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dimanche 28 avril 2019

La maladie



Il y avait le malheur. Relatif certes, mais le malheur quand même et fût-il éphémère. On brûle en un éclair les instants engloutis, on souffre pour longtemps du rythme déconstruit.

Il y avait le malheur et puis la chair meurtrie. Il y avait ta guitare et ta voix engourdie. Il y avait enfin ces notes comme les pétales d'un chant de roses. Le malheur, pour un temps, perdait la comparaison, palissait comme un corps desséché.

Tu te souviens le malheur allongé devant ta porte, en sac d'habits mouillés et débris de fierté?
Tu étais le charmeur qui ramassait les fragments et faisait se lever le pantin de douleur.

Il y avait le sol, jamais assez bas, toujours trop haut, trop en vue. Il y avait la lumière  pour chasser les abîmes et faire se sentir seul celui à l'intérieur.

Il y avait la honte mêlée à la détresse, comme une mauvaise marée que ton calme et ta paix doucement épongeaient.

La honte s'écoulait de moi, et tous les sentiments que tu prenais sans le vouloir, sans effort et sans geste.

Il y avait donc le malheur et ce moment du temps et puis ce lieu du monde à tes côtés. Le malheur était à la porte, à la lisière du coeur pour une durée indéterminée malgré tout définie.

La porte s'est rouverte, je suis sorti dehors où il m'a retrouvé.

Le malheur c'était moi, j'aurais voulu ne plus tant exister; ou suffisamment pas assez pour ressentir ma terrible nature, cette horrible rature.

J'aurais aimé laisser la place à tous les gens comme toi, quitter le corps du monde comme une maladie par la beauté chassée.

mardi 17 octobre 2017

Le ciment et le sable

N'oublie pas, coeur solitaire, âme enclavée ou qui se croit comme telle, voire qui se croit damnée: tu as un pouvoir sur les choses; et tu peux faire s'envoler les coeurs comme une horde d'oiseaux sauvages. Tu es lié à tant de choses... À vrai dire, à toutes choses. Mais tu as oublié. Tu as vécu quelques années, cru apprendre certaines leçons, et le long flux du temps a érodé tes coquillages, pour en faire le sable de ces plages où tu te complais à échouer, inerte, d'un destin minéral et qui n'est pas le tien.

Tu as appris à apprendre et, malheureusement pour toi, point encore à désapprendre. Or ces deux processus sont pourtant les mêmes.

Avance-toi en courant dans les forêts peuplés et tous les bois vivants. Vois comme le monde répond à ton approche, comme les buissons s'agitent de ta visite impromptue, vois comme les membres s'affolent et cherchent à se mettre à distance du tumulte que tu produis. À chaque seconde, tes choix, tes gestes, tes actions, se répercutent sur l'ensemble du monde. Pourquoi donc préfèrerais-tu t'ensabler dans l'oubli, et devenir ce silence qui te pétrifie mais qui pourtant n'est rien, rien qu'une toile de fond pour tes chants infinis.

Laboure le silence et plantes-y tes graines de vie. Mouille le sable du temps pour en construire des châteaux, éphémères si tu veux, ou plus durables car le ciment est aussi fait de sable...

Tu as pris bien du temps à trouver ton chemin, d'ailleurs peut-être cherches-tu encore, cette voie d'or censée te porter à demain, comme si le vent lui-même t'avait fait sien. Et pendant que tu cherchais ta route, comme un enfant déporté, tu la traçais dans le sol, aussi sûrement qu'un magma qui dévale les pentes raides des volcans énervés. Peut-être cette route n'est-elle pas la plus rectiligne qui soit, mais il n'y a que des lignes droites pour qui ignore sa destination. Ce voyage que tu ne cesses d'ajourner était déjà entamé depuis le premier doute, à peine la première hésitation. Cette voie qui est la tienne, peut-être ne la vois-tu pas, mais c'est la voix par laquelle on te reconnaît dans l'univers où tu es.

Lorsque tu crois n'avoir rien fait, regarde toujours derrière toi, prends quelques minutes pour contempler, ces gestes que tu jugeais nuls, ces choix que tu pensais n'en pas être. Ce qui t'apparait beau alors, mets-le au-devant de toi, nourri par ce vécu comme un engrais.

Si tu ne sais pas où tu vas, le temps, tout de même, retient la forme de tes pas. Le ciment et le sable sont du même bois.