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mardi 10 septembre 2019

Le silence du monde

-Je ne sais pas...
-Je ne sais pas quoi?
-Je ne sais pas... Je ne sais rien. Je ne sais vraiment pas...
-Mais il n'y a rien à savoir.
-Toutes ces questions auxquelles je suis incapable de répondre, pour lesquelles je n'ai pas même l'once du début d'un commencement de réponse...
-Toutes ces questions n'existent pas. Il n'y a pas de question, par conséquent nulle réponse.

Le silence fait jouer sa musique, un silence sans durée, sans mesure.

-C'est un peu artificiel et spécieux comme façon de procéder non? N'est-ce pas une façon bien lâche de résoudre les problèmes?
-Ni plus ni moins que l'acte d'en poser. Sans question il n'y a plus de réponse. L'interrogation crée la tension, l'attente d'un ailleurs et par cet acte rend le présent inconfortable.
-Mais ces questions jaillissent sans mon consentement, elles semblent pleuvoir sur moi comme une bruine qui menace à tout instant de se transformer en torrent...
-Sont-elles un objet extérieurement réel et qui s'impose à toi?

Le silence glisse, feutré, sans marque.

-Observe les questions sans te sentir visé par elles. Le questionnement est comme la douleur. Cette dernière est l'attente d'autre chose, d'un présent dépourvu d'elle mais dès lors qu'on prend la douleur comme donnée éternelle ou atemporelle, comme un présent inévitable, alors la douleur n'est plus douleur, elle n'est que sensation parmi d'autres sensations. Observe tes interrogations sans espoir, en oubliant même jusqu'au concept de réponse.

Le silence, partout, omniprésent, presque absolu; abolissant tout sur son passage, jusqu'à la trace même des paroles qui l'ont précédé. De tous temps le silence du monde.

lundi 20 novembre 2017

Point final



L'ordinateur déconne je crois, il ne me donne plus les bonnes réponses à ces questions qui dans mon crâne tambourinent comme des coups de semonce. J'ai voulu croire que l'écran noir saurait un peu de l'avenir. Après tout, lui et moi on se connaît, on a traversé tant et pire. Mais rien n'y fait, tout est muet, même les chansons n'ont rien à dire. Sur l'encre des photos, sont incrustés nos vieux sourires, en les reliant des plus anciennes aux plus récentes, j'arrive à voir un avenir. Mais depuis bien longtemps personne n'a tenu l'appareil, et dessiné sur mon silence quelques espoirs et trois merveilles. Sans aucun phare, je fend le brouillard et le noir de la nuit qui peint sur sa peau des constellations d'espoirs trop lointains - qui me narguent là-haut. Qu'à cela ne tienne, je n'ai plus peur, j'avance et vogue sur les eaux, s'il n'y a nul ici pour moi, je poursuivrai tous les ailleurs. Alors j'emmène tous mes bagages, depuis peu ils n'ont plus de poids, je les porte avec moi, sans susciter aucun émoi. Et les bateaux que je croise parfois, n'ont plus l'attrait d'autrefois. Même à l'abordage, ils ne harponnent que des ombres, je vogue vite et loin sur des eaux bien trop sombres.

Puisque les radios se sont tues, puisque l'assentiment est suspendu, je m'en vais tout là-bas, où vont les volontés perdues. Je donne ma langue aux chattes et ne rechigne pas. Je n'entend que ma voix, mon propre vent dans les voiles me fait filer aux nues, me parle de tous ces arbres dont j'ai les graines en moi. Il existerait une radio qui viendrait de ma tête, et d'infinis tableaux au fond de ma musette. On me dit à l'instant même que les réponses sont des créations artistiques et que l'avenir que je quête est une esquisse solipsiste. Je ne sais plus que faire, je marche sans un guide. Je peins à même l'atmosphère, je suis mon propre oracle, je me prends à faire moi-même, malgré tous les obstacles. Et la sombre nuit s'allume des feux de mon génie, plus chauds que le soleil et sa lumière jaunie. Je parle et la vérité sors de ma bouche, mes soliloques sont des philosophies dansant sur le cadavre des métaphysiques.

J'ai trouvé des amis, d'autres radeaux perdus, nous sommes détendus maintenant tout est permis. Le temps nouveau est sceptique, tolère les extatiques et les introvertis. Chaque croyance est phénix, renaissant de ses cendres, détruite et reconstruite, incluse dans le cycle causal d'une nature qui vit. Ils avaient décidé, il y a de cela l'antiquité, que les idées demeurent immaculées, de viles instantanés piégés dans les rets d'une gloutonne éternité. D'un voeu performatif, j'ai modifié cela, les idées naissent, meurent, s'altèrent désormais; et tout immuable est souvenir ancien: traînée de rien sur le champ des mémoires. L'unité n'existant plus, les mathématiques ont disparues. Que nul n'entre ici s'il a un maître. Idem pour les poètes, ceux qui mesurent le vers, comptent les syllabes, infusent dans le fluide l'inertie de leurs lois, ceux-là ne sont plus rois. C'est que les goûts changent, au gré de mes humeurs, ce qui était en bas est en haut désormais. Et tout changera encore, et encore et encore. Les maîtres deviendront élèves puis les contraires s'uniront dans une fusion simultanée, on se rendra bien compte que tout est unité, même les vieux opposés. Chaud, froid: des degrés de la chaleur. Moins, plus: des échelons de mesure. Tout en fait s'illuminera d'un noir obscur, le monde fera l'amour, les choses entreront en orgie.

Il aura suffi d'un rien, d'un changement de perspective, d'un regard moins ancien, d'un homme à la dérive, pour que les questions se suffisent à elles-mêmes et que l'élan là se brise, enfin résorbé en ce final dérisoire: ce ténu fil et cet infime point noir.