vendredi 29 mars 2013

De la philosophie

Nous sommes tous; rendus à l'être; tantôt émerveillés, tantôt angoissés face au simple constat continu de notre existence comme de celui de toutes choses. "L'absurde naît de cette confrontation entre l'appel humain et le silence déraisonnable du monde". Pour ne pas se sentir seul, nous avons le langage, mieux, pour que tout le monde puisse se donner la main dans cette expérience de l'être, l'homme a inventé la philosophie. Nous posons quelques principes, puis à l'aide de la raison (et, par conséquent, de la logique), nous bâtissons une compréhension du monde, comme s'il s'agissait de cartographier sans relâche l'existence. À chaque principe une carte différente: certaines cartes donnent le relief d'un territoire, d'autres son climat, etc. Mais pour que tous puissent comprendre ce qui est dit, une légende est créée, tous peuvent s'y référer, vérifier le sens de chaque signe, emprunter le même chemin et observer les paysages de là où se tiennent leurs semblables. Ainsi, avec toutes ces règles bien en tête, il nous est possible de dire ce qui est juste ou faux, toujours selon des principes invérifiés (et jusqu'alors invériafiables), nous pouvons suivre le raisonnement discursif comme s'il s'agissait d'un calcul sur des variables dont la valeur a été définie arbitrairement. Qu'un autre use mal d'un signe, nous le savons au fait qu'il l'a employé pour une autre valeur que celle qui lui était initialement attribuée. Nombre de problèmes philosophiques naissent de ces malentendus, Wittgenstein l'a très bien dit, il nous faut, par la philosophie qui est un mouvement rationnel en acte, mettre à nu la densité touffue de nos énoncés, de nos concepts. La philosophie déconstruit les préjugés, met à nu l'écorce, l'ossature du discours et ainsi se dissipent les malentendus, nous voyons comment l'un utilise d'une manière inappropriée les signes de la langue, comment l'autre raisonne à partir de principes différents de ceux entendus au départ. Le malentendu naît de l'implicite, du non-dit, de cette "connaissance suppositive" dont parle Leibniz. Mais nous avons la philosophie, il ne faut pas perdre espoir, elle doit nous aider à observer bien en face les principes qui sous-tendent notre discours, à remonter jusqu'à eux.

Un principe, un monde. Mais les querelles s'installent dès lors que d'aucuns refusent de décomposer leur pensée, ne se laissent pas arraisonner. Ils prétendent marcher dans le même univers que vous mais font, en réalité, partie d'un autre. Vous pouvez essayer de dialoguer avec eux, d'élaguer un à un les malentendus, jusqu'à ce qu'il ne reste que les principes qui sous-tendent leur discours, ils refusent de se prêter au jeu. Ils ont perdu de vue ces principes mêmes, voulant s'en défaire comme d'un bagage honteux, ils ont voulu l'étouffer sous le poids de la ratiocination mais il n'est aucune ratiocination inextricable au philosophe patient. Cependant, même lui ne peut aller nulle part sans l'aide de son interlocuteur. Platon nous parle de l'importance du dialogue, de la réfutation, afin de ne pas rester cloîtré dans un univers imperméable, non parce qu'il serait inaccessible aux autres en droit, mais parce qu'on en a, de fait, fermé les portes irrémédiablement. Nous dansons tous sur du vide, le moi, le réel, la vérité, autant de fictions que l'on se joue et que la philosophie déconstruit dans un voyage sans fin dans l'être. Baissez les armes, acceptez vos axiomes et regardez les pour ce qu'ils sont, des choix que vous faites pour avancer, des outils dont vous usez dans votre exploration, mais d'autres ont les leurs et ils vivent dans le même monde que vous. Que la philosophie soit le recueil de ceux qui se sont dépouillés de leur ego, parce qu'ils ne savent plus ce qu'il est, parce qu'ils ne savent plus rien.

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