Affichage des articles dont le libellé est ressac. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est ressac. Afficher tous les articles

mercredi 21 août 2024

Tsunami

Il est un trait de caractère dont je me demande s'il appartient à l'humanité ou à mon hideuse et sophistiquée idiosyncrasie. Avec l'âge, en sus de toutes les altérations biologiques qui rongent l'organisme et menancent à tout instant son principe d'unité, viennent se faire sentir, d'abord avec discrétion puis par des pics d'intensité insoutenables, les aiguillons de l'ennui. Cet ennui est le signe indubitable capable d'exprimer, dans sa totalité, l'existence et la condition humaine. Plus rien ne fait bander pour ainsi dire, toute activité ne se révèle que par ce qu'elle est incapable à procurer à l'esprit et au désir d'absolu qui nous habite et nous cloue, de plus en plus fermement, aux ailes de la passivité désabusée. Tout est vain, poursuite inutile du vent, et ces instants où la nudité de l'existence se révèle, pour ainsi dire cellulairement, se multiplient et ôtent, à chaque occurrence, une part un peu plus importante de la naïveté nécessaire à l'homme pour vivre humainenement.

Les enseignements de la physique, qui nous révèle à l'échelle atomique un monde fait de lacunes et de vide, sont tout aussi valables pour cette branche de l'étude de la psyché humaine que j'ai nommé entropologie. De la matière au désir le plus sincère, il n'y a pas une chose en ce monde qui ne soit constitué d'infiniment plus de vide que de substance. Et laissez-moi ajouter à cela, sacrilège des sacrilèges, que pas même la fumeuse idôle du Bonheur ne peut résister à l'analyse lucide de la conscience et ses regards laniaires.

C'est ce même vide, omniprésent, hégémonique, qui vous aspire en toutes vos entreprises et vous retire de la berge ferme des actions concrètes comme un ressac de grand coefficient.

Mais lorsque la mer se retire trop loin, le tsunami arrive-t-il ensuite?

vendredi 21 mai 2021

Rêve éveillé: rien ne résiste à la mer

 Ce matin, somnolant sur ma paillasse, une fois n'est pas coutume je rêvais d'océan: je rêvais de surfer. Pour une fois cela dit, ce n'était pas de moi qu'il s'agissait, puisque l'homme dont j'étais le fantôme dans la coquille n'était autre que Kelly Slater, multiple champion du monde. Nous étions dans une épreuve des jeux olympiques, sur la fin de la session. Kelly venait de prendre sa dernière vague, qui lentement s'éteignait refusant son épaule dans un fracas d'écume. Le champion, dans son dernier virage, se laissa aller vers l'eau lisse comme une glace, à peine ridée, il était presque parallèle à elle lorsqu'elle l'accueillît en son sein.

Kelly était tellement heureux, qu'il se laissait secouer par les vagues suivantes, rouler dans l'écume rageuse qui le poussait vers le rivage. Cette joie était celle d'avoir participé à un moment historique. Les premiers jeux olympiques de surf. Il arriva sur la plage, marcha quelques mètres sur le sable en pente que dominait une dune, puis il se laissa tomber à genoux, les mains sur le sol qu'il éleva et tapa contre le sable mouillé en criant: "j'y étais! J'y étais!!". Des larmes s'échappaient discrètement. Le ressac venait immerger d'une fine couche liquide la base du surfeur, il venait prendre l'émotion pour la ramener en lui.

En bas de la dune, il y avait de petits rochers lacunaires, criblés de trous et d'anfractuosités lisses qui formaient comme un corail érodé. Kelly se releva, il n'y avait plus aucun public, juste quelques plagistes épars. Il marchait le long de la dune, l'eau montait jusqu'à ses pieds pour repartir, happée par son origine, dans un petit crissement sableux de poussière musicale. La houle était tombée. L'eau était si lisse qu'elle se confondait avec le ciel. Chaque petite vague qui parvenait à casser doucement semblait effacer la précédente. L'atmosphère était silencieuse, le vent soufflait à peine et plus aucune trace des arabesques athlétiques ne persistait dans l'eau presque étale. Le moment était passé, les exploits à peine effectués disparaissaient peu à peu dans l'écho des mémoires (quelles mémoires?). La plage était redevenue comme toutes les plages, calme, immergée dans un présent qui semblait s'évertuer à refuser le témoignage d'un passé englouti.

Le vent, le ressac sur le sable, et l'eau bien calme. Une minute à peine était passée et rien ne subsistait.