jeudi 3 octobre 2024

Formes de la dissolution

Tout naît de la souffrance, toute individuation est déchirement, toute forme est un déni du fondement. Vagues ondulations sur l'océan du Rien, nous existons comme un écho centripète qui, se refermant sur lui-même, croirait devenir monde. Les sens tournés vers l'intérieur, nous sentons bien, vaguement, que quelque chose nous rattache à ce qui nous excède et nous anéantit, sans toutefois jamais pouvoir en être sûr, sans en pouvoir formuler de connaissance. Notre origine, et surtout notre fondement, ne saurait être objet à nos yeux. Seule la musique: pure ou bien dégénérée en des formes de plus en plus figées et spatiales, entrouvre en notre nécessaire isolement une brèche par où nous croyons percevoir l'informe substance où se trace, éphémère, la forme de notre âme.

Évohé. Emmenez-moi, formes de la dissolution, dans le cœur de l'abîme où je suis né.

Rococo

Le monde extérieur n'existe malheureusement pas. Et ce n'est pas là la lubie d'un être qui aurait fait de la vue son sens supérieur.. Car lorsque je touche ou hume, c'est bien dans le point nodal de ma vacuité que je sens... On a beau faire, tout ce qui nous parvient du dehors, même le son, est pleinement au centre de ce réseau de néant qui tisse, par une compulsion narrative, les mailles d'un monde qu'on aimerait transcendant -- un monde capable de contenir notre risible démesure et de nous imposer sa loi.  Nous ne parlons d'idée que parce que nous en avons une perception confuse, là où l'intuition sensible montre assez spontanément sa complexité dynamique: il suffit de s'approcher un peu plus près de l'objet, parfois d'un pas de côté, pour que toute la perception se réagence en un nouveau système... Tandis que les idées... On ne les perçoit que de très loin, avec les doigts boudinés de l'intelligence à qui il faut un effort immense pour s'apercevoir de sa vulgarité. Nous croyons les idées plus intimes, nous croyons qu'elles sont nous, car nous ne savons pas les sentir avec autant de raffinement que les sensations. Quoi d'étonnant à cela: des millions d'années d'évolution pour ourdir l'interface sensible par laquelle l'espèce a survécu... Tandis que la pensée: tout juste quelques millénaires pour parvenir aux peintures rococos de la métaphysique et de la phénoménologie contemporaine... Des dessins d'enfants voilà tout.

Note à ceux qui resteront

On aimerait parler pour l'homme du siècle prochain mais on ne sait qu'exprimer la médiocrité parfaitement médiane de son époque. Ne demandez jamais pourquoi je suis parti: il y a des choses qui valent plus que l'amour.