jeudi 18 janvier 2018

Le semeur de poèmes apatride

Je vais dans l'écriture comme dans un pays où je retournerais parce que j'y ai ma bien aimée, et des promesses pour moi-même. De mon vivant, je n'ai pas tenu toutes mes promesses, contrairement à d'autres pour qui la parole est indexée sur le réel même, est aussi matérielle que mille chaînes.

Chaque jour je reviens ici, dans ces parterres de fleurs fanées que sont mes rimes, têtes coupées d'hydre Mélancolie. J'y ai mes habitudes, j'y traîne dans l'attente d'un quelconque miracle, dans l'attente que quelqu'un, un jour, me tape sur l'épaule et me dise: "tu viens souvent ici? Moi j'ai découvert cet endroit il y a peu, par hasard. J'y viendrai tous les jours désormais..."
Bien sûr je ne répondrai rien, cet espace et ce temps que je file sont ma réponse à ce genre de questions. Peu importe que l'autre vienne ici dans sa bulle, tant qu'il existe une interface entre les mondes, alors il n'est de solitude réelle.

Je ne suis pas quelqu'un de difficile, voyez ce sont souvent les mêmes couleurs que l'on trouve en ces cieux, les mêmes pluies les mêmes gloires qui percent les nuages. Il faut des rives bien fermes à celui qui s'écoule plus vite que le temps - jamais ne se retrouve dans le reflet des choses. Un seul rythme vous donne tant et tant de nuances subtiles, tant de petits détails où éclosent des mondes.

À tous les jours se baigner dans la mémoire des mots, toujours vérifier que point ne change le goût de l'eau, il m'arrive, à quelques rares occasions, la surprise qu'il soit réellement autre. Je sais alors que même les poèmes ne peuvent tenir en leurs liens le vécu qui s'en va. Aux signes, il faut associer d'autres signes tel un petit Poucet, afin que la conscience soit guidée pas après pas, sans faute. Travail titanesque et impossible à la fois. Tous les jours malgré cela, je sème mes poèmes, comme on parsème de cailloux la route inempruntée.

Pourtant, dès lors que je rebrousse chemin, je n'en retrouve aucun...

Ni arrière ni avant pour les destins. Seule cette amnésie sans lendemain.

2 commentaires:

elly a dit…

J'aime beaucoup ce dernier texte. Je m'y retrouve un peu, dans les petits cailloux blancs, malgré que l'on perde toujours son chemin..
Bon, j'ai un travail monstrueux, il faut que j'arrête de tout renvoyer au surlendemain ;-)

L'âme en chantier a dit…

Ben tu vois, parfois on retrouve des cailloux qu'on a même pas semé soi-même :-)