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mercredi 9 octobre 2024

Procrastiner légitimement

Il est normal de procrastiner sans cesse la production d'une œuvre d'art dès lors que notre seul standard est une forme de transcendance menant à l'absolu. Il serait impossible d'accepter, dans un tel cas, de voir son échec incrusté dans la minéralité d'une chose pétrifié, dont l'éternité nous humilie et nous fait honte.

Je ne peux accepter certains de mes textes que parce qu'ils constituent la documentation d'un brouillon, et que ce brouillon pourrait, un jour, avoir une valeur de témoignage pour ce que j'aurais un jour atteint l'absolu désiré. Leur valeur est nulle à cet instant et toute spéculative. D'autres textes philosophiques ne témoignent que d'une chose: mon incompréhension de l'époque et mon arrogance vis-a-vis d'auteurs que je n'avais même pas compris. Il faut beaucoup d'humilité mais aussi pas mal d'arrogance pour accepter de s'abaisser par le témoignage de sa propre médiocrité tout en subodorant qu'un jour celle-ci puisse avoir la moindre valeur pourtant...

Il faut tout cela pour supporter le poids de son sillon dans l'existence et de tous ces moi reniés par le présent qui les rend tous caduques. Que cela peut-il donc bien trahir sur celui qui accepte de produire des œuvres censées contituer des morceaux de sa personne? Qu'il s'est pétrifié dans l'ambre du dogme? Qu'il accepte l'extranéité de son œuvre? Ou qu'il n'a pas d'autre choix que de sortir de lui ces tentatives pour rallier l'absolu, afin de s'en servir comme marche-pieds dans cet ascension perpétuelle qu'est la recherche du beau?

La vérité est dans le devenir, dynamique, il faut donc que l'œuvre se fasse inchoative, spermatique, et qu'elle s'insémine dans la temporalité d'une âme hôte et se montre capable de vivre à l'intérieur, symbiotiquement.

mardi 4 mai 2021

De l'Extinction

 Le brahmane n'est pas exempt de désir. Il est assez probable que nul homme vivant (capable de se maintenir en vie plus longtemps qu'une simple inertie biologique le permettrait) ne puisse être sans désir. Exister humainement, c'est désirer, c'est être porté par le principe du désir.

Le brahmane, cela dit, utilise la puissance de ce principe éternel pour l'orienter vers l'Extinction; c'est à dire non pas vers l'annihilation du désir en tant que principe d'intentionnalité (ou extatique) mais l'annihilation de l'alternance de ses objets. Ce qu'il cherche à éteindre ce n'est pas le désir en tant que principe stable et pour ainsi dire a priori, mais plutôt la nature de ses manifestations, ses vacillations, ses éparpillements, sa danse erratique qui écartèle le Soi en autant de directions qu'un vent extrinsèque semble impulser. Le brahmane met tout son désir dans la fixation d'un seul objet, dans l'abolition de la temporalité du désir (produite par la variation intempestive des objets de celui-ci)  afin d'accorder enfin l'objet du désir à son principe même, et ainsi l'abstraire en une éternité. Le désir, de poiésis devient praxis, il ne cherche plus à se réaliser dans les illusions de transcendance, mais trouve de manière immanente son principe de réalisation que les bouddhistes confondent avec son Extinction. Il y a bien extinction d'une certaine modalité du désir mais non du désir lui-même qui est un principe éternel pour l'être humain.

La preuve? Le sage ou l'aspirant, passe son temps à aller contre ses désirs, ses penchants et vise à tout instant un état particulier: il est tout entier tendu vers son but, sa vie en est le cheminement obstiné.