vendredi 19 septembre 2014

Le multiple et le substrat

Pourquoi persister à comprendre le monde par le biais d'une substance permanente et immuable (l'Être) qui serait sous-jacente aux phénomènes? Et si le monde n'était qu'impermanence et multiplicité? C'est ce que semble indiquer la diversité des points de vue, la diversité des consciences qui toutes vivent en elles un sentiment et des qualités absolues. Pourtant il reste difficile de concevoir une multiplicité changeante, un être impermanent sans que demeure un fondement unique et stable qui soit la condition d'existence du changement.

Prenons l'exemple d'un chat: différents observateurs, en différents lieux, pointent leur regard vers l'animal. Chacun percevra un être différent, une relation à l'observé dont le vécu est absolument singulier, et ce quand bien même deux observateurs échangeraient leur position pour se tenir à l'endroit exact où se tenait l'autre. La relation ne peut être la même à partir du moment où un des termes de celle-ci est modifiée, j'irais même plus loin en affirmant que la relation ne peut être la même à partir du moment où un seul élément du système observateur-observé est altéré. Prenons l'exemple d'une baisse de la luminosité (toujours dans le cas de notre chat) entre un instant T et un instant T+1, il semblera alors à tous que le chat est différent à l'instant T+1 de ce qu'il était à T.

Alors peut-on seulement concevoir que ce chat ne soit qu'un indéterminé qui s'offre à des déterminations diverses et indéfinies en fonction de la relation dans laquelle il s'inscrit avec un observateur? Et si l'on admet cette hypothèse, qu'est-ce qu'un indéterminé, qu'est donc un être indéterminé? Des milles manières d'observer ce chat (vision thermique, rayons X, vision humaine, etc.) lesquelles nous disent ce qu'il est réellement, et que dire de tous les attributs (au sens spinozien) que nous ignorons et que nos structures organiques ne nous permettent pas d'imaginer et encore moins de concevoir?

Il semble exister un certain juste milieu entre la détermination absolue et donc intrinsèque de chaque terme d'une relation et la détermination réciproque de ces termes par le système relationnel. Ce n'est pas parce que je n'observe pas le chat que je dois affirmer qu'il n'existe pas tel que je l'ai observé quelques minutes auparavant, et inversement je ne peux pas dire à quoi il ressemble sans m'imaginer prendre position et déterminer un référentiel par lequel il pourra prendre les détermination qui me le révèleront. Je ne peux imaginer le chat en soi et je ne peux non plus en faire une pure abstraction indéterminée puisque son être est, pour moi, la synthèse de toutes les déterminations possibles, de tous les attributs par lesquels il prend forme et s'offre à ma perception comme un objet du monde. Ainsi, son être en soi est pour moi (et le paradoxe est inévitable) la possibilité d'une certaine forme spatiale, d'une certaine température, d'une certaine affectivité, d'un certain mouvement, etc.

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