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vendredi 26 mars 2021

Aphorismes de l'impérialisme

Le moteur de l'Histoire est la volonté de domination.


Le premier noyau de l'histoire sociale est la famille: elle constitue l'atome du champ de la domination. De tels groupes se retrouvent chez nombre d'animaux et forment la trame d'un système de rapports de force relativement équilibré. Une famille, un groupe, domine rarement (jamais?) d'énormes masses d'individus. Or chez les hommes, à partir des premières cités-États, c'est la volonté de réduire sous son joug un territoire (physique et psychologique) toujours plus grand qui prédomine et précipite le mouvement historique. L'Histoire humaine commence avec l'Hubris.


L'impérialisme est l'idéal transcendant de la volonté de domination.


Un empire, à mesure qu'il tend vers son achèvement, tend toujours plus vers sa dislocation. Car il est à l'image de la psyché de ceux qui en sont à l'origine: terrorisé par l'altérité. Lorsque le monde est à votre image, il devient impossible d'occulter les dissensions internes. C'est la folie et la décadence qui guette tout empire.


Le matériau primitif des empires est l'angoisse. La peur est le moteur des conquêtes. Ce n'est qu'une fois celle-ci apaisée que l'angoisse devient apparente. C'est elle qui ronge alors le solipsisme culturel ainsi réalisé.

samedi 20 mars 2021

L'auto-défense pour les nuls

Donner un sens à la vie c'est précisément en faire un moyen d'atteindre un but, la placer entre une origine presque néant et un distant horizon vers lequel il s'agit d'avancer. Avancer. Le terme est primordial ici puisqu'il s'agit de faire du mouvement d'un destin un cheminement, c'est à dire une suite de gestes ordonnés et continus en direction d'une destination finale. Autrement que serait la vie enfin? Une somme de gesticulations effrénées, sans ordre, impossible à organiser et hiérarchiser, impossible à quantifier. Le trajet qui relie deux points entre eux a l'incommensurable qualité d'être précisément mesurable, quantifiable. Il devient possible alors de comparer les vies qui auraient des horizons peu ou prou similaires. Il devient possible d'instaurer une hiérarchie des existences en fonction de la plénitude de sens qu'elles auront réussi à achever. Il devient possible de trier les individus, de les classer dans un ensemble ordonné.

Cela dit, quel mérite à pouvoir qualifier son destin d'"avancée" si le but fixé n'est pas de notre ressort, s'il ne relève pas de la volonté propre? Et si les destins étaient mécaniquement exécutés, qu'ils obéissaient à une nécessité naturelle qui les replace en des chaînes causales explicables (au moins en droit)? Il y a fort à parier que pour beaucoup, la qualité de telles vies s'en verrait altérée. Il deviendrait interdit d'attribuer à la force de volonté la capacité à naviguer vers un horizon pour former un chemin plus ou moins rectiligne (le grand signe des puissants, des forts, des surhommes!). Il faut toute l'illusion de libre-arbitre pour faire tenir le monde harmonieux et sidérant de justice que nous avons édifié, nous les hommes deux fois sages (homo sapiens sapiens).

Pourtant, tout cela n'est que fiction. Il n'y a jamais que le regard extérieur qui sache tisser ce récit d'inepties que l'on se conte entre nous -- mais d'abord à soi-même -- afin de calmer la terrible angoisse qui nous étreint face aux abîmes de l'existence. Ce monde d'hommes forts, qui décident pour les autres, fixent des valeurs, réforment la nature, bâtissent des États, peignent des morales, grognent des lois qu'ils accrochent comme des guirlandes à chaque atome de matière indifférente, est la plus parfaite illustration de faiblesse indomptée, de désespoir insurmonté de ceux qui, se sentant minuscules, cherchent à réduire le Tout qui les écrase à la mesure de leur pathétique horizon.

Donner un sens à la vie... Vous ne donnez rien à la vie, ignobles prétentieux apeurés! C'est la vie qui vous donne quelque chose, à commencer par l'inexplicable pulsation de votre être.

lundi 8 mars 2021

Titanic

 Ça ne marche pas. Ne marchera jamais. Cultiver l'entropie et tricoter son sien décès. Pas un soir qui ne s'achève dans l'incommensurable gâchis d'un destin inaccompli. Y a-t-il seulement destin en dehors de ce rêve?

La routine se fait ce long intestin qui digère les souhaits, à qui le cœur couard ne sait pas insuffler, une once d'existence.

De toute évidence ça ne marche pas. On ne choisit pas et le chemin reste possible, praticable pour d'autres, c'est probable, et le sillon bleuté de leur histoire forme la carte d'un pays que l'on croyait utopie pour soi-même.

Mais rien n'arrive ainsi, par le hasard de conjonctions formidables, si ce n'est d'horribles tragédies.

Il faut des tragédies pour les cœurs assourdis qui se nourrissent du fantasme éculé d'échecs anthologiques, de naufrages qu'on relate comme d'extraordinaires épopées. Mais pour cent mille désastres combien de Titanic? Pour des milliards de fleurs, combien de bouquets en un vase?

L'iceberg s'avance au-devant de moi, pourtant ne devrait-ce pas être l'inverse? Il s'avance et je vois dans sa trajectoire une démarche humaine, dans les contours de cette masse la silhouette d'un vagabond, dans les lueurs de sa banquise un reflet de mes yeux.

L'angoisse est un traître récif, l'ego un courant scélérat.

Pour des milliards d'étoiles, combien d'almes soleils?