radeaux perdus, nous sommes détendus maintenant tout est permis. Le temps nouveau est sceptique, tolère les extatiques et les introvertis. Chaque croyance est phénix, renaissant de ses cendres, détruite et reconstruite, incluse dans le cycle causal d'une nature qui vit. Ils avaient décidé, il y a de cela l'antiquité, que les idées demeurent immaculées, de viles instantanés piégés dans les rets d'une gloutonne éternité. D'un voeu performatif, j'ai modifié cela, les idées naissent, meurent, s'altèrent désormais; et tout immuable est souvenir ancien: traînée de rien sur le champ des mémoires. L'unité n'existant plus, les mathématiques ont disparues. Que nul n'entre ici s'il a un maître. Idem pour les poètes, ceux qui mesurent le vers, comptent les syllabes, infusent dans le fluide l'inertie de leurs lois, ceux-là ne sont plus rois. C'est que les goûts changent, au gré de mes humeurs, ce qui était en bas est en haut désormais. Et tout changera encore, et encore et encore. Les maîtres deviendront élèves puis les contraires s'uniront dans une fusion simultanée, on se rendra bien compte que tout est unité, même les vieux opposés. Chaud, froid: des degrés de la chaleur. Moins, plus: des échelons de mesure. Tout en fait s'illuminera d'un noir obscur, le monde fera l'amour, les choses entreront en orgie.

Il aura suffi d'un rien, d'un changement de perspective, d'un regard moins ancien, d'un homme à la dérive, pour que les questions se suffisent à elles-mêmes et que l'élan là se brise, enfin résorbé en ce final dérisoire: ce ténu fil et cet infime point noir.