Traverser la peur, dans l'action assumée; Dépasser la honte par le moi consumé.
La honte est une autre forme de vanité: l'insupportable constat que l'on a pu être, autrefois, ce qu'on se targue aujourd'hui de mépriser.
L'artiste essentiel, qui n'a d'autre critère que l'absolu, ne saurait emprunter un autre chemin que la honte face à la nécessaire relativité de son œuvre.
Tant que l'artiste essentiel peut relier l'œuvre à quelque portion de sa subjectivité, il échoue honteusement à produire l'hétéronomique extranéité d'une réelle transcendance.
Affirmer ne pas avoir honte de ses œuvres passées est le seul moyen, pour l'artiste essentiel, de vivre avec sa honte.
S'humilier volontairement, quotidiennement, pour que la boursouflure tumorale d'un style continue de grossir -- jusqu'à cet impossible dénouement où la partie excède le tout.
Qu'on a pu être naïf, se dit-on naïvement, depuis le référentiel d'un présent qui se verra bientôt prédiquer le même qualificatif.
On ne distance jamais sa honte que par une honte qui s'ignore.
Savoir enfin tout cela, et poursuivre l'impossible: vanité de la honte.