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lundi 20 novembre 2023

Mektoub...

 Combien de litres d'existence acide me faudra-t-il encore avaler, du fond de mon regard vers les autres? Ces autres en face de moi qui déverse, lassablement, ce discours insensé de la doxographie en des cerveaux éteints. Quel jeu jouons-nous eux et moi, quelle fonction représenté-je en ce système épuisé que mes artères vaines font tourner malgré moi? Malgré moi? Malgré cette forme minimale de consentement qui pousse un homme à ne pas se laisser mourir...

Le désespoir habite les murs que je hante en fantôme noir, concrétion d'idées incomprises, et inaudibles en ce vide noétique où ne résonne que l'absence de goût pour la pensée. Nous avons fabriqué cette dépouille où s'enferment les âmes qui n'ont point d'horizon pour s'épanouir, point d'autre issue que ces écrans vers l'infini, vers la consumation du temps et du possible. Du contenu pour vase de Danaïdes.

On se constitue aussi par ses refus et tous les miens m'ont mené là, sans que je sache évidemment si ma présence dessine encore un de ces contretemps tragiques qui font la mélopée de mon destin. Rien de ce que j'aime ne semble être préservé par le siècle qui s'échine à expulser mon âme par ce cloaque où j'erre encore obstiné. Comment est-il possible d'avoir ainsi été construit par un monde qui dès l'achèvement disparaît aussitôt, comme un parent démissionaire qui abandonne son enfant aux renards qui ne savent qu'en faire? Je suis le produit d'une époque qui se dérobe sous mes pieds, et toutes les valeurs, tous les rêves, tous les amours qui constituent mon essence déployée ne sont que vagues souvenirs d'une devise plus en cours aujourd'hui. J'ai dans les poches des montagnes de pièces qu'il me faut déposer sur le chemin du néant, autant de fragments de ce moi sans valeur marchande qui me déréalisent aussi sûrement que les mots de ma bouche en des psychés sans langue articulée -- et tout cela qui fait de moi l'obsolescence insensée d'un monde encore capable de procurer, pour celui qui sort de l'immédiat pour se construire, la possibiltié de joies réelles, la possibilité d'un monde encore ensemencé.

Mektoub... Jusqu'à la nausée.

jeudi 20 janvier 2022

Anti-virus

 Un jour banal consiste à combler de grands vides à l'aide d'imprécises poussières. Derrière de trop grands yeux qu'ont brûlé les lueurs d'indéfinis spectacles. Qu'ils brillent nos acteurs dans l'iridescence de leur si haute définition...

Ma fonction est modeste, j'alimente un feu mort, ranime chaque braise. J'apprivoise en dé-domestiquant. Je construis des échaffaudages en détruisant des forts.

Perché sur une estrade, invisible et factice, je jette à des pigeons, les miettes du savoir. J'empaquette du vent, j'explique les mensonges.

Ce monde qui m'élève, en me rapetissant, je lui dédie mon œuvre. Je libère l'algorithme, le code source de ce programme: réalité 2.0, postface d'une ancienne nation.

Ce monde que je désosse par paquet de deux heures, c'est celui que j'ai du démonter de mes propres structures, prothèses de nos âmes encore plus authentique que le mythe de nature.

Je suis payé pour ça, programme d'entretien, artisan d'une "république" qu'ils ont prostituée. Virus dans la matrice, j'injecte mon venin dans l'âtre refroidi, le souffle interdit des pirates qui franchit la cellule, injecte son programme dans l'orbe cellulaire.

jeudi 4 juin 2020

Être poète au 21ème siècle ( 2 )

Être poète est une bien étrange affaire. Lorsqu'il me faudrait prendre en main les enjeux de ma vie sociale, je me vois dans l'incapacité d'y répondre précisément parce que l'injonction poétique est plus forte que tout, elle prend le dessus sur le reste.

Au lieu de chercher un domicile, qui me fait défaut depuis plus d'un an, je reste attentif, vigie à l'écoute de cette sphère musicale où je pêche un entrelacement d'écailles diaprées qu'ici j'expose enfin.

Il m'est absolument impossible de faire autrement. Je ne saurais dire pourquoi. C'est au-dessus de mes forces de ne pas entendre cet appel, comme s'il n'y avait finalement rien, absolument rien, de plus important à faire que cela.

Je crois rester raisonnable en émettant l'hypothèse suivante: il en va certainement en partie de l'imprévisibilité de ces états d'inspiration où les cieux s'entrouvrent vers l'ailleurs poétique dans lequel il faut plonger. Ça ne se commande pas bien que l'on puisse reproduire par quelques rituels un ou des contextes que l'on a pu identifier comme propitiatoires à cette union sublime.

Il faut donner sa vie à ses moments d'inspiration. Rien d'autre ne compte vraiment. Être là, quand cela vient.

On pourrait, à observer mon inactivité apparente, se dire qu'il n'y pas là de quoi faire vocation, qu'en somme il s'agirait plus d'un passe-temps aléatoire que d'un véritable sacerdoce et pourtant... Il s'agit en fait d'un destin à plein-temps.

La réceptivité poétique doit être de tous les instants, tous les regards, elle transforme à son fondement la manière d'être au monde puisqu'elle est le prisme à travers lequel nous vivons chaque évènement. Dans les moments les plus anodins, nous sommes poétiques, dans l'inactivité, nous sommes poétiques, la psyché creuse, travail en soubassement. A lieu une constante exploration de soi et du monde, une recherche de portails menant vers cette dimension d'harmonie poétique. Ce monde est comme une immense gare où les trains sont des élans musicaux: vous en saisissez un bout et la suite devient évidente, se déroule sous vos yeux sans presque avoir besoin de vous. Nous sommes constamment à la recherche de, ou du moins disponible à, ces instants. Et ce service n'a pas d'horaires fixes, il est un état permanent qui a priorité sur tout le reste.

Lorsque nous sommes à l'écoute, nous travaillons, accumulons en nous la monnaie nécessaire à l'échange qui viendra, nous grappillons de ci de là quelques notes prises sur le vif, ourdissons quelques rimes, quelques idées qui peu à peu s'assemblent, prennent forme jusqu'au moment d'union finale.

Il n'y a aucun repos dans cette vie. Et le fait qu'on ne reconnaisse plus le destin des poètes comme un métier légitime sème beaucoup d'embûches et de difficulté sur cette route étoilée, mais la souffrance est une monnaie que je récolte sans crainte, je sais ce qu'elle permet d'acheter.