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mardi 3 décembre 2019

[ Terres Brûlées ] L'Informulée



Mon champ est un recueil
De rimes inachevées
De rêves entrelacés
Ma conscience un cercueil
Où mourir éveillé

Et ce réseau de rien
Me tient lieu de royaume
Moi l'étranger
Qui vit au-dedans d'un fantôme

Je cherche mes semblables
Qui vont dans les envers
Et n'étreint que le sable
Qui dessine mes vers

Si je suis différent que suis-je?
Un sillon dans la neige
L'arborescence de ma pensée
Qui forme le chaos

Le chaos c'est l'ordre trop complexe
C'est l'échelle que nous ne savons lire
C'est l'horizon que chante ma lyre
Solitaire et sans sexe

Je sais que des chemins connexes
impriment leur essence
Et forment à distance
Un réseau parallèle

Unis que nous sommes dans la solitude
C'est notre théorème qui découpe la bruine

Nous sommes ce qu'elle n'est pas
L'écart, la différence
Le creux qu'indique notre signe
Abîme ouvert sur la béance

Où sont les illisibles?
Tous ces récits intraduisibles
Écrits dans une langue
Inconnue de Babel

Peut-être sont-ils inscrits
Dans l'indéchiffrable babil
Que produisent les cris
Des rêves infantiles

Peut-être sont-ils d'avant les choses
Ou, succédant l'apothéose
Restent au dehors des formes
Comme une anamorphose du temps

Ce temps où tout s'écoule
Où chaque crystal enfin fond
Rendant chaque forme liquide
Et dépourvu de moule

Marchant sur cette grève
Je sais qu'il n'y a pas foule
Mais j'accepte et je goûte
Le réseau de ma sève

Impossible labyrinthe
Au fil si incolore
Pour lequel il faut clore
L’œil inquiet qui trop guette

Ce regard insatiable qui dévore l'avenir
Et permet au destin d'entrer dans le jardin
De nos présents
Et tout cueillir...

Longtemps j'ai regardé
Au-delà de la brume
Où l'angoisse intranquille
Patiente m'attendait

Mais je contemple aujourd'hui le coeur de chaque atome
M'insère au sein de la plus petite unité de temps
Celle-là où je dure dans un bleu de la nuit
Comme note finale d'un concerto mineur

Je suis du coeur des ombres
Comme un pirate des frontières
Où la lumière se fait trop sombre
J'ouvre le voile de mes paupières

Et le monde m'apparaît tel qu'il n'est pas
Tel que jamais il ne sera
Comme une mélodie qu'un sourd perçoit
Comme un tableau peint sans couleurs

Sans attendre de réponse
Je prépare alors mon interrogation
À l'auteur de toutes choses

Lorsque ma bouche s'ouvre
Parle la mère de tous les énoncés
Le silence alors retentit comme origine et fin de tout
Indéfini, antérieur même à l'incroyable éternité

Et je sais alors
D'un savoir cellulaire
Que la réponse est là entre l'ombre et lumière
Dans cette non-grammaire du vieil anté-langage:

Infiniment totale puisque informulée

dimanche 7 juillet 2019

La vie brute

Version française de "Raw life".



La vie brute
Le rythme libre et joyeux des sauvages
Le chant des gènes en deçà des géhennes
Et l'éternelle errance des gens sans race

La vie brute
Une vie meilleure?
Ou juste un chemin différent
Un art ancien de tuer le temps?

N'attends pas trop des choses
Chaque être naît pour périr
Le bonheur est art de bien mourir

Vie brute
Lent ou rapide
Un sillon frais dans la souffrance

mardi 17 octobre 2017

Le ciment et le sable

N'oublie pas, coeur solitaire, âme enclavée ou qui se croit comme telle, voire qui se croit damnée: tu as un pouvoir sur les choses; et tu peux faire s'envoler les coeurs comme une horde d'oiseaux sauvages. Tu es lié à tant de choses... À vrai dire, à toutes choses. Mais tu as oublié. Tu as vécu quelques années, cru apprendre certaines leçons, et le long flux du temps a érodé tes coquillages, pour en faire le sable de ces plages où tu te complais à échouer, inerte, d'un destin minéral et qui n'est pas le tien.

Tu as appris à apprendre et, malheureusement pour toi, point encore à désapprendre. Or ces deux processus sont pourtant les mêmes.

Avance-toi en courant dans les forêts peuplés et tous les bois vivants. Vois comme le monde répond à ton approche, comme les buissons s'agitent de ta visite impromptue, vois comme les membres s'affolent et cherchent à se mettre à distance du tumulte que tu produis. À chaque seconde, tes choix, tes gestes, tes actions, se répercutent sur l'ensemble du monde. Pourquoi donc préfèrerais-tu t'ensabler dans l'oubli, et devenir ce silence qui te pétrifie mais qui pourtant n'est rien, rien qu'une toile de fond pour tes chants infinis.

Laboure le silence et plantes-y tes graines de vie. Mouille le sable du temps pour en construire des châteaux, éphémères si tu veux, ou plus durables car le ciment est aussi fait de sable...

Tu as pris bien du temps à trouver ton chemin, d'ailleurs peut-être cherches-tu encore, cette voie d'or censée te porter à demain, comme si le vent lui-même t'avait fait sien. Et pendant que tu cherchais ta route, comme un enfant déporté, tu la traçais dans le sol, aussi sûrement qu'un magma qui dévale les pentes raides des volcans énervés. Peut-être cette route n'est-elle pas la plus rectiligne qui soit, mais il n'y a que des lignes droites pour qui ignore sa destination. Ce voyage que tu ne cesses d'ajourner était déjà entamé depuis le premier doute, à peine la première hésitation. Cette voie qui est la tienne, peut-être ne la vois-tu pas, mais c'est la voix par laquelle on te reconnaît dans l'univers où tu es.

Lorsque tu crois n'avoir rien fait, regarde toujours derrière toi, prends quelques minutes pour contempler, ces gestes que tu jugeais nuls, ces choix que tu pensais n'en pas être. Ce qui t'apparait beau alors, mets-le au-devant de toi, nourri par ce vécu comme un engrais.

Si tu ne sais pas où tu vas, le temps, tout de même, retient la forme de tes pas. Le ciment et le sable sont du même bois.

samedi 9 septembre 2017

Le chemin, la voie



Je connais un chemin.
Je connais un chemin traversant chaque route.

je connais un chemin.
Moins qu'un chemin c'est plus une déroute.

Chemin de signes abscons que nul n'a bien tracé. Le point présent appelle le prochain comme une note la suivante. Et roule roule ma musique qui ne sait où elle va. Tu traverses des montagnes si hautes que la neige est vraiment éternelle. On y peut lire, lorsque la lumière la fait reluire, l'histoire d'innombrables cosmos dont l'un n'est qu'une réponse à l'autre. Il paraît que si l'on chauffe toute cette éternité minérale, il en sort une musique des étoiles qui racontent leur enfer ardent qui sont la source des paradis...

Je connais un chemin par où tu es passé, qui porte tes odeurs et tes voeux exaucés. Je connais un chemin que je lis comme rien, comme ploie sous le vent la haute cime des pins, comme défile mon temps dénuée de l'ombre de vieux lendemains.

Je connais un chemin.

Petit sentier de chair vivante ramassé dans les signes figés d'une pensée mouvante. Petit serpent de terre où les seules racines nous accrochent à l'éther ou bien à la contingence de rencontres éphémères. Mon chemin s'est pris dans tes reins, dans ton sourire et ta présence sans lendemain. Petit chemin qui sinue entre les monts de ton coeur et au creux de tes mains.

Je connais un chemin tout aussi loin que proche. À l'emprunter vous pourriez bien mourir d'une mort foraine, qui vous laisserait là, dans l'hébétude d'une fin de chanson qu'on a coupée trop tôt. Ses longs lacets vous font comme un instinct qui s'accroche à vos tripes, vous accolent à son rythme fait de souffrance et de joie, fait de moments banals qu'un regard qui l'est moins mue en épiphanie.

Je connais un chemin.

Il passe sous la mer et les vieux océans, il traverse en leur coeur chacun des éléments, et n'en garde qu'une trace, fidèle à son mouvement. Tout juste un sillon d'arabesques qui sont le signe de vrais sentiments. Air, feu, terre, eau, voici bien l'essence des choses, du moins si vous restez sur le dos de ses mots.

Je connais un chemin.

Chemin ouaté, tissé dans les nuages, qui fait de chaque humain le songe léger d'un mirage. La parole des vents gonfle une certaine voile chargé de faire avancer le coeur jusqu'au prochain naufrage. Capitaine aérien sur l'océan céleste, le chemin se déleste et vous lâche, sans un phare et sans rien.

Je connais un chemin que l'on arpente yeux bandés, dès qu'on ouvre les yeux alors il disparaît; c'est ainsi que nul, jamais, n'a pu le contempler. C'est un chemin de temps plus que d'espace mais ce dernier s'étend dans la durée... C'est un chemin qu'on joue comme on ferait parler les dieux, un chemin qui dévoile ses secrets dans des langues inventées qu'on ne comprendra, probablement jamais. C'est un chemin de doutes, qui dans un feulement de haine vous effleure d'amour.  C'est un chemin qui ne vous dit pas où aller, mais qui vous suit, vous écoute. Il ne parle jamais de lui mais pourtant vous entend le raconter. Il vous donne les réponses dans l'instant même où vous les formulez.

Je connais un chemin...

Une voie sans fers mais pour d'aucuns l'enfer. Une voie d'étincelles qu'un regard féconde et allume en chandelle. Une route pour tous ceux qui s'élancent vers eux à travers tous les autres. Une déroute solitaire pour les agoraphiles, où les pierres et les choses sont autant de chemins au sein du chemin lui-même.

Je connais un chemin et pourtant, combien de fois encore devrais-je perdre ma route..?


Dessin d'Amine Felk, texte de moi-même.