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vendredi 19 janvier 2018

Le goût amer des victoires

Il me semble, par moments, que si je devais mourir, ce ne serait pas vraiment de moi qu'il s'agirait. J'ai sur mon esprit le même regard extérieur que sur mon corps. Je me sens, je me vois, je me contemple et m'étudie comme un objet étrange dont je suis pourtant l'otage. Je traversais les vignes, une fois n'est pas coutume, et soudain une grande fatigue d'être moi m'étreignit. Je me vis là, à côté de ces pas, à côté de ces pensées et préoccupations, à côte de ce destin comme un fardeau trop lourd, j'étais prêt à mourir de lassitude.

Je crois que je n'ai jamais connu de victoire qui ne m'ait été aussitôt odieuse et injustifiée.

Terminer quelque chose n'est qu'un prétexte à tout remettre en question, les buts que l'on s'était fixé, les véritables motivations qui nous animent, soi enfin.

mardi 22 août 2017

franchir l'horizon

Lorsque l'horizon que vous aviez peint sur les cieux indéterminés, où la vue se perd, devient une prison improductive et délétère, il est temps de le franchir alors.

Savoir sauter par-dessus les plans imaginaires, les frontières qui servaient à rêver, à se situer ou à mesurer sa trajectoire. Celui dont le but était d'abolir tous les buts finit par être pris dans son propre piège, car alors que lui reste-t-il? Maintenant que tu t'es désaisi de toutes choses, de tous projets, de toutes attaches, et qu'il ne reste que la nudité primal de ton présent, la poupe de ton existence au vent de l'indéterminé, offerte au réel qui ne s'en soucie guère: que vas-tu faire? Qu'est-ce qui va gonfler tes voiles et te porter au-devant de ton destin si ce n'est la létale inertie qui t'abandonnes là, à la monotonie d'une vitesse immuable qui devient alors immobilité? Avec quoi vas-tu remplir ton âme, qui bandera l'arc de ton désir?

Et si tu ne désires plus rien, alors comment désires-tu vivre encore?

Peut-être que le fait de n'être jamais d'accord avec toi-même te sauveras de cet état d'apathie mortifère. Tu es encore allé trop loin, dans l'absolu, toi, le relativiste. Comme s'il fallait toujours chercher ou tendre vers la limite de son rapport au monde. L'absolu est bien le fondement et le support du relativisme.

Il y a des gens pour qui les idées abstraites n'ont pas de réalité concrète, c'est pour cela qu'ils ne parviennent pas à les penser sans difficulté. Aucun référent ne correspond à ces signes. Il en a toujours été le contraire pour toi, et ce sont les idées les plus abstraites qui foment les images les plus claires au sein de ton esprit. Penser est une géométrie de l'âme, tu perçois les figures, tu conçois les dynamiques qui président à la métamorphose, tu observes les images se faisant, et le paysage de ton âme est une peinture de Kandinsky.

Tu as toujours voulu aller au bout de ces transformations. Lorsque tu méditais sur une figure, il te fallait impérativement en trouver les conditions de possibilité, l'origine, et contenir dans une formule (la fonction d'existence dirons-nous) la série de ses indéfinies instanciations.

L'imagination, cet "art caché dans les profondeurs de l'esprit" te permets d'être toute chose conçue, d'être tous les autres aussi, ce qui te laisses croire que tu peux dire aujourd'hui, avec une arrogance folle, que véritablement "j'ai tout été, rien ne vaut la peine"...

Mais si tu vis encore à ce jour, c'est que tu te connais un tant soit peu, tu t'es pris toi-même pour objet de contemplation depuis bien longtemps (dans les limites imposées à cet exercice), et tu sais qu'il te reste encore bien des écueils dans lesquels tomber, d'autres infinis à poursuivre et à épuiser de ton regard insatiable.

Déraisonnable. Être brisé par nature et a priori. Il te reste bien des infinis à contenir dans tes signes, et tu continues de chercher la phrase qui te donnera la clé et le symbole de l'infinité des infinis... Tel un enfant qui n'apprend pas de ses erreurs, non parce qu'il est stupide, mais parce que sa nature l'a fait ainsi - lui a donné quelques instincts utiles en temps normal mais en de moindres proportions -, tu poursuis ton achèvement sans t'apercevoir qu'une fois le but atteint, il te faudra impérativement devenir autre pour poursuivre le mouvement. Mais peut-être est-ce là ce que tu cherches au fond: le moyen de parvenir au bout de toi-même, de contenir en toi l'origine et la fin de ton être, afin d'être libéré d'une existence qui te pèse parfois comme un fardeau que les joies ne parviennent plus à alléger. Car alors, tu le sais, il te sera loisible de te reposer de toi...

Peut-être que vous, qui lisez ceci, tomberez un jour sur cette phrase qui pourra défaire le noeud d'une existence singulière; peut-être s'agira-t-il d'un texte, ou bien encore d'un seul mot qui, pris dans la toile d'un énoncé plus vaste, par contraste, prendra cette valeur de totalité achevant l'inachevable indéfinité...

La vie ne consiste-t-elle, pour les hommes, qu'à esthétiser la mort, à construire la fin qui rendra tout le reste supportable et sublime?