Affichage des articles dont le libellé est chanson. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est chanson. Afficher tous les articles

lundi 20 septembre 2021

Play Stop Repeat

Arrive un stade où la vie ne semble plus rendre aucun son. On a beau marcher le long des jolis quais de la Garonne, avec le soleil étincelant sur l'épiderme fluviatile, tous ces éclats d'en haut nous sont des larmes qu'on n'a su pleurer...

Même le pas, qui pourtant porte par-delà l'instant, n'est que le métronome d'une musique qui ne veut pas commencer, qui s'est peut-être comme annihilée de bonheur dans la projection de sa fin.

La ville ne semble offrir que des docks, gris, couleurs de pierre sale, avec la rouille des containers incrustée dans chaque image. L'air a les odeurs de choux qu'ont certaines cantines le matin, et même les murs blêmes ont la mauvaise haleine.

Une baleine sortirait des flots de ce port fluvial, je n'en serais ému. Peut-être cela me divertirait-il, l'espace de quelques pas, dans la scansion de rien. Peut-être mes yeux avides de nouveauté iraient-ils boire le spectacle improbable avant de se rappeler tout ce qu'ils ont déjà vu, des centaines de fois, cinématographie du monde charriée par fibre optique, au goulot des prises murales.

Bordeaux maritime, ô combien sonne exotique ce nom à mes oreilles -- qui jouent les portes grinçantes entre l'enfer forain et l'intime Géhenne --, et néanmoins le claquement de ma semelle retentit dans l'espace vacant d'un quai de vieux pavés dégueulant la grisaille sur des bâtiments d'industrie. Même au soleil ces quais sont gris.

C'est tout de même pathétique, je veux dire: reléguer comme ça le monde à un décor de tragédie, la sienne, qui n'intéresse personne et que l'on visionne à longueur de journée parce que presque plus rien ne nous pousse à agir... Mais c'est ainsi. Les gens des accessoires pour des metteurs en scène tyranniques et sans espoir, qui ne savent agencer un espace qui parle de bonheur dompté. Le bonheur, est dans la dissolution des espaces ordonnés, des conventions, des files d'attente, des chemins tout tracés où tout un chacun s'engouffre prisonnier. Le bonheur dans l'éclatement de la scène, dans l'envers du décor -- pour peu que l'on parvienne à ignorer qu'il fait aussi partie du spectacle. Si l'on savait se contracter dans un présent absolu alors... Peut-être serions-nous heureux, puisque sans existence.

Je travaille, toute la journée, et quand je prends des pauses je ne sais plus me reposer. Je pense à la reprise, je suis déjà entièrement dans cet après. Il n'y a aucun répit: juste l'interminable répétition du même cycle dont l’interruption même n'offre aucun réconfort -- car elle n'en fait que trop partie. J'existe dans une distance impalpable où se délite tout entreprise: ma conscience s'étire, antérieure au Big-Bang et presque postérieure à l'univers en cours. Je gis, dans une durée si vaste qu'elle me réduit à un point sans surface, position jamais occupée, idée, concept, et puis que sais-je encore. La conscience ne fait que s'étirer, d'un bout à l'autre de la connaissance, elle est le monde, elle est le Tout qui manque le Réel.

Les couples, corsetés dans leur costume dominical, se tiennent la main en léchant les vitrines -- car les magasins ici ne ferment plus jamais. Ils continueront plus loin, peut-être jusqu'au pont, tout au bout de l'allée. Puis ils feront demi-tour, iront rentrer chez eux, préparer le repas, échanger quelques mots, visionner un feuilleton, faire l'amour, éteindre pour tout recommencer. En quoi cela constitue-t-il une alternative? Dimanche est déjà un Lundi, Lundi déjà toute la semaine: il faudrait qu'elle naufrage, idiote heptagonale, dans un oubli de soi pour que se détricote enfin cette route monotone. Je pense à tous ces étudiants, jeunes et moins jeunes, qui tapent contre les murs de leur cerveau, Vendredi et Samedi, à intervalles réguliers, réclamant, comme ils peuvent, à ce que leur ouvre un empathique geôlier. Ce ne sont que leurs mains qu'ils brisent par leurs coups répétés, et la porte vers l'Ailleurs demeure sous leurs yeux, grande ouverte, sans qu'ils n'osent regarder... Alors... Alors ils trouent leur cœur pour que le poison qu'ils y mettent puisse s'évacuer -- et tout recommencer.

Des pauses, dans un grand flux linéaire de vie: Clotho les a baisé sans qu'ils n'aient rien sentis.

Marcher est harassant, toujours plaquer un rythme décomposable à l'infini, en une suite ordonnée de gestes récurrents menant de rien à rien. S'arrêter, les coudes sur la rambarde en bois, faisant face à l'autre rive, lointaine et pourtant déjà là. Les bateaux vont bon train, découpent dans l'eau agitée leur sillage d'écume bien vite ravalé. Eux aussi scandent un seul rythme. Interrompu, bien sûr, par le roulis du sommeil nocturne, rythmé, lui aussi, par une inlassable houle -- du moins qu'on juge ainsi, peut-être injustement. On a peut-être cru, une seconde ou deux, qu'ils pouvaient être heureux, ces bateaux. Pourtant ils sont pareils à nous, attendant leur refrain dans l'éternelle rengaine de tout. Ces maudits refrains geignards, qui brisent le couplet unique, et nous ramènent à eux aussi sûrement qu'un ressac de grand coefficient. Ad nauseam. Si bien que nous sommes tous les sales refrains d'une chanson usée.

On a bien tenté de semer quelques idées dans l'alme flanc des eaux, mais rien ne demeure à flots, les songes coulent vers les fonds limoneux, épousent une vase incolore, ballottée mollement. Même les images n'ouvrent aucune brèche dans l'implacable réel monochrome... Pas moyen de suivre une histoire, de tisser sa toile sur l'écran des choses et d'y projeter l'Inconscient qui rêve d'autres temps.

Autres temps... À quoi bon. Un temps, un rythme. Un rythme, un cycle. Et tout cela s'enroule autour de soi en faisant du sur-place. On est peu différent à soixante ans qu'à vingt... On a simplement beaucoup trop de souvenirs pour s'émouvoir encore.

Heureusement qu'ailleurs, un doigt pressera le bouton stop. Dans la matrice à faire des mondes, une ligne instrumentale alors cessera. La bobine finira sa rotation, la bande magnétique sera rendue à son insignifiance -- et c'est tant mieux. Même les tubes finissent par ennuyer.

lundi 1 juin 2020

Vigie déçoit



Je fais mon taff à mon rythme
Vigie de cri déçoit
Dans son écrin de soi.

Je vois ce que chacun porte en lui-même
Et que nul ne veut voir.
Je vois de tous le théorème.

Vigie voit l'horizon
Qu'effile une insatiable soif.

Vigie d'écrit déçoit
Sa musique est absconse
Et tristes sont
Ses mélopées.

Vigie de sèmes emmêle
Néanmoins ses poèmes
À vos folles croisades.

Je m'en balance
Vous pourrez bien rouler
Sur mon piteux cadavre?

Mon regard vous embrasse
Et sur mes partitions
Vos cris sont l'échanson.

samedi 16 février 2019

T'es pas heureux

Je suis tombé là-dessus dans mes brouillons du blog, et je me dis qu'il est temps de publier tout ça. Et en prime je le lis de ma sublime voix portée par mon talent inégalable d'interprète...




On m'dit souvent:
"T'es pas heureux,
Tu devrais aller chez un psy.
C'est encore elle dans tes yeux
Fais un effort enfin guéris!"

Y parle de toi mon doux soleil
Comme si t'étais une maladie
Y a bien cette chanson pas si vieille
Qui bien ainsi te qualifie

Moi j'ai pas l'impression pourtant
D'être malade ou bien malsain
C'est pas le fruit d'un seul instant
Mais plutôt le coup du destin

Je t'aime encore, est-ce une faute?
Je souffre un peu, de temps à autre
Un peu à l'aube, et le midi
Et puis le soir jusqu'à la nuit.

Qui ne connaît mélancolie
Ne sait pas apprécier la vie
Toi qui prétend ne pas souffrir
Es-tu capable de sentir?

On m'dit souvent:
"T'es pas heureux,
Tu devrais aller chez un psy.
C'est encore elle dans tes yeux
Fais un effort enfin guéris!"

Pourtant pas besoin de guérir
Lorsque l'on peut encore sourire
Au passé bel et bien présent
Qui passe et va comme le vent

J'suis pas malade mais amoureux
J'ai partagé une âme à deux
Je t'ai imprimé sur mes yeux
Me suis pendu à tes cheveux

Et ma tristesse me rend heureux
N'en déplaise aux gens trop sûrs d'eux
Y a pas que tout blanc ou tout noir
Entre l'aurore et le vieux soir

Mais faut qu'j'arrête de ressasser
Tous les joyeux moments passés
Ça fait d'la poussière dans mes cieux
Et m'donne des larmes au fond des yeux

Abîme

Ce texte était censé, à la base, former les paroles d'une chanson pour une composition personnelle de guitare. Je l'ai écrit il y a quelques temps déjà, je ne me souviens plus exactement quand, et je suis retombé dessus un peu par hasard. Ça vaut le coup d'y apporter deux ou trois modifications pour une version 2.0. Si la qualité n'est pas folle, je considère qu'il a sa place ne serait-ce que pour témoigner du fait que je ne sais absolument pas écrire de chansons... C'est un exercice bien différent de ce que j'ai l'habitude de faire.



Dans le fond des verres
Il y a des étoiles qui dansent
Alors je siphonne l'éther
Et rentre dans ma transe

Ces jeunes là autour
Qui boivent après la mort du jour
Me rappellent ma jeunesse
Le voeu que chaque jour soit liesse

Mais le bonheur est une prison
Ce qui est descendu doit être remonté
Et tout l'ennui que nous brisons
Reste au matin bien amarré

J'ai jamais su être d'ici
Mais je renais dans un verre de whisky
Son goût me berce et sa voix familière
Fait voyager mon spleen à des années lumières

J'ai retrouvé mon origine
Dans le fond de l'abîme
À la lisière de tous les mondes
Où la souffrance enfin débonde

Mais si tu regardes l'abîme
L'abîme te sonde aussi
Il a saisi mon âme infime
Et doucement l'essuie

Je n'ai plus trop de souvenirs
Des nuits dansées sur cette crête
Ma mémoire muette
S'échoue atone sur l'avenir

Je ne veux plus voir venir
Les lendemains d'ennui
Je vide l'élixir
Et souffle mes bougies