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mardi 13 février 2018

Lampion

Je me mets au lit pour penser, la lumière allumée et les yeux au plafond, juste histoire de faire un point sur la journée et sa ribambelle d'ancêtres; et quelque part dans mon champ de vision, sur le côté droit, voilà que quelque chose tangue et s'anime en ma petite boîte d'existence - quelque chose autre que le tressaillement intermittent de la lumière de la lampe de chevet, qui saute comme un néon malade dans une scène angoissante de film. Je parcours l'ensemble de la forme agitée et parvient à en isoler l'unité d'un objet dans ma tête. C'est ce putain d'abat-jour en papier pendu au plafond. Tiens, d'ailleurs ce genre d'abat-jour en sphère doit bien avoir un nom spécifique...

                                                         Un lampion!

Ça me revient d'un coup, aisément, alors même que je n'avais ni lu, ni entendu, ni prononcé ce mot depuis plus d'une dizaine d'années... Quelle puissance! Il me reste encore une mémoire malgré toutes ces péripéties. Je me sens puissant grâce à un lampion...

                                                     "Lampion t'es con."

L'invectivè-je alors en mon for intérieur fort intérieur. Tu tangues au plafond après que j'aie jeté les couvertures sur moi, empressé d'être au chaud, et la brusquerie du mouvement t'as soufflé un vent ascendant qui t'as poussé hors de ton axe. Je reconstitue tout cela a posteriori alors que tout a commencé par la sensation visuelle d'une forme mouvante au coin de ma vue, c'était ton ombre qui se signifiait. La petite lampe de chevet épileptique à mes côtés a giclé sa lumière sur les rondeurs de tes formes, d'en bas en biais, étire ainsi une ombre ovale vers le coin sud de mon plafond blanc, qui se termine par une toile abandonnée et molle d'araignée fantôme.

Lampion t'es con, tu dévies mes pensées, et je me demande bien de quel droit tu te réclames d'une telle attraction sur le cours de mon impétueuse noèse..? Probablement me faudra-t-il admettre que je n'ai rien de mieux à penser, pas d'autre objet à réfléchir: allongé au plumard, attendant je ne sais quelle révélation  qui m'octroierait enfin le précieux sésame pour l'onirisme diapré ou l'achromie d'un sommeil de plomb; au lieu de me sentir coupable comme un con de l'inefficacité de ma vie; du fait qu'une si longue chaîne de jours puisse faire s'agiter de manière si pathétiquement molle la boule hérissée - supposément, mais lisse en vérité - de mon présent. À moins que le passé soit au-dessus de moi, rectiligne, quand moi je chute en bas, immobile...

Attendre sans trop savoir quoi, en fixant le plafond éclairé, c'est mieux que de savoir bordé d'obscurité, que malgré l'épuisement accumulé, le sommeil ne viendra pas, ou bien trop tard, l'enculé...

C'est tout de même plus sympa de fixer cet abat-jour de Lampion, qui, d'ailleurs, n'abat aucun jour puisqu'il ne cache nulle ampoule. Lampion n'est qu'une sphère de papier accrochée au plafond d'un ennui sans limite, et qui chute et se déchire dès lors que j'enfile en-dessous mes vêtements à la hâte.

Est-ce un lampion d'ailleurs? Il faudrait vérifier dans le dictionnaire. Je fixe le plafond l'espace d'une poignée de secondes. Ouais, pour sûr, c'est bien ce qu'il faudrait faire, pensé-je les mains croisées sous mon crâne. Je fixe le lampion, sans savoir si c'en est un. Tiens c'est dans des moments comme ça que l'ennui a bien plus d'élégance pour les fumeurs... Il faudrait vérifier dans le dictionnaire. C'est vraiment une bonne idée. Et si j'éteins maintenant, m'endormirais-je enfin?