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dimanche 25 août 2024

Sur l'autel

On peut croire, lorsqu'on est jeune en âme, que la vie est importante et si précieuse qu'elle n'aurait pas de prix. Et pourtant, il suffit d'ouvrir un peu plus les yeux pour s'apercevoir que la mort ne changerait pas grand-chose, pour nous elle serait imperceptible, nous n'en aurions pour ainsi dire pas conscience, nous cesserions tout d'un coup et ce basculement accompli ne saurait être documenté par la conscience abolie qui n'aura connu que l'éternité de sa durée. Pour les autres le deuil est éphémère, fugace, il n'y a guère d'humains qui ne soient empiriquement oubliés -- je veux dire dont l'absence n'implique plus de souffrance de manière effective et concrète, ne déraille plus le train des obligations et des considérations quotidiennes -- totalement au bout d'une année ou deux.

Sortez uriner dehors, dans l'herbe encore humide de rosée sous les traits obliques du soleil matutinal et imaginez que la mort vous foudroie tout-de-go, maintenant dites-moi honnêtement: quelle différence cela ferait-il?

On croit que le bonheur est le "Bien Suprême" mais ce ne sont là que fadaises d'enfants égoïstes ou du moins individualistes. L'humanité recroquevillée sur elle-même cherche à se gaver toujours plus de fruits, de stupre, d'années, d'existence, afin de se contempler dans le miroir de sa vanité.

Peut-être qu'il faut sacrifier sa vie, comme le firent nos ancêtres, à un projet de transcendance qui, seul, pourrait donner de la valeur et du sens à cette aberrante errance humaine. Ce serait alors l'altérité, la négation de nous-même qui donnerait à l'homme sa fin et sa dignité: exister non plus pour produire de l'humanité mais de l'Autre, faire de soi le matériau d'un projet arbitraire et grandiose...

Mais quel projet?

samedi 24 août 2024

Documents tragiques

Oh ce ne sont pas des ruisseaux que je décris en ce journal mais les méandres térébrants d'une psyché en quête d'absolu dans les bornes constrictrices de la finitude. Il n'y a véritablement aucune autre explication à tous ces signes vers une transcendance phantasmée si ce n'est la conviction pleinement vécue par certains que l'existence humaine constitue une errance; que la véritable origine se situe dans l'informe et l'indéfini d'une réalité méontique. L'œuvre est une sonde envoyée dans l'infini et qui cherche à travers le brouillard des phénomènes sublunaires une porte de sortie vers l'Ailleurs. Une tentative de percer le voile de l'étant.

Et nous échouons, encore et encore, en cela l'œuvre d'un homme n'est jamais que la documentation d'un échec, d'une tragédie.

mercredi 7 août 2024

Courbe brisée

En regardant le toit, par un sombre hasard, je constate une mousse récalcitrante qui s'installe sur les bords de l'édifice. Étonnant: nous avons fait démousser la maison il y a seulement deux ans maintenant. Étonnant comme l'ordre humain est voué à disparaître sous le grignotement tenace et incessant de l'entropie. Toutes nos entreprises sont aussi vaines que cet éphémère démoussage qui n'a d'utilité que le fugace soulagement procuré à deux êtres dont l'existence même obéit à ce principe: travail, consommation, travail consommation. Aucun effort, aussi inepte soit-il, ne saurait produire dans le monde quelque chose d'absolument durable; mais sans aller jusque là: qui puisse simplement repousser l'entropie assez longtemps pour que cela en vaille la peine.

Vivre vaut-il la peine de quoi que ce soit? Peut-être pour prolonger à travers l'enfantement les espoirs qui nous ont mené là, à l'ourlet d'un destin qui s'achèvera sans faire aucune différence...

Si l'on regarde attentivement l'histoire pourtant, il apparaît assez clairement qu'aucun progrès réel ne permet d'imprimer un sens à la flèche du temps. De la préhistoire à aujourd'hui, toujours les mêmes vices agissant comme les forces cinétiques d'un immene billard planétaire. Une certaine anthropologie nous laisse même entrevoir la possibilité d'une dégradation de l'humanité vers toujours plus de perversion, de désirs non-naturels et pour cela sans limites.

Un humain est pareil à une maison: livré au temps, il finit recouvert de mousse, infesté de parasites, écartelé par les éléments, disloqué fragmenté désuni, sans plus aucun principe d'organisation capable de lutter contre l'engloutissement d'un repos étal. C'est probablement pour cela qe l'instinct vital nous pousse à se reprduire comme des cafards. Parce qu'une vie humaine ne peut que chuter lourdement après la brève ascension d'une jeunesse qui n'est que feu de paille et poudre aux yeux. Aucun individu ne transcendera sa finitude. Faut-il croire que l'espèce y parviendra? Peut-être... après tout qui sait si cette frénésie destructrice qui caractérise notre époque ne sera pas surmontée comme un échec duquel on apprend à se surmonter soi-même. C'est possible et une part de moi, ténue, y croit un peu je dois admettre.

Mais dans l'instant il faut bien constater une chose: dieu que le monde est laid.

dimanche 28 juillet 2024

Yeux d'humain

Le secret peut vous tuer de plusieurs manières. Il peut d'abord vous transcender si loin hors des cadres de l'humanité qu'il ne reste plus rien de vous-même: une métamorphose totale comme la pratique l'univers par le flux temporel. Mais il est probablement très rare, voire impossible, que cela arrive vraiment. Plus souvent le secret vous rend fou de l'avoir contemplé.

C'est la contemplation du ciel étoilé qui, depuis tout petit, me transporte auprès du secret. J'observe la tache sombre qui nous enclôt tous, grevée d'indéfinis scintillements, et je vois, à travers le prisme déformant de la connaissance, des implosions nucléaires à des année-lumières de distance, je vois les particules radioactives, les vents solaires, les jets de matières, le flux de la lumière dans sa vitesse égale... Tout cet absurde agencement d'improbabilités, de chaos, qui pourtant s'ordonne à jamais inintelligiblement.

On ne possède jamais totalement le secret, il nous effleure, il s'invite en nous celé d'opacité, empaquetant l'incandescence dans les eaux noir d'un Léthé cellulaire. Même quand on croit détenir le secret, il nous est impossible d'en expliquer le contenu, d'en dévoiler quelque chose de positif et de déterminé. On le sent, comme une plénitude que nulle catégorie ne peut capturer. En réalité on ne détient rien du tout, le secret nous quitte aussitôt et nous laisse bouche bée, frémissant du souvenir bouillonant de quelque chose qui n'est plus là, qui n'a jamais été là, qui ne saurait se trouver nulle part...

Même quand on aimerait se perdre dans l'abîme, le regard de l'âme ne sait objectifier ce qui ne saurait l'être: dès qu'il se focalise tout devent flou, tout fuit au-dehors, repoussé vers l'envers d'un horizon qui recule. On sent, du fond de ses entrailles, qu'on aurait pu se jeter tout entier dans le terrible secret, quitte à y laisser sa diaphane peau... mais la réalité nous dément, et cette trace d'infini demeure à jamais en nous la mémoire d'un membre fantôme dont on ne peut témoigner.

Ô combien l'homme a toujours un pas au-delà de lui-même, et qui l'exclut de sa propre identité, la rend irrémédiablement nulle et non avenue...

Tous les trous noirs de toutes les galaxies sont des yeux d'humains -- et de ces yeux jaillissent les mondes.

mardi 4 mai 2021

De l'Extinction

 Le brahmane n'est pas exempt de désir. Il est assez probable que nul homme vivant (capable de se maintenir en vie plus longtemps qu'une simple inertie biologique le permettrait) ne puisse être sans désir. Exister humainement, c'est désirer, c'est être porté par le principe du désir.

Le brahmane, cela dit, utilise la puissance de ce principe éternel pour l'orienter vers l'Extinction; c'est à dire non pas vers l'annihilation du désir en tant que principe d'intentionnalité (ou extatique) mais l'annihilation de l'alternance de ses objets. Ce qu'il cherche à éteindre ce n'est pas le désir en tant que principe stable et pour ainsi dire a priori, mais plutôt la nature de ses manifestations, ses vacillations, ses éparpillements, sa danse erratique qui écartèle le Soi en autant de directions qu'un vent extrinsèque semble impulser. Le brahmane met tout son désir dans la fixation d'un seul objet, dans l'abolition de la temporalité du désir (produite par la variation intempestive des objets de celui-ci)  afin d'accorder enfin l'objet du désir à son principe même, et ainsi l'abstraire en une éternité. Le désir, de poiésis devient praxis, il ne cherche plus à se réaliser dans les illusions de transcendance, mais trouve de manière immanente son principe de réalisation que les bouddhistes confondent avec son Extinction. Il y a bien extinction d'une certaine modalité du désir mais non du désir lui-même qui est un principe éternel pour l'être humain.

La preuve? Le sage ou l'aspirant, passe son temps à aller contre ses désirs, ses penchants et vise à tout instant un état particulier: il est tout entier tendu vers son but, sa vie en est le cheminement obstiné.