mardi 28 novembre 2023

La production de l'oubli

Écrire est ma destinée, comme douter, c'est-à-dire penser; c'est-à-dire, en l'ocurrence, penser à quel point une telle phrase est inapte à entamer un poème digne de ce nom, à exprimer une pensée suffisamment singulière pour ne pas avoir été écrite en quantité industrielle... Surtout, ne jamais être entier; voilà ce que ma jeunesse a retenu de cette foudre qui gouverne les mondes et frappe impromptue mais inexorable.

Il n'y a que dans quelques écrits que je trouve ecore de la valeur à quelque chose qui m'appartienne, à quelque partie de moi -- sont-ce bien là des parties de moi ou bien des partitions trouvées sur le manteau céleste? Toujours une pensée en face d'une autre, toujours l'ambivalence de toute chose.

Il est des êtres qui, probablement, ont été conçus pour s'annuler tout en étant, âmes précoces qui répétent la dissolution avant l'heure fatidique. Obstacle que la vie place d'elle-même sur son chemin, vois comme l'art t'as surmonté pourtant... Encore et encore, la poésie te donne tort et pose en les filets du monde un compte positif. La mousse de l'âme, semblable à celle de l'infinitésimal, arrache par fulgurances, de son vide spatio-temporel, quelques fragments d'étoile s'accrochant à nos cieux pour être contemplés -- et vécus.

Les œuvres, à plus ou moins long terme, retombent dans cet espace réel du possible que l'on ne peut pas voir, ou seulement pressentir. Que tout cela soit déjà oublié, pourquoi devrait-ce me déranger?

Toute création est production d'oubli.

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