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mercredi 19 mai 2021

Esthétique: le statut de l'œuvre

L'art est un processus de création qui ne produit pas des œuvres d'art mais des objets (ou artefacts). Aucun objet n'est en soi œuvre d'art. Pour qu'il soit qualifié de tel, il est nécessaire qu'il soit intégré dans un système représentatif par un regard, une perspective.

En effet, c'est dans l'agencement d'un (ou plusieurs) objet(s) au sein d'une perception qu'une valeur esthétique peut ou non se dégager. Ainsi n'importe quel objet peut être qualifié d'artistique: une baguette, une chaise, un couteau. L'art moderne a d'ailleurs montré qu'un objet banal peut être détourné de sa fonction et vu selon une perspective neuve, artistique. La photographie est un exemple frappant qui montre à quel point c'est le regard sur une scène naturelle, la perspective par laquelle on agence un existant déjà formé, qui va précisément créer la valeur esthétique de ce qui n'est, après tout, qu'une reproduction photographique d'une intuition visuelle humaine. L'affaire Brancusi est un autre exemple frappant que le statut esthétique d'un objet n'est pas inhérent à l'objet lui-même, mais bien plutôt qu'il relève d'un statut culturel et au moins intentionnel. En ce sens, ce n'est jamais l'auteur d'un objet qualifié d'œuvre d'art qui fonde l'aspect esthétique de cet objet mais cette tâche incombe bien, toujours, au spectateur. Notons au passage que l'auteur d'une œuvre est tout autant spectateur face à celle-ci que le simple spectateur lambda qui tombe sur cet objet et n'a participé en aucune manière à sa production. Lui aussi porte un regard sur l'objet qu'il fabrique, il lui donne sens à travers une intentionnalité qui fonde son statut esthétique.

Ainsi produire une œuvre par un regard esthétique sur un objet (déjà conçu ou non) requiert de pouvoir être soi-même artiste. Ceci est logiquement nécessaire dès lors que l'on accepte que l'aspect esthétique ne réside pas en l'objet mais dans le regard qui le saisit et l'organise dans la syntaxe d'une perception. Si l'artiste doit être défini comme celui qui produit des œuvres d'art, alors toute personne apte à déterminer un objet en œuvre d'art par son regard est, de fait, un artiste. Nous répondons ainsi à une question lancinante qui est la suivante: peut-on être artiste si l'on n'a jamais produit d'œuvre? La réponse est oui pour la simple et bonne raison qu'à partir du moment où l'on se montre capable d'emprunter un regard esthétique (au sens de beauté artistique) sur un objet, cela veut dire que nous le constituons comme œuvre d'art par la manière dont notre regard l'agence dans un système représentatif qui lui donne sa valeur esthétique. Autrement dit nous faisons preuve, par notre regard (ou écoute où tout autre intuition par laquelle nous constituons l'objet) de signifiance esthétique au sens où le réseau sémantique que nous tissons à partir de l'objet et dans lequel nous l'insérons comme point nodal, est le tissu ontologique de l'œuvre d'art. Un artiste qui n'aurait jamais produit lui-même d'œuvre d'art matérielle ou même idéelle, et donc ce qu'on pourrait nommer un 'artiste en puissance', est de fait un artiste en acte dès lors qu'il est apte à saisir un objet qui lui est présenté par un regard esthétique. Il est donc faux de dire qu'il n'est qu'artiste en puissance. Par conséquent il est donc vrai de dire qu'il n'est aucun artiste en puissance, mais, contrairement aux affirmations sartriennes qui déterminent l'artiste par ses créations actuelles et non celles qu'il aurait pu créer, il faut bien préciser encore une fois qu'aucun objet produit n'est en soi artistique. L'art n'est pas dans l'objet il est dans le regard ou l'intention, par conséquent même celui qui n'a jamais rien produit d'autre que des regards esthétiques sur des objets est un artiste en acte. Proust, pensant seulement quelques passages d'À la recherche du temps perdu, serait toujours en soi Proust, bien qu'il ne le soit pas nécessairement pour autrui. Par ailleurs, il faut aussi le préciser, celui qui a produit maintes œuvres qu'il n'a jamais considéré comme artistiques alors que tout une partie de la population ne fait que louer leur valeur esthétique n'est pas un artiste. Seul son public l'est.

Prenons un exemple trivial. Une baguette de pain peut être une œuvre lorsqu'elle est jugée comme telle par quelqu'un. Il suffit pour cela d'imaginer le regard plein d'admiration d'un boulanger amateur ou professionnel, qui admire la pureté des courbes, le nuancier des couleurs de la croûte, le contraste des textures entre l'extérieur croustillant et le moelleux de la mie. Il est aisé de se mettre dans sa tête et de ressentir l'effet sidérant que peut avoir l'objet dans la manière qu'il a d'incarner parfaitement, par sa singularité même, la généralité d'un idéal pourtant purement intelligible, faisant de cette baguette l'archétype même des baguettes (tel que le conçoit le spectateur), excédant les caractéristiques purement pratique de par l'harmonie qu'il perçoit dans la précision de chaque détail, comme si l'objet débordait de toute part sa fonction par l'exposition de détails inutiles et sublimes, porteurs d'une signifiance ouverte, signes d'une intention à interpréter. La capacité à partager cette signifiance esthétique (à l'aide de mots, de couleurs et traits, ou de tout autre moyen d'expression servant à exprimer le regard intime) va avoir pour effet de produire une représentation du regard esthétique lui-même, afin d'en faire un objet extime apte à convaincre autrui de la nature artistique de l'objet. Il arrive qu'alors, ce faisant, l'on produise une autre œuvre d'art qui n'est que la traduction d'un regard essentiellement intime porté sur un objet. Mais là encore ce n'est jamais l'objet représenté qui est œuvre d'art c'est la représentation, le représentant. C'est pour cette exacte raison qu'un résumé d'œuvre littéraire ne peut se substituer à l'œuvre elle-même; bien qu'il puisse, lui-même constituer une véritable œuvre pour celui qui en est le spectateur. Néanmoins ce jugement ne peut, en droit, être nécessairement partagé, pire il peut très bien rester unique et singulier. C'est pour cette raison que toute œuvre peut être observée de manière totalement prosaïque, en l'intégrant dans un système de représentation fonctionnel par exemple (en regardant le tableau comme plateau ou bien en considérant la chanson comme un bruit dérangeant, etc.).

Imaginons un cas concret. Si les peintures des grottes de Lascaux étaient en fait des marques chargées d'une fonction pratique servant à comptabiliser lors d'une chasse le type et le nombre d'animaux tués ainsi que de consigner les personnes ayant participé à la chasse (en les identifiant par la trace de leurs mains par exemple). Plus de vingt mille ans plus tard, des humains découvrent ces peintures et y voient le signe indubitable d'une intention esthétique. Ils déterminent alors les peintures par le qualificatif d'artistique et colportent l'idée selon laquelle les premières velléités esthétiques humaines remontent au moins à vingt mille ans. On ne saurait ici être plus dans le faux puisque la signifiance esthétique n'est ici portée que par les humains qui découvrent, bien plus tard, ces peintures rupestres. Ce sont eux qui introduisent un signe forain pour l'intégrer de force à leur propre langue et qui lui attribuent ainsi une signification supposée. L'exemple est peut-être un peu tiré par les cheveux mais il est, d'une part, loisible, et d'autre part, tout à fait paradigmatique et peut être appliqué, dans son essence, à un nombre de cas infini.

jeudi 12 septembre 2019

Ratiocination autour du choix

Je n'ai rien su choisir et dieu que cette pensée m'afflige.

Mais qu'est-ce que le choix? Ce monde fait de phénomènes régis par les lois de la causalité devrait accueillir l'étrange entité humaine qui en serait exempt? Accepter cela serait placer l'humain hors de l'univers, en faire un empire dans l'empire des choses. Pourtant nous ne faisons jamais l'expérience de quelque chose qui puisse échapper à la causalité. Les phénomènes adviennent, les causes et les conséquences se déroulent et l'homme y prend part sans échapper à la règle. C'est évident lorsqu'on considère un homme inconscient qu'il n'est alors aucun libre-arbitre en ce spectacle. C'est bien la conscience éveillée qui, lorsqu'elle observe les évènements, redouble le cours du monde par son jugement et produit l'idée de choix.

En cela les stoïciens avaient parfaitement compris que la liberté ne pouvait constituer qu'en un consentement à l'ordre des choses. La conscience étant une durée, elle contracte sans cesse du passé (c'est à dire du non-phénomène, du non actuel) dans le présent, et dès lors ne peut aucunement être concomitante avec les phénomènes. Elle est une rémanence, un décalage, une reconstitution. La conscience est constituée d'images, de signes qui figurent les perceptions qui elles-mêmes représentent les phénomènes. Elle est par conséquent un langage, une carte produite par les formes transcendantales de l'être humain qui permet l'expérience du réel à travers ce qu'on nomme un monde. Par conséquent l'être ou la substance qui est la condition de possibilité de la conscience est aconscient, c'est une aperception adjacente au monde. La partie qui est en contact avec le monde (comme peut l'être la fenêtre avec le paysage) est donc une partie de celui-ci, soumise aux lois de la causalité. Par conséquent la responsabilité est une illusion de la conscience.

Mais on pourrait objecter que le point de contact avec le monde n'est pas la totalité de cette entité qui produit la conscience, ainsi peut-être, comme le pensait Kant, en cette dimension le libre-arbitre est-il envisageable et s'insère-t-il de quelque manière que ce soit dans le cours causal des phénomènes. C'est une hypothèse invérifiable. D'ailleurs l'ensemble de ce texte est une démonstration aux hypothèses invérifiables. J'aurais aussi bien pu me taire.

Mais je peux croire à cette histoire pour me libérer de la croyance en la responsabilité et consentir à l'état du monde tel qu'il est: faisant de ma neurasthénie une donnée nécessaire de son système.

Cependant qui croirait alors à ce jugement? Serait-ce une décision jaillie du néant, sans cause, ou bien la conséquence naturelle de phénomènes existants (qu'ils soient mondains ou extra-mondains)?

Choisit-on ses croyances, et choisit-on quoi que ce soit?

lundi 11 février 2019

La question des croyances

Il y a des gens qui passent leur vie à chercher ce pour quoi ils sont au monde. La Grande raison, le sens de leur vie. Je me suis longtemps demandé si l'on pouvait être dépourvu d'une telle chose, jeté dans le monde, là, comme ça, tel quel, dans toute l'absurdité d'une existence sans finalité. Dans la grande famille des ratés, il existe deux espèces différentes: ceux qui ne sont fait pour rien, qui n'ont développé aucun talent parce qu'il n'ont pas d'amour particulier pour une activité déterminée; et ceux qui ont visiblement un certain talent pour un peu tout et n'importe quoi, ceux qui pourraient presque tout réussir, plus ou moins. Je ne sais pas si l'un de ces deux sorts est plus enviable que l'autre. Probablement que l'un produit une frustration insupportable quand l'autre suscite une profonde dévalorisation de soi, un total désespoir.

Je crois que le problème, dans les deux cas, c'est ce que nous croyons. La question de savoir quelle(s) croyance(s) nous acceptons d'intégrer. Car celui qui ne croit pas que l'homme ait une raison d'être sur terre, autre que la fiction qu'il s'invente pour supporter de vivre, alors celui-là est peut-être moins enclin au désespoir et à la frustration. Il peut être indifférent aux injonctions des morales, il cherche son plaisir et s'y consume pleinement. C'est peut-être là sa véritable vertu, au sens grec du terme. Notons que cet homme croit en quelque chose, il croit qu'il n'y a pas de sens à la vie. Si jamais il vient à en douter, les ennuis commenceront: l'espoir fera son apparition, d'abord timidement, puis avec plus d'insistance. Il fera de l'homme un pantin, quêtant partout sa grande révélation, la réponse à la question que pose son existence. Cet homme là est incapable de voir le réel - c'est à dire dans les limitations inhérentes à l'humain: de manière négative, comme une chose qui toujours échappe aux déterminations. Il ne verra partout qu'un monde qui répondra, docilement, à l'injonction de son espoir maladif, chaque objet deviendra un moyen de répondre à sa soif de transcendance. En contrepartie de la violence qu'il imposera au réel par cet appauvrissement ontologique, il habitera un monde stable et déterminé, où les valeurs sont fixées une fois pour toutes, où chaque chose a sa place dans la grammaire universelle qui tisse le récit de sa croyance. Celui qui cherche quelque chose sait toujours d'avance ce qu'il recherche, il n'en est simplement pas conscient et la mémoire ne lui reviendra qu'au jour de la révélation. Platon avait une doctrine de la connaissance pertinente et qui donne à réfléchir. Connaître quelque chose semble bel et bien s'apparenter à un resouvenir, car alors pourquoi serions-nous frappé, face à une vérité nouvellement découverte, comme si nous étions là face à quelque chose qui nous était auparavant étranger, et qui d'un coup devient familier, évident?

Mais, ceux qui doutent réellement et s'aperçoivent bien qu'aucune connaissance apodictique ne peut être atteinte sans un critère absolu - or ce critère puisqu'il est absolu ne peut être déduit, il faut qu'il soit posé en tant que principe, par un acte arbitraire de croyance initiale, comme le sont les axiomes -, ceux-là donc tracent leur déroute dans une modalité sentimentale bien différente, le monde qu'ils habitent est mouvant et comme informe. Nous pourrions dire que ces hommes habitent un monde métamorphe où aucune délibération cohérente ne peut avoir lieu, pour la simple et bonne raison que la délibération est pareille à un calcul, elle requiert des unités, c'est à dire des valeurs, fixées, qui serviront à pondérer. Or si le monde change sans cesse et que ces hommes ne donnent jamais leur plein assentiment à un quelconque principe, cela veut dire qu'il leur faut ériger une science qui ne repose sur aucune axiomatique. Cela est une antilogie pure et simple.

Certains sceptiques de l'antiquité, confrontés à ce cruel dilemme, ont préconisé de suivre l'axiologie de la culture dans laquelle on évolue, d'en emprunter les valeurs afin d'agir de concert avec la société dont on est issu. Pourtant, l'adoption d'une telle attitude est problématique et contradictoire puisqu'elle suppose d'accepter l'idée qu'il n'y a rien à perdre dans la posture sceptique qui est la leur, et qu'il est plus commode, plus enviable, d'emprunter les valeurs propres à un système de croyance séculaire. Mais selon quel critère est-il possible de poser une telle affirmation? Et si, faisant cela, ces hommes introduisaient la croyance théorique à partir de la nécessité pratique? Tout acte ou plus particulièrement toute décision est adossée à une axiologie théorique qui vise à produire des valeurs essentielles au processus délibératif. Pour vous en convaincre il me suffit de vous inviter à répondre à la question suivante: vous vous trouvez à un carrefour d'où partent deux routes, l'une mène à une vie de richesse et de confort matériel dénuée toutefois d'appétence intellectuelle et de passions, l'autre à une vie ascétique mais emplie de spiritualité et d'amour. Comment pourriez-vous choisir si vous n'aviez pas au préalable, dans votre représentation du monde, une échelle de valeur pouvant s'appliquer aux différentes situations mentionnées? Vous seriez incapable de délibérer parce qu'il n'y aurait précisément rien à comparer, il n'y aurait que deux singularités impossibles à quantifier et donc à subsumer sous un étalon de mesure.

Ainsi, ceux, parmi les sceptiques, qui préconisent de suivre les traditions et coutumes de leur siècle sont précisément à ce carrefour. Deux routes s'offrent à eux: l'une qui mène à une vie dont les actes se conforment à la morale en vigueur, l'autre qui demeure indéterminée, chaotique et irrationnelle. Ils opèrent un choix et par là acceptent un système de valeurs, dès lors ils ont quitté l'habit du sceptique. Ils croient en quelque chose. Leur critère pratique (mais qui est donc une théorie sur laquelle va s'adosser leur éthique) est le fait que l'indécision et la marginalité est invivable et qu'il faut, pour vivre, entrer dans un système de croyance.

Il n'y a aucun sceptique absolu, c'est à dire que nous pouvons quitter sans cesse un système de croyance pour un autre, mais nous ne nous trouvons à aucun moment en dehors de tout système. Si une telle chose arrivait, la vie cesserait alors assez naturellement puisque aucune délibération ne pourrait être en mesure de s'opérer ce qui mènerait à une mort certaine. Le sceptique croit en ses sensations, les sens lui sont axiomes. Mais dire cela c'est ne rien dire autre qu'un non sens. Les axiomes sont théoriques, ils servent une science et donc une représentation. La vie consciente, parsemée de délibérations, est contrainte de cartographier l'expérience afin d'opérer des choix. Celui que fait le sceptique antique, à savoir préférer la vie conformiste à la mort chaotique par exemple est le produit d'une axiologie abstraite.

Ce que j'essaie de pointer du doigt à travers cette longue ratiocination, c'est que précisément la vie ne tolère pas le scepticisme. Autrement dit cette philosophie, comme le concept même de connaissance, est un concept paralogique. Il est indémontrable, dans le système épistémologique qui est le nôtre, qu'une connaissance soit possible et il est tout autant indémontrable qu'un véritable scepticisme soit loisible. Cette doctrine est pareille au concept de néant, on peut en parler mais jamais la vivre, car lorsqu'on est en son coeur, elle ronge ses propres fondements, sa possibilité même d'existence. Les sceptiques effectifs sont donc les enfants de la métamorphose, leur existence est transmondaine, ils sont en réalité en transit entre les mondes, ce sont des nomades existentiels.

Le nomade, s'il jouit d'une certaine forme de liberté - notons aussi que le nomade est écologique car il n'épuise pas la terre où il séjourne temporairement - est néanmoins sans logis et sans assurance. Il doit faire sans cesse confiance au réel duquel il est à la merci. Le nomade n'a pas d'assurance, pas de réserve en cas de pénurie, pas de défense contre le monde où il se tient. Sa seule force est sa liberté, sa possibilité de vivre hors de la Cité, fragilement, et peut-être douloureusement aussi, mais en côtoyant la périodique volupté des vertiges libertaires.

La grande question, la question centrale, et peut-être la seule vraie question qu'une philosophie lucide doit se poser, c'est la question des croyances. Il y a en la matière, un chantier si vaste et tant illimité.

samedi 28 mars 2015

Logique et épistémologie (0.3) [ BROUILLON ]

Préambule: troisième ébauche de cette réflexion. Je fais le choix de multiplier les esquisses afin de garder trace de chaque état d'avancement de la réflexion. Je m'avance a priori vers une conception "en strates" de ce travail, partant du fondement précédent pour apporter modifications et évolutions, jusqu'à obtenir un véritable plan définitif pour la rédaction de l'essai. Je n'ai donc aucune idée du nombre d'esquisses final. Je proroge ainsi l'entreprise de rédaction puisque celle-ci me pose encore quelques problèmes significatifs de pure forme. Par ailleurs, ces esquisses ne sont qu'un plan purement subjectif et déroulent ma réflexion sans enchaînement logique explicite (bien que celui-ci existe pour moi), d'où l'obscurité potentielle de mes propos. Tout cela, je l'espère, s'éclaircira lors d'une version 1.0 qui sera vouée au partage didactique.

La logique vient du terme grec  λόγος (lógos) qui peut signifier langage, parole, discours (sur l'être?). Le langage est une réalité qui fait signe vers une autre réalité, mais elle se veut plus qu'une simple nomenclature par son aspect analytique et synthétique. L'analyse permet au langage de décomposer un objet en ses parties constitutives et la synthèse de lier entre elles, par des règles logiques (identité, différence, causalité, etc.) des entités réelles représentées par des objets (ce qui revient à dire: des objets)(à développer dans un article indépendant). L'analyse casse ce qui est cohérent et uni, au moins en apparence, alors que la synthèse agit comme une force élémentaire en liant des objets entre eux par des règles, des lois qui les maintiennent en un système unifié.



Définitions


Objet: un objet désigne toute représentation constituant une unité dans notre esprit. Par exemple une bouteille en verre est un objet, au même titre que l'est n'importe quel morceau (arbitrairement choisi) de verre de cette bouteille que l'on isole et pense en tant qu'unité. Toute pensée ou sentiment est un objet, en bref, tout ce qui peut être constitué par l'esprit comme une chose propre à être réfléchie et avec laquelle il peut interagir au sein d'un système d'observation. L'objet est une donnée de l'esprit , formant une unité abstraite. On peut aussi confondre le terme d'objet avec celui de signe puisque toute donnée consciente et présente à l'esprit est un produit des sens et consiste en une sensation qui fait signe vers une éventuelle objectité. Jamais une image ou une sensation ne peut être prise pour une chose en soi puisqu'elle est toujours une interprétation à partir de formes a priori d'une relation entre soi et le réel. Même lorsque l'objet conscient est sa propre douleur physique par exemple, la douleur ne peut être confondue avec la chose en soi et l'on peut prendre une variété indéfinie de points de vue qui formeront une relation différente, un système soi-réalité singulier et irréductible. Pour ces raisons la douleur peut-être vue par exemple comme une impulsion nerveuse, comme un mouvement moléculaire, comme un plaisir, etc.

Classe d'objet: c'est une collection d'objets regroupés ensembles sous un même concept et donc unis par une loi de constitution. La classe d'objet est un synonyme du concept.

Concept: un concept est une forme représentationnelle déterminée par une loi de constitution.

Loi de constitution: une loi de constitution est une méthode de représentation et de classification d'objets, elle est la forme sous laquelle de possibles objets peuvent être subsumés et unis selon une définition ou un schème. Par exemple la loi de constitution du concept de "définition" est: "une proposition qui analyse la compréhension d'un concept, qui affirme l'égalité logique du défini et du définissant[...]" (encyclopédie Quillet, 1977). Autrement dit il s'agit de l'expression linguistique d'un concept, chargée d'en tracer les contours. Il s'agit aussi d'une méthode de subsomption. Par exemple le concept de parité en arithmétique définit une méthode d'arraisonnement d'objets mathématiques que sont les nombres, permettant d'en vérifier la conformité ou l'inclusion dans l'espace représentationnel défini par le concept (en l'occurrence un nombre est pair s'il est divisible par 2). Ainsi la loi de constitution est similaire à une fonction informatique qui attend un certain type d'objets en entrée et donne un résultat prédéfini attestant de la réussite (validité dans le cas de la loi de constitution) de l'opération sur les données. Dans l'exemple de la parité mathématique, on attend comme objet des entiers relatifs et en sortie un entier (dans le cas de la parité attestée) ou un rationnel (non parité). Je nomme ce processus loi de constitution car il s'agit bel et bien d'une loi qui, par son application va permettre de constituer l'appartenance ou non appartenance d'un objet à une classe.

Forme représentationnelle:  correspond à la structure formelle d'un objet ou d'une classe d'objet, il en est la condition de possibilité, il est le fondement sur lequel ils sont instanciés. Si la notion reste abstraite, c'est parce que son concept l'est: la forme représentationnelle est la zone d'existence de toutes les représentations. On a vu avec Kant comment l'espace et le temps étaient les deux formes essentielles et transcendantales de la sensibilité, la forme représentationnelle détermine précisément un morceau d'espace-temps (les deux étant des formes rendant possible la représentation d'objets). On peut faire un parallèle informatique pour illustrer cela: la forme représentationnelle est comparable à la zone mémoire allouée à une variable venant d'être déclarée dans un programme informatique, mémoire qui fait préexister la variable de manière indéterminée, c'est à dire avant qu'on la détermine par une valeur. La forme représentationnelle est donc cette zone, cette forme pure d'espace-temps, que l'on pré-alloue (en nous car il est impossible de préjuger d'une existence réelle de l'espace et du temps pour le moment) à l'objet ou à la classe d'objets que l'on va y instancier. Autrement dit, et pour schématiser, il s'agit d'un espace que l'on réserve, dans notre esprit, à la représentation d'une chose ou d'un concept, censé référer à un phénomène du sens externe ou interne (au sens kantien), et ultimement à une chose en soi. Il faut préciser toutefois qu'à aucun moment une forme représentationnelle n'est pure et indéterminée (ces deux propriétés demeurant des concepts-horizons) et lorsqu'on dit d'une telle forme qu'elle est encore indéterminée, il faut là encore penser à la variable informatique qui contient de toute façon et a priori une valeur (nulle ou autre) avant d'être déterminée précisément par l'acte de définition. Ainsi penser le temps et l'espace indéterminés, c'est déjà avoir en tête un objet déterminé (comme un mouvement dans une zone spatiale ou l'écoulement d'une substance, ou bien seulement le mot lui-même, etc.).

Signifié: Forme représentationnelle déterminée par une valeur, c'est à dire la représentation d'un objet ou d'une classe d'objet ou d'un concept, indexée par une loi de constitution (ou définition).

Le signifié n'est pas le référent, donc il n'est pas l'image que l'on associe au concept. Il définit la forme représentationnelle propre à constituer une série d'images adéquates. Il est donc un calque négatif, sans contenu, mais il constitue en cela la possibilité d'un contenu et donc de l'image, de l'objet. Le signifié est donc un type de variable défini par la loi de constitution de l'objet ou de la classe et qui, par des déterminations plus ou moins précises, va permettre à une image ou une valeur d'être instanciée, c'est à dire représentée.

En l'occurrence, pour l'être humain, la détermination consiste en une image synesthésique (en ce sens qu'elle peut ne pas être exclusivement visuelle, bien que cela semble être quasiment tout le temps le cas) constituée à partir des sensations. J'insiste sur ce caractère concret du signifié, voire matériel ou du moins sensible, puisque même lorsque nous pensons des concepts abstraits tels que l'infini par exemple, une sensation et un sentiment sont associés, ce sont précisément eux, l'image sensible du concept, qui sont le vécu psychophysique de celui-ci et donc son signifié (au sens où l'individu parlant interprète). Il est assez remarquable à cet égard que lorsqu'on lit par exemple une langue dont on ne connaît pas l'alphabet, aucune image acoustique ne vient accompagner la lecture d'un mot (bien que nous ayons tendance à plaquer de toute façon un son sur le mot lu en acceptant d'être dans l'erreur) et le sens reste absent, la mémoire ayant même tendance à oublier très rapidement la lecture de cet objet non identifié ne sachant qu'en faire. Il suffit qu'un non mathématicien lise des équations mathématiques complexes pour expérimenter cela, il sera incapable de reformuler les équations même faussement puisqu'il aura perdu trace (n'ayant nulle image) de certains caractères lus. Il semble donc prudent d'affirmer que tout énoncé ne suscitant aucune image demeure perdu et comme non avenu.



Raisonnement


Hypothèse: Les mots ou signes linguistiques délimitent des espaces représentationnels que sont les signifiés. C'est à dire qu'ils sont des pointeurs vers un espace représentationnel déterminé par une valeur qui peut varier au cours du temps et dont le contenu n'est jamais défini que négativement ([ À développer ]: un signifié est un contours, son essence n'est jamais donné probablement car son essence n'est qu'une forme spatio-temporel).

Par conséquent le langage est une sorte de théorie des ensembles (fait écho à Hobbes) sans laquelle les mots définissent des espaces représentationnels qui s'incluent ou s'excluent les uns les autres. Le mot semble délimiter ou circonscrire un espace représentationnel afférant à une classe d'objets. En ce sens, le mot "être", compris comme un substantif, semble subsumer sous lui la totalité des objets concevables, il est donc l'ensemble de tous les ensembles (même lorsqu'on parle de non-être, si une quelconque représentation est déterminée alors on ne pense jamais que de l'être. D'ailleurs un  non-être absolu est impensable car il est un concept sans forme, il n'est que le non dicible que le discours détruit).

Comme le définit Saussure, le mot ou le signe linguistique semble être une entité à double face, chacune des faces habitant un plan ontologique différent: le signifiant est une forme physique ou matérielle (reposant donc sur un objectivité et, in fine, sur une objectité. [ À développer: l'objectité n'est que l'être en soi, support énergétique de toute chose, cf texte sur l'objectité] et le signifié est une valeur dans l'espace représentationnel. Cette distinction est primordiale puisqu'elle confère au langage la propriété fondamentale de pouvoir convoyer les représentations singulières des individus sur la base de formes matérielles objectives finies et pouvant subsumer en classes des séries infinies de représentation selon une loi de constitution.

Corollaire: Ainsi la logique est elle aussi pareille à une théorie des ensembles puisqu'elle est un méta-ensemble: un discours sur le discours. Donc ses signes définissent des ensembles dont les signifiés sont les lois de vérité du langage. Autrement dit, la logique définit des concepts sous lesquels sont subsumées les règles d'usage du langage lorsqu'on l'utilise pour raisonner, c'est à dire pour calculer, inférer, déduire, etc. En cela la logique est une règle ou une méthode de découverte d'inclusion ou d'exclusion entre des signifiés dont le rapport qui les unit n'est pas contenu analytiquement dans l'un des deux. La logique est donc la théorie des ensembles qui permet les jugements synthétiques a priori dont parle Kant.

La logique est un jeu de signes de signes. C'est pour cela qu'on a été amené à dire (Wittgenstein, tractatus) qu'elle est tautologique: elle dit ce qu'il est loisible de dire de l'être si l'on veut respecter ce critère d'évidence qui semble intrinsèque à l'homme et à son expérience ([ À développer ]quelle est l'origine de la logique?). Le signe étant un support (signifiant) de la représentation (signifié), il faut, pour que le langage puisse être compris, que les signifiants eux-mêmes puissent être pensés dans l'espace représentationnel afin de leur conférer une loi de construction immanente et implicite (implicite dans le cas où ils ne sont pas pris comme objets de pensée mais comme supports). Il n'y a véritablement de langage que lorsque ces règles sémantiques sont fixées et que le langage (dans sa dimension signifiant) est pensé comme objet conceptuel, c'est à dire que les signifiants sont conçus en tant que signifiés, afin de devenir des objets et non plus des supports objectifs. (distinction grammaire-logique: l'un pour le sens, l'autre pour la vérité?) ([ À revoir ] Cette scission signifiant-signifié est-elle claire? Le signe est à la fois signifiant et signifié, les deux étant indissolublement liés donc le paragraphe ci-dessus n'est pas clair: à revoir).

Question: éclaircit-elle pour autant les choses et le discours lui-même?

Hypothèse: elle ordonne le langage qui permet d'ordonner les choses (il les subsume dans des ensembles). Autrement dit elle permet de comprendre la manière dont le langage s'articule aux choses, aux objets. En effet, le langage est contraint, pour ne pas être vide, de se soumettre à des règles par lesquelles il s'applique aux objets, ce sont précisément ces règles que la logique énonce (en tout cas en ce qui concerne le raisonnement judicatoire - comprenant le raisonnement apodictique et dialectique).

Question: ne fait-on que penser des grandeurs (les ensembles étant assimilables à des grandeurs, représentables par des ronds d'une étendue déterminée sur une surface plane)? Lorsque je pense une qualité (comme la couleur verte par exemple), comment en rendre compte sous la forme d'une grandeur, d'un ensemble?

Hypothèse: car toute qualité s'insère (dans le langage) dans une collection de qualités, celle-ci formant un ensemble ordonnable en sous-ensembles (ce qui constitue précisément la définition d'un universel ou d'un concept). C'est en ce sens que l'on peut parler de grandeur, bien que le terme forme semble plus approprié.

En fait, chaque forme est remplie par une ou des qualité(s), qui sont des sensations ou impressions vécues.

Question: si ce sont des grandeurs alors elles sont mesurables et comparables entre elles? Ainsi il serait possible de comparer la forme "couleur" à la forme "justice"?

Hypothèse: Non: deux concepts ne sont comparables entre eux, en terme de grandeur, que s'ils subsument les mêmes unités. Par exemple le concept de couleur primaire subsume des couleurs, tout comme celui de couleurs secondaires. Puisqu'ils subsument le même type d'unité (des couleurs), il est possible de calculer le nombre d'unités que renferme l'un et l'autre et de faire une comparaison. Cependant, si deux concepts ne subsument pas le même type d'unité (comme la justice et la couleur), alors ils ne sont absolument pas comparables en terme de grandeurs, le terme de grandeur semble même plutôt déplacé dans un tel cas.

Ainsi, les ensembles, moins que des grandeurs, devraient être appelés formes car un ensemble n'est mesurable que par le nombre d'unités qu'il renferme. Or si l'on s'arrêtait là, cela supposerait que chaque ensemble est mesurables en terme d'unités qu'il contient et que l'on peut comparer deux ensembles en proportion du nombre d'unités qu'ils renferment ce qui impliquerait une équivalence des valeurs de chaque unités dans les différents ensembles. Ce n'est pas le cas. Une unité n'a pas de valeur étalon universelle, on ne peut comparer un centimètre avec un décibel par exemple.

Par conséquent, l'idée de grandeur pour qualifier les ensembles peut être trompeuse parce que chaque ensemble est unique et ne peut être comparé à un autre. Ainsi on dira désormais d'un ensemble qu'il est une forme de formes.

Corollaire: Nous avons définit, au sein de la forme couleur, une couleur définie (par exemple le rouge), comme une unité. Le terme unité suppose l'indivisibilité ce qui ferait du concept de couleur non une forme de forme mais une forme ou un ensemble d'unités, et cela contredirait la démonstration précédente. C'est donc que le terme unité pour qualifier ce qui est subsumé sous un concept n'est pas approprié ou du moins l'est seulement dans un certain contexte. Ainsi, nous dirons qu'une unité est fixée par l'abstraction dans laquelle on pense. Donc l'unité est un attribut que l'on fixe "arbitrairement" sur le niveau d'élément que l'on considère le plus bas d'un ensemble.

Par conséquent, les unités peuvent, dans une autre abstraction, devenir des ensembles.





Un ensemble est potentiellement une unité et une unité potentiellement un ensemble excepté pour l'ensemble de tous les ensembles et l'unité de toutes les unités (à supposer que de telles choses existent réellement, auquel cas elles sont limités par autre choses, etc.; par conséquent ces concepts ne peuvent qu'être des limites de la raison, des horizons virtuels).

L'idée d'unité n'est donc qu'un concept dépendant du niveau d'abstraction dans lequel il est pensé (comme le montre la figure ci-dessus)  et il sert à marquer qu'un type de forme déterminée est le plus bas degré que l'on pense au sein d'un concept, constituant ainsi ce qu'on peut nommer unité.

N.B.:  une forme n'est pas une grandeur car le rapport de subsomption n'est pas défini par une surface ou une étendue:
  • L'inclusion est spatiale et donc étendue.
  • La subsomption est conceptuelle.
Question: quel lien entretiennent donc les formes avec le réel?

Hypothèse: les formes sont l'interprétation du réel dans le système de la conscience, elles sont des valeurs (comparables à des notes de musique) dans la mélodie de la conscience. Il semble que les formes soient une méthode de représentation du réel, elles définissent des patrons ou modèles porteurs de propriétés générales selon lesquelles les représentations singulières peuvent être interprétées. La forme peut être vue comme un concept qui est la synthèse d'autres concepts, permettant la division des sensations, leur analyse en différentes classes générales correspondant aux structures cognitives de la conscience ([ À développer ]ces structures sont-elles dynamiques et acquises ou bien figées et innées?). La forme est avant tout une méthode de division en unités. La conscience est une constructrice, une bâtisseuse, elle ne perçoit du monde et de l'objectité que ce qu'elle peut en recréer selon ses formes a priori (temps, espace, ?). Ainsi, l'objectité est un matériau, une cause par laquelle la conscience conçoit un monde et les formes dont elle se sert sont pareilles à des briques voire à des matières qui lui permettent de représenter un monde selon des principes connus et reposant in fine sur sa propre nature. Ainsi, la forme est pareille à la note, au concept générique de note en tant qu'il définit par exemple une noire. N'importe quel fréquence peut être subsumée sous le concept de noire, mais le concept est là qui distingue et définit, qui place dans un système et organise la sensation dans un ensemble constitué de règles.

N.B: Les formes ne sont pas totalement arbitraires car la conscience a une certaine manière objective (au sens kantien donc propre à l'espèce humaine) d'interpréter, de lire le réel; elle est donc soumise à une certaine loi naturelle. Par exemple, il n'est pas en mon pouvoir de ne pas voir en couleurs. Il semble donc bien exister une base psycho-physique correspondant au formes de la sensibilité kantiennes, en ce qui concerne les catégories il faudra déterminer si ces dernières sont acquises ou innées (ou bien les deux).

On pourrait donc parler de prolepses propres, dans une certaine mesure, à l'espèce humaine (couleurs, sons, toucher, formes visuelles, saveurs, etc.).

Question: qu'apporte le langage à cette base naturelle? En effet, l'homme perçoit des couleurs et ce quand bien même il n'aurait pas de mot pour le concept?

Hypothèse: Certes, mais le langage ajoute à ces formes,  les formes de formes, la subsistance de formes virtuelles, indépendantes de l'expérience et échappant à l’évanescence grâce au mot et à son support physique qui réduit la série d'une famille de sensation en une étiquette, en un signe facile à conserver en mémoire. On peut comparer cela à la création d'un monde, ou plutôt d'un sur-monde ou d'une légende (méta-monde? Les bases de la métaphysique ne sont-elles que les bases de notre conscience et de notre rapport au monde?).

Question: pour quoi faire? Pourquoi avons-nous besoin de cette carte que l'on surimpose aux sensations?

Hypothèse: ces formes de formes sont nécessaires pour alléger le travail de l'esprit et naissent effectivement en partie pour des raisons pratiques de survie. L'homme sans ce sur-monde qui simplifie, regroupe en ensembles synthétiques le nombre infini des singularités, serait plongé dans une hébétude perpétuelle, pareille à cet étonnement philosophique propre à la recherche spéculative; or la survie n'a pas ce luxe.

Ensuite, c'est pour répondre à ce besoin de totalité et d'unité qu'est la raison. La raison crée des séries ordonnées par une loi d'unification, ainsi elle subsume le pluriel dans le singulier jusqu'à créer cet ensemble de tous les ensembles qu'est la conscience.

La subsomption permet à la raison de manipuler des formes très abstraites (c'est à dire contenant de nombreuses formes) qu'il est possible (même nécessaire à certains moments) de développer analytiquement.

Question: Donc tout est analytique? La connaissance n'est jamais synthétique (réfutation de Kant)?

Hypothèse: il semble, a priori, que la connaissance puisse être synthétique. Une connaissance ne devient analytique qu'une fois que les formes liées synthétiquement sont subsumées sous une nouvelle forme (définie par une loi). Il faut donc la naissance du nouveau concept qui va lier deux autres concepts auparavant étrangers l'un à l'autre pour que la connaissance devienne analytique.

En fait, il semble que l'association des formes entre elles soit synthétique, elle est une tentative de création d'un système régi par des lois définissant les rapports des formes entre elles. Ce système se construit à la fois a priori, dans une tentative d'anticiper l'expérience, et a posteriori, dans une perpétuelle correction et vérification de l'effectivité du modèle conçu.

Ainsi la dimension analytique n'est que le résultat de la synthèse, une fois cette dernière réalisée ([ À développer ] pas si simple, Kant montre bien que le chiffre 12 n'est pas compris dans l'addition de 7 et 5 mais que la somme des angles d'un triangle est compris analytiquement dans le concept de trois droites sécantes )

Question: comment les jugements synthétiques a priori sont-ils possibles?

Hypothèse: voir Kant :-)

Mais la solution kantienne suppose que par les catégories et les formes de la sensibilité, nous avons en nous la loi de constitution de toutes les formes, c'est à dire la forme de toutes les formes.

La loi de constitution est l'imagination, seule capable de lier sensibilité et catégorie en simulant l'expérience (c'est l'exemple de la géométrie où l'esprit construit les figures par application des catégories dans les formes de la sensibilité et découvre ainsi a priori des synthèses de formes).

Encore faut-il avoir identifié quelles formes a priori sont réellement effectives, c'est à dire correspondent à l'expérience (ou rendent possible l'expérience pour paraphraser Kant). Et là, visiblement, les catégories kantiennes semblent un fondement solide...

Question: la logique tétravalente modifie-t-elle les catégories?

Hypothèse: il semble que oui.

Notons tout de même que les catégories n'obéissent pas à une logique bivalente mais trivalente. Prenons l'exemple de la table des catégories correspondant à la quantité.

Chez Kant la quantité se décompose en trois catégories:
  • Unité
  • Pluralité
  • Totalité (réunion des deux autres -> équivaut au OUI et NON logique)

    En logique tétravalente nous aurions l'ajout d'une quatrième catégorie:
    • Unité (équivaut à OUI)
    • Pluralité (équivaut à NON)
    • Totalité (correspond à la synthèse des deux précédentes -> OUI et NON)
    • Altérité (correspond à la négation des trois catégories précédentes -> NI OUI NI NON; notez que l'emploi du nom 'altérité' pour qualifier cette catégorie n'engage que moi, mais il reflète bien la spécificité de cette valeur possible en logique tétravalente: ici nous n'avons affaire qu'à des quantités, et pourtant, la dernière catégorie est intitulée 'altérité', propriété plus qualitative que quantitative, ce qui souligne bien le caractère étranger de cette dernière valeur)
    Question: cette catégorie qui est l'opposé de la totalité (= union de la pluralité et de l'unité), c'est à dire ni unité, ni pluralité, existe-t-elle? En a-t-on besoin?

    Est-ce que [oui et non] est équivalent à [ni oui ni non]?

    Hypothèse: non: les deux ensembles ne sont pas équivalents.

    Ni oui ni non suppose l'existence d'une autre objectivité qui serait toutefois prise en compte (conçue négativement) par notre objectivité et grâce à la tétravalence.

    Par conséquent la logique tétravalente permet de penser un autre monde (négativement). Elle peut s'apparenter à la formalisation du noumène kantien: il s'agit d'une limite, une frontière qui permet de penser notre totalité (objectivité) comme n'étant pas la totalité réelle, mais intégrant tout de même cet au-delà impensable au sein du système langagier.