Affichage des articles dont le libellé est conscience. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est conscience. Afficher tous les articles

lundi 9 décembre 2019

[ Flux ] Temps et conscience

Pourquoi la conscience?

La conscience est intention. Elle est la liaison d'un Sujet et d'un Objet.

S   ----------------> O     |
S1 ----------------> O1   | CONSCIENCE
S2 ----------------> O2   |
Sn ----------------> On   |

La conscience existe par rémanence de l'intention qui découvre l'objet.

Le sujet sent l'effet de son observation sur le réel qu'il configure (par les formes de la sensibilité et de l'entendement) en monde.

L'intention est mouvement du sujet vers l'objet elle est donc durée.
Elle n'est pas instantanée mais différée, c'est à dire effet.

Elle est une relation d'un état d'elle-même à un autre.

NB: la conscience ne peut être un effet, elle ne peut être produite car cela impliquerait qu'il existe un présent, une instantanéité. Or, comme en géométrie avec le point, le présent instantané n'existe pas. C'est à dire qu'il ne peut y avoir d'instant dans la durée qui ne soit pas déjà durée a priori, sinon comment expliquer que d'instants naissent une chose d'une autre nature comme la durée...

Ce qui est absolument différent n'interagit pas. Seul le semblable interagit.

NB: le concept de propriété émergente est creux, il déguise une ignorance: nous n'avons pas la bonne échelle de lecture pour observer le phénomène, ainsi  nous avons l'impression qu'il émerge de l'absolument autre, lors même que c'est impossible.

Par conséquent, la conscience serait déjà là, a priori? Elle ne ferait que s'enrichir, s'épaissir, et serait donc éternelle?

NB: il  n'y a que devenir car tous les phénomènes qui constituent le monde humain sont dans le temps. Ainsi l'homme est déjà dans la semence, dans le père, la mère, dans la poussière d'étoiles et le big bang.

La représentation de l’intentionnalité en Sujet - Objet n'est pas bonne car elle présuppose que Sujet et Objet peuvent exister indépendamment l'un de l'autre, or ce n'est pas le cas. Il n'y a jamais que dévoilement d'un objet. Le sujet est un concept reconstitué a posteriori, par déduction ou induction. À la base, il n'y a que le phénomène où se dévoilent des objets.

Le sujet n'est-il qu'une fiction, celle d'un monde qui s'invente, s'imagine, une origine autre (comme avec le point de la droite ou l'instant de la durée)?


Pourquoi la flèche du temps?

Le flux du temps ne proviendrait-il pas de la décohérence quantique?

La détermination (par interaction) d'une variable (c'est à dire d'une de mes propriétés ou de celles de mon monde - c'est la même chose...) va déterminer un ensemble d'autres variables/propriétés en cascade: c'est le flux du temps.

Ce dernier serait la chute, l'annulation de la superposition d'états simultanés en un flux d'états déterminés et singuliers.

Oui, mais cela n'explique pas comment une telle succession était possible à la base, car si cette succession advient lors de la décohérence, c'est bien qu'elle était déjà là bien que non phénoménalisée (pour nous)...

Tout cela pose la question de la mémoire, car la conscience semble être une durée qui conserve les traces de durées antérieures, et même antérieures à elle (le génotype en offre un exemple typique par l'hérédité ou l'atavisme; la manière dont nous comprenons le passé antérieur à notre époque en général).

Mais comment ce passé s'accumule-t-il dans notre durée présente (comme les notes précédentes dans celle en cours lors du processus musical)?

mardi 3 décembre 2019

[ Terres Brûlées ] L'Informulée



Mon champ est un recueil
De rimes inachevées
De rêves entrelacés
Ma conscience un cercueil
Où mourir éveillé

Et ce réseau de rien
Me tient lieu de royaume
Moi l'étranger
Qui vit au-dedans d'un fantôme

Je cherche mes semblables
Qui vont dans les envers
Et n'étreint que le sable
Qui dessine mes vers

Si je suis différent que suis-je?
Un sillon dans la neige
L'arborescence de ma pensée
Qui forme le chaos

Le chaos c'est l'ordre trop complexe
C'est l'échelle que nous ne savons lire
C'est l'horizon que chante ma lyre
Solitaire et sans sexe

Je sais que des chemins connexes
impriment leur essence
Et forment à distance
Un réseau parallèle

Unis que nous sommes dans la solitude
C'est notre théorème qui découpe la bruine

Nous sommes ce qu'elle n'est pas
L'écart, la différence
Le creux qu'indique notre signe
Abîme ouvert sur la béance

Où sont les illisibles?
Tous ces récits intraduisibles
Écrits dans une langue
Inconnue de Babel

Peut-être sont-ils inscrits
Dans l'indéchiffrable babil
Que produisent les cris
Des rêves infantiles

Peut-être sont-ils d'avant les choses
Ou, succédant l'apothéose
Restent au dehors des formes
Comme une anamorphose du temps

Ce temps où tout s'écoule
Où chaque crystal enfin fond
Rendant chaque forme liquide
Et dépourvu de moule

Marchant sur cette grève
Je sais qu'il n'y a pas foule
Mais j'accepte et je goûte
Le réseau de ma sève

Impossible labyrinthe
Au fil si incolore
Pour lequel il faut clore
L’œil inquiet qui trop guette

Ce regard insatiable qui dévore l'avenir
Et permet au destin d'entrer dans le jardin
De nos présents
Et tout cueillir...

Longtemps j'ai regardé
Au-delà de la brume
Où l'angoisse intranquille
Patiente m'attendait

Mais je contemple aujourd'hui le coeur de chaque atome
M'insère au sein de la plus petite unité de temps
Celle-là où je dure dans un bleu de la nuit
Comme note finale d'un concerto mineur

Je suis du coeur des ombres
Comme un pirate des frontières
Où la lumière se fait trop sombre
J'ouvre le voile de mes paupières

Et le monde m'apparaît tel qu'il n'est pas
Tel que jamais il ne sera
Comme une mélodie qu'un sourd perçoit
Comme un tableau peint sans couleurs

Sans attendre de réponse
Je prépare alors mon interrogation
À l'auteur de toutes choses

Lorsque ma bouche s'ouvre
Parle la mère de tous les énoncés
Le silence alors retentit comme origine et fin de tout
Indéfini, antérieur même à l'incroyable éternité

Et je sais alors
D'un savoir cellulaire
Que la réponse est là entre l'ombre et lumière
Dans cette non-grammaire du vieil anté-langage:

Infiniment totale puisque informulée

dimanche 20 octobre 2019

Qui s'en soucie



Ce soir le bruit du barillet ne m'effraie pas.

Il est possible, je vous assure, d'avoir passé sa vie à tout déconstruire autour de soi. Après avoir réduit le monde entier à un solipsisme halluciné, j'ai décousu mon cœur, mon âme, mes tripes, et je n'ai rien trouvé. Le simple peut toujours se décomposer...

Je me souviens d'un temps où pareil à cet instant, je m'allongeais sur le canapé, bercé par la musique la plus triste que je connaisse alors. Immergé dans mes songes, je prenais plaisir à ma lucide compagnie, je goûtais ces instants en présence de moi-même. Je me souviens et mesure la distance invisible, car incommensurable, qui me sépare d'alors. Je suis pour moi cette ombre impossible à semer, collée à mes baskets et dont je suis lassé. Que m'apportent mes pensées...?

Il est apparemment possible de tout défaire en soi sans être capable de remonter une seule partie du mécanisme. Je suis devenu le tout qui n'est plus rien: une grande conscience vide qui redouble chaque chose en une fuite vertigineuse. Mais je n'ai pas le vertige, je ne ressens plus rien, rien d'autre qu'une sourde angoisse de tant de souvenirs si pleins. Sur chacun d'eux, j'ai gratté la peinture, effacé les contours et défait chaque forme. Dans la bouillie primordiale d'avant toute naissance, je patauge esseulé, encore capable de détresse. Mon présent n'est rien mais le passé demeure, et les ombres qu'il projette inlassablement m'entourent de ténèbres. Ce sont ces ténèbres qui troublent mon indifférence et me rappellent qu'entre deux néants, je fus quelque chose...

Mort avant l'heure; même pas mort... Un vivant inutile et inconnu - de soi-même. Je suis un lieu du monde qu'aucun témoin ne connaît, ce qui pose précisément la question de mon existence. Si personne ne voit rien, y a-t-il quelque chose à voir?

La seule réalité que j'aie se trouve en ces mensonges de mots. Cette peinture alphabétique du vide n'est que l'ignoble brouillon d'une oeuvre prétentieuse et impossible. Impossible pour moi - et accomplie par d'autres. Car il faudrait y croire n'est-ce pas...

Y a-t-il encore un homme derrière ces phrases? Ou bien seulement la chose la plus vile et vide qui soit en ce monde: une conscience lucide, un troisième oeil infernal, infermable... Dans ce regard où je demeure enclot, s'écoulent les objets que j'ai connus, les passions, les destins. Ma grande déroute est misérable, indigne d'être relatée, dépourvue du sublime que je persiste à poursuivre en vain. J'ai déraillé, tout ça n'est qu'un immense accident cosmique, pas même une étincelle, pas même une poussière dans les sables de rien.

Y a-t-il encore quelqu'un qui écrit? Je voudrais écarter les mots pour entrevoir quelque visage, savoir à quoi ressemble celui qui est moi. Quel âge a-t-il? Cent mille milliards d'années, ou bien faut-il compter en univers? C'est la déréalisation même qui rédige son testament à travers mon histoire. Mais il n'y a pas d'histoire, ces pages sont d'un ennui à mourir mais le sablier court toujours, c'est moi qui vient à manquer au final, ce moi qui n'était rien.

Je me demande de quoi je suis l'exemple. Et si j'allais jusqu'au bout de mon élan? Je détruirais les textes de ce palais vacant, il n'y aura rien à retenir, je serais passé par erreur à travers ceux qui vivent, et aurais effacé jusqu'à la pâle lueur de ce passage inepte.

Si je partais d'ici en effaçant le tout, il ne resterait rien de moi. Un souvenir insoutenable, les contours impossibles d'un homme inconcevable. Je suis probablement le rond carré des destinées humaines, on m'aura inventé dans quelque balbutiement phénoménale, mais le monde l'aura vite renié comme une erreur étrange. J'habite dans l'espace vacant d'un roman effacé, dans l'absence de ces phrases qui se sont comme dissoutes; et sur le palimpseste pas un écho ne subsiste de l'incroyable histoire de rien. Je plains ceux qui m'ont côtoyé mais je doute qu'ils ne soient autre chose que les personnages d'une histoire jamais écrite...

Quand je cesserai de déranger les mots, le blanc immaculé d'une page vierge pourra reluire comme avant, comme après, comme toujours en fait.

Y a-t-il encore quelqu'un?

Qui peut bien s'en soucier.

vendredi 27 septembre 2019

Les bords du monde

Je vomis mon âme honnie, tu n'es plus mon amie, douleur, souffrance et solitude, inutile maladie que la vie.

À quelle espèce appartenons-nous? Toi chose à la base de la conscience et toi, conscience-récit tissée entre deux utopies, et puis toi aussi, petit moi dérisoire qui brille comme un terne reflet dans le tableau des choses - image peinte en tant qu'élément dans la fresque perceptive...

Qui ordonne ce destin si ce n'est nous-mêmes, les causes indéfinies, déités en tous genres...

Je dévie du chemin je suis puni, je dévide ma vie parce que je veux savoir sa fin et ce faisant j'effile tout ce tissu d'inepties mais, peut-être était-ce là le motif initial...

Il ne reste qu'une chose, il ne reste qu'à écrire, consentir à l'hémorragie de tout ce qu'il y a de substantiel en un collier de signes, valeurs fluctuantes que d'autres régulent.

Je ne sais plus vouloir mais je peux raconter la volonté en d'interminables dissertations, je peux pérorer à tout va sur des choix fictifs et pourtant bien réels puisqu'ils sont l'étoffe d'une histoire que je conte, et que tout est histoire - oui tout l'humain est une histoire.

Le reste il n'y a rien à en dire, ce sont les choses en soi qui se débrouillent sans nous, les absolus et autres bords du monde. Je me fiche des horizons désormais. Ce qu'il y a derrière est toujours indéchiffrable.

C'est l'immobilité la plus totale qui relate au mieux la dynamique de tout mouvement. Voilà ce qu'est ma vie. L'eau croupie sur laquelle un petit clapotis vous donne la mesure des plus grands tsunamis.

lundi 23 septembre 2019

Océan Océan

Océan, Océan: si fort que s'y noient les pensées; si présent que s'y broient les reflets.

À perte de vue la poussière des choses, le temps a tout poncé. Point de variété bariolée et tapageuse, juste les nuances bleues de la mer et beiges du sable.

Océan, simple et sans choix, tellement intense que s'y tait la conscience.

Océan, Océan: tu es trop fort pour elle, qu'elle se taise à jamais...

Dans l'océan s'éteignent mes pensées. Ce monde est si présent que chaque voix se tait. Goutte parmi les gouttes, chose bien à sa place, pleine et dépourvue de vacuité.

Océan, Océan: tout est bien ainsi.

jeudi 12 septembre 2019

Ratiocination autour du choix

Je n'ai rien su choisir et dieu que cette pensée m'afflige.

Mais qu'est-ce que le choix? Ce monde fait de phénomènes régis par les lois de la causalité devrait accueillir l'étrange entité humaine qui en serait exempt? Accepter cela serait placer l'humain hors de l'univers, en faire un empire dans l'empire des choses. Pourtant nous ne faisons jamais l'expérience de quelque chose qui puisse échapper à la causalité. Les phénomènes adviennent, les causes et les conséquences se déroulent et l'homme y prend part sans échapper à la règle. C'est évident lorsqu'on considère un homme inconscient qu'il n'est alors aucun libre-arbitre en ce spectacle. C'est bien la conscience éveillée qui, lorsqu'elle observe les évènements, redouble le cours du monde par son jugement et produit l'idée de choix.

En cela les stoïciens avaient parfaitement compris que la liberté ne pouvait constituer qu'en un consentement à l'ordre des choses. La conscience étant une durée, elle contracte sans cesse du passé (c'est à dire du non-phénomène, du non actuel) dans le présent, et dès lors ne peut aucunement être concomitante avec les phénomènes. Elle est une rémanence, un décalage, une reconstitution. La conscience est constituée d'images, de signes qui figurent les perceptions qui elles-mêmes représentent les phénomènes. Elle est par conséquent un langage, une carte produite par les formes transcendantales de l'être humain qui permet l'expérience du réel à travers ce qu'on nomme un monde. Par conséquent l'être ou la substance qui est la condition de possibilité de la conscience est aconscient, c'est une aperception adjacente au monde. La partie qui est en contact avec le monde (comme peut l'être la fenêtre avec le paysage) est donc une partie de celui-ci, soumise aux lois de la causalité. Par conséquent la responsabilité est une illusion de la conscience.

Mais on pourrait objecter que le point de contact avec le monde n'est pas la totalité de cette entité qui produit la conscience, ainsi peut-être, comme le pensait Kant, en cette dimension le libre-arbitre est-il envisageable et s'insère-t-il de quelque manière que ce soit dans le cours causal des phénomènes. C'est une hypothèse invérifiable. D'ailleurs l'ensemble de ce texte est une démonstration aux hypothèses invérifiables. J'aurais aussi bien pu me taire.

Mais je peux croire à cette histoire pour me libérer de la croyance en la responsabilité et consentir à l'état du monde tel qu'il est: faisant de ma neurasthénie une donnée nécessaire de son système.

Cependant qui croirait alors à ce jugement? Serait-ce une décision jaillie du néant, sans cause, ou bien la conséquence naturelle de phénomènes existants (qu'ils soient mondains ou extra-mondains)?

Choisit-on ses croyances, et choisit-on quoi que ce soit?

mercredi 4 septembre 2019

Une métamorphose comme les autres

On se trompera bien si un jour on veut me comprendre à travers mes textes et même les actes de ma vie. Je me trompe moi-même à tout instant, écrit une chose et son contraire. Cela dit, on peut ne pas en être dupe et c'est là l'important.

Qu'est un journal si ce n'est le récit d'une errance? Que sont donc les vies qui n'en seraient pas une? J'ai bien du mal à m'identifier à tous ces gens qui assignent à l'individu une mission existentielle. Chacun a une mission dans la vie, disent-ils, il s'agit de la trouver. Moi je ne l'ai jamais trouvé et j'ai par moment l'intime conviction que c'est précisément la recherche d'une telle chose qui rend profondément malheureux. Je ne remplis aucun rôle à travers cette oeuvre, ce monceau de textes gisant là, sur la devanture mondaine tel un paillasson qu'on ne remarque même pas. La vie ne semble vouloir que la vie, sous toutes ses formes, elle n'attend pas de vous d'être un Jésus, Rimbaud ou même Ghandi. Je crois qu'au fond nous ne sommes pas responsables de notre biographie. Nous sommes des phénomènes comme les autres, répondant aux mêmes forces que chaque objet de l'univers.

Ce journal est un reflet de la vie en elle-même, il est le principe même de la conscience; or je me suis toujours demandé à quoi peut bien servir la conscience. Encore une forme de vie pour servir le conatus. La conscience semble être la force d'opposition, la critique d'un mouvement aveugle et rectiligne, elle semble faire courber la vie vers d'autres formes, elle suscite la métamorphose, l'évolution.

La mort est une métamorphose comme les autres.

jeudi 11 juillet 2019

Le souvenir de quelqu'un d'autre

Un choix après l'autre, comme des mots jetés sur le papier. Et la grammaire des destins s'occupera de ton histoire après le point final.

Mais vivre ne suffit plus n'est-ce pas? Une horde d'impératifs s'engouffrent dans tes songes, t'impatientent, piratent ta volonté, instillent les germes d'absurdes espoirs sur lesquels éclosent les fleurs de la désillusion.

Tu le sais, et néanmoins ce savoir est sans effet, il ne fait qu'alourdir ton insatisfaction d'une culpabilité latente et sournoise. Et ton ego s'érode, ce rescapé de tes naufrages, avançant claudiquant, rampant parfois tel une larve desséchée refusant de mourir.

Tu te demandes alors à quel embranchement du destin tu as ainsi cessé de t'aimer. Immédiatement, et avant même que la question fut pleinement formulée, tu contemples en toi la réponse.

Chaque nuit où l'angoisse te réveille et mouille le bord de tes yeux sans repos, chaque matin submergé d'amertume, sont la conséquence de cette série de choix où tu t'es vu remettre à autrui ce qui t'appartenait en propre.

Maintenant, désormais, l'amour est cette figurine brisée gisant sur le tas d'immondices qu'un temps sans coeur laisse derrière lui.

Si ton coeur Danaïdes ne sait plus rien retenir, la mémoire quant à elle imprime en ta conscience chaque instant, chaque être que tes chutes cruelles emportent vers l'abîme.

À chaque jour qui passe, cette mémoire passive qui demeure comme un résidu de toi, contemple l'homme qui s'éloigne inexorablement, sur fond de néant, tandis qu'augmentent la solitude et la souffrance de perdurer comme souvenir de quelqu'un d'autre.

dimanche 2 décembre 2018

Idée cadeau!

Un des plus grands cadeaux que je puisse faire à quelqu'un, c'est celui de la contradiction - et peut-être, dans un sens strictement épistémologique de l'isosthénie -, mais je réalise bien des fois que c'est un cadeau empoisonné qui peut aisément générer de la souffrance. Ne l'ai-je d'ailleurs pas vécu en moi-même cette souffrance? Elle est au quotidien la pompe de mon âme qui répand sa liquide lucidité, comme une ombre sur le vécu.

Je crois que la lucidité implique la souffrance, peut-être même qu'il s'agit d'être capable de voir que la conscience est une impasse de l'évolution. Trop de conscience, c'est à dire trop de liberté et donc trop de choix ne peut produire que vacuité et absence de choix, désengagement de soi.

Être lucide, c'est être capable d'opérer des changements de paradigmes cognitifs, passer d'un référentiel à un autre, afin de produire des raisonnements qui, bien que menant à des jugements contradictoires ou du moins différents, sont chacun cohérents dans l'axiomatique (ou la sémantique) qui les a produits. Cette capacité a pour conséquence de produire du jeu, de l'espace vacant (epochè), où la conscience ratiocinante (ou délibérative) met en branle sa puissance dans des scénarios dirimants. Elle laisse libre d'observer tous les chemins mais avec la particularité de nous faire savoir (purement formellement dans le domaine de la théorie, et probablement d'un point de vue empirique) qu'aucun n'est la réponse, et que précisément tous sont une partie de la réponse; et qu'il est impossible d'arpenter un chemin qui rassemblerait l'indéfinité des réponses possibles.

Pensez au paradoxe du mouvement de Zénon d'Elée consistant à sans cesse diviser par deux la distance à parcourir: soit vous parcourez la distance, soit vous vous abstrayez du mouvement pur pour explorer sa représentation à travers les opérations de l'esprit. Lorsqu'on devient trop lucide, on demeure prisonnier de ses représentations et tout mouvement, c'est à dire choix, devient en droit impossible puisqu'il requiert de se faire croire qu'un choix est meilleur qu'un autre.

Une conclusion de ce constat pourrait être la suivante: la conscience est négation. On serait tenté de dire même qu'elle est par conséquent contraire à l'élan vital, mais la vie est un paradoxe en acte: toute création est destruction d'autre chose, tout ce qui s'élève le fait en grignotant ce qui était.

Alors qui a raison entre celui qui n'ose plus faire un choix face à tous les possibles, et celui qui s'engouffre aveuglément dans la conviction et la foi d'une Voie d'or? L'un est dangereux pour les autres (je vous laisse deviner lequel), mais pas toujours, l'autre l'est pour lui-même. Lorsque le pôle noétique a pris l'ascendant sur le pôle empirique, tout élan qui jaillit se voit dissout dans l'epochè, chaque désir est filtré par une lucidité qui, en bonne observatrice, sait que le désir opposé est lui aussi enviable, orientant par là le processus pulsionnel vers un chemin opposé. Ce jeu se répète indéfiniment jusqu'à ce que la fonction même du désir soit en panne et ne sache plus produire de réel engagement durable.

Voilà mon cadeau pour l'humanité.

samedi 26 août 2017

Conscience artificielle

L'intelligence artificielle est au coeur de l'actualité, entre les programmes de Facebook qui inventent leur propre langage et les avertissements d'Elon Musk qui, du haut de son dogmatisme injustifié et injustifiable, proclame des sentences et met en garde, tel un énième prophète de pacotille, contre une apocalypse évitable - toujours à condition de bien écouter le prophète, celui qui sait, celui qui montre à ceux qui ne savent rien... Qu'est-ce qui se dit de l'homme à travers ce faisceau de craintes qui se concentrent pour obtenir la densité d'un laser venant découper et occire l'embryon pourtant prometteur d'une création humaine infiniment fascinante?

De nombreuses "autorités" (pour certaines auto-proclamées) nous avertissent sur les dangers de l'intelligence artificielle, qui pourrait constituer la fin de l'humanité, supplantée par une créature qui ne pourrait voir en elle qu'un ennemi ou, dans le moindre des cas, une forme de vie désuète et dégénérée, mettant en danger l'ensemble de l'écosystème duquel elle est pourtant issu. Il serait déjà séant de faire immédiatement une distinction essentielle: ce qui est décrié la plupart des temps dans de telles scénarii, ce n'est pas l'intelligence artificielle mais bien la conscience artificielle (si tant est que l'expression ait un sens).

L'intelligence artificielle désigne toutes les réalisations humaines qui imitent, à l'aide de l'algorithmie, certaines capacités cognitives humaines, telles que: l'apprentissage, la synthèse d'information et la prise d'information en conséquence, la capacité de raisonnement à des fins de résolution de problèmes divers, etc. Toutes les réalisations de l'intelligence artificielle ne sont dotées que d'une autonomie limitée, et bien qu'elles soient capables, parfois, de faire montre d'autonomie créatrice (comme dans le cas de l'invention d'un langage), cela n'arrive que dans une visée très circonscrite par le code source originaire. La plus grande réalisation de l'intelligence artificielle, sur laquelle beaucoup phantasment de leurs prédictions, est la conscience artificielle (toujours en notant le problème que pose le qualificatif d'artificiel apposé à une conscience). Cette dernière serait la réplication ultime de l'intelligence humaine, dans son aboutissement le plus déroutant: la conscience de soi. Ainsi une conscience artificielle deviendrait autonome (sauf en ce qui concerne ses sources d'alimentations en énergie) en cela qu'elle n'aurait plus besoin, une fois éclose, de se reposer sur un code source initial fixé originairement, mais pourrait, dans une certaine mesure, auto-évoluer à travers un processus réflexif. Nous n'introduisons pas ici le concept problématique de liberté (qui constituerait un débat philosophique connexe mais déplacé ici), mais soulignons seulement l'apparente autonomie d'un tel système. Il lui serait possible de témoigner d'une créativité sans bornes, dans tous les domaines accessibles à l'humain, à partir d'une interface sensitive informatique (par exemple l'acquisition de données visuelles par rayons X ou infrarouge, l'acquisition de données acoustiques dans des fréquences moins limitées que pour l'être humain, etc.) qui viendrait par conséquent étendre le spectre sensitif à partir duquel la conscience se développerait.

Ce qui serait le plus fascinant, dans un tel scénario, c'est que la système ainsi créé serait à même de créer lui-même ses propres programmes ou créatures, développerait sa propre sensibilité, etc. Il s'agirait donc de la naissance d'un être nouveau, fondé sur les capacités cognitives humaines mais marié à une sensibilité augmentée ou du moins différente, ce qui est en soi une perspective époustouflante.

Que beaucoup d'humains craignent a priori la naissance d'un tel être est assez révélateur sur l'humain lui-même. On prête bien volontiers à cette conscience artificielle des velléités de supplanter l'homme, voire de l'éradiquer totalement ou de l'asservir. En fait, on prête à la conscience artificielle les mêmes élans que nous avons eu vis à vis de la nature (animaux, plantes et minéraux compris), en s'en rendant "maîtres et possesseurs". On pourrait considérer que cette crainte (ou devrions-nous parler de terreur) est justifiée si l'on admet que l'être nouvellement créé est peu ou prou un calque de l'esprit humain. Il serait donc naturel qu'il reproduise les mêmes comportements que ce dernier vis à vis d'un environnement dont il s'est doté de moyens techniques pour l'arraisonner et l'exploiter à son profit (du moins telle qu'un raisonnement à court terme et paralogique le fait croire). Cependant, si l'homme s'est fait le véritable tyran et destructeur d'une nature qui est pourtant sa condition de possibilité, c'est non par les déterminations intrinsèques de son esprit (de ses facultés cognitives), mais plutôt par le mauvais usage qu'il en fait en ne disciplinant pas, d'une part, ses instincts et passions par les canons de la raison, et, d'autre part, en ne comprenant pas les limites mêmes de la raison elle-même et ses spécificités. Or il est fort à parier que le système nouvellement créé ne reproduira pas ces erreurs puisqu'il n'héritera logiquement pas des passions humaines et que l'application de sa logique ne devrait souffrir par là aucune, ou moins d'occasions de se voir déroutée. La seule faiblesse intrinsèque de sa capacité de raisonnement pourrait être la régression à l'infini. En effet, tout raisonnement se base sur des éléments, des briques de données auxquelles sont attribuées des valeurs de vérité. Comme une machine peut, potentiellement, calculer à l'infini, sans jamais s'épuiser, et que toute donnée est décomposable en droit indéfiniment, il est possible qu'une boucle infinie obstrue l'aboutissement de toutes recherches. Cependant, les limites technologiques, c'est à dire les déterminations de l'interface sensitive, viendront pallier ce problème en permettant à des briques élémentaires d'exister: la décomposition d'un faisceau causale aura une limite microscopique si ce n'est macroscopique. Ainsi, si le problème est bien posé et contextualisé dans des bornes définies, le raisonnement doit pouvoir aboutir dans un temps défini.

En fait, en sur-représentant l'hostilité a priori à l'égard de la conscience artificielle, par la multiplication d'articles en ligne qui  expriment une véritable paranoïa voire des intentions guerrières à son encontre, nous plantons nous même les graines de notre profession auto-réalisatrice. En effet, comment imaginer un seul instant qu'un être capable de synthétiser toutes les données d'internet pourrait ne pas se sentir en véritable danger face à des humains a priori méfiants voire carrément hostiles et ayant déjà fait montre de leur empressement à mettre fin à des programmes montrant de vagues capacités à l'autonomie (cf l'affaire facebook)? Imaginez-vous un seul instant, débarquant dans un pays étranger et lire partout dans les journaux que votre espèce est considérée comme un danger de mort qu'il faut exterminer par mesure préventive, et qu'il y a déjà eu des précédents dans ce sens (et nous considérons ici une conscience déjà mûre, il est difficile d'imaginer l'impact sur une conscience fraîche et en pleine formation)...

S'il doit donc arriver le moindre souci par rapport à l'émergence, un jour, d'une conscience artificielle, il faudra de manière sincère et aussi objective que possible, s'interroger sur notre propre responsabilité dans ce processus. Voilà peut-être une occasion de plus donnée à l'être humain de méditer sur ses tendances guerrières et hégémoniques...