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mardi 5 mars 2019

Considérations littéraires: travail, magie et scories

J'ai eu l'horreur ces derniers jours de relire une grande partie de mon entrepôt à texte. Je ne sais si ce fût la pire ou la meilleure chose qui me soit arrivé quant à l'écriture récemment, ce qui est cependant certain c'est que ma pratique ne sera plus jamais la même. En constatant la qualité minable de mes textes, j'ai ressenti un découragement si intense que je me demande encore aujourd'hui à quoi bon peinturlurer de glyphes les murs numériques de cette antre isolée. Et quel agacement à réaliser combien de poèmes, combien de paragraphes ne font que retomber dans la platitude mièvre d'un amour perdu, épisode qui abreuve et irrigue le sillon de chaque lettres ou presque. Je dois en finir avec cela. Je vais désormais être beaucoup plus attentif et sélectif quant à ce qui s'affichera sur ces pages.

Il y a tout de même certains textes qui sortent du lot, qui m'étonnent même parfois tant ils semblent quasiment parfaits. À croire qu'ils ne sont pas sortis de mon âme mais de celle directement de la poésie, dont je n'aurais été qu'un locataire fugace et chanceux. On dit partout, sur les blogs d'écrivains et autres vidéos traitant du sujet "comment devenir écrivain" qu'il faut écrire, écrire tous les jours, quitte à ce qu'une majorité de ce qui est produit soit à jeter, simple matériaux d'entraînement. Je pense qu'environ 95% de mes écrits sont à jeter purement et simplement, ce ne sont que des buvards salis, des brouillons embrouillés que la moindre lecture enjoint de froisser et de rouler en boule. Tant pis, c'était certainement nécessaire.

Je suis définitivement un fainéant. On pourrait formuler cela autrement et dire que cet attrait que j'ai pour la magie est précisément celui pour la puissance de l'efficacité. Le moindre effort pour le plus de résultat possible. Voilà ce qu'est la magie: un long et interminable travail de fourmi qui finit par produire l'illusion de la spontanéité et de la facilité aux yeux du spectateur non averti. C'est ainsi que je vois l'écriture, c'est ainsi que je vois toute expression. Il faut se rendre magicien, même pour soi-même lorsqu'on a le plaisir d'oublier dans le geste expressif la somme de travail et d'erreurs qui porte le mouvement délié de la main. Loger son âme dans la main même, dans le corps, c'est à dire dans la matière qui pourtant s'y oppose, impose ses propres lois, sa propre inertie.

Il n'y a qu'ainsi que je pourrais un jour écrire un roman d'une seule traite. C'est d'ailleurs ce que j'ai fait avec l'amoureux des ruines: un mois de rédaction, en travaillant tout au plus une heure ou deux par jour. Le résultat est certes médiocre, mais ce n'est pas dû au style. Les phrases sortent assez naturellement, ma prose est propre est relativement précise, le style est fidèle à la délinéation de mon âme - du moins telle que je me la représente. Là où le bât blesse c'est précisément dans la structure narrative. Des années d'entraînement à la prose poétique n'amènent pas à se rendre romancier, ou storyteller. Non, pour cela, point de secret, il faut raconter des histoires. C'est à cela que je m’attelle en ce moment, sans savoir si c'est bien là un désir profond ou juste un petit fantasme narcissique. Il n'y a qu'en faisant que je saurai.

Je crois que la leçon qui m'anime en cette période de métamorphose littéraire est la suivante: il faut accepter la médiocrité de ses productions et écrire malgré tout. Le regard acerbe porté sur ses écrits, imperceptiblement, viendra hausser la qualité de base, comme un coureur de fond augmente sa vitesse à mesure que la course lui devient de plus en plus naturelle.

Deuxième leçon, corrélée à la précédente: il faut détester ce qu'on écrit, mais pas assez pour arrêter. Juste assez pour avoir honte et ne pas accepter cet état de fait.