mercredi 13 juin 2012

De la souffrance


02/06/2012


"De la souffrance naît la beauté."



Aujourd'hui j'ai du poison dans les veines; le même qui coule dans des centaines de milliers d'humains à travers le pays. Hier j'ai vu la souffrance et à travers elle, j'y ai vu la fin de l'homme. La souffrance est à la fois une des plus puissante source poétique ainsi qu'une des plus grandes forces destructrices. Un vendredi soir parmi mes congénères citadins est un aperçu de l'apocalypse à venir. Ils se tendent tous la main pour mourir, se tendent aussi les poings parfois. Je me souviens ce trentenaire titubant dans la rue, soulevant une sorte de caisse sur ses épaules. Il était seul dans la rue hormis ma présence furtive le dépassant en silence; il allait mourir solitaire au bout de la nuit et sur ses épaules, prêts à tomber à chaque pas, reposaient mes rêves d'antan, mes convictions d'autrefois où revenait si souvent le mot humanité. La nuit est finie maintenant, les rêves reposent à terre d'avoir été trop malmenés, ainsi en va-t-il de même pour l'homme; il ne reste que les bleus et un grand trou dans la conscience. De ma douleur, il ne reste que ces mots et l'éternelle poésie de qui souffre d'aimer.

La connaissance des causes apprend à ne pas craindre les effets. Je vois tellement de raisons à leur malheur, et je les vois aussi tirer le fil de la causalité puis soudainement s'arrêter, fermement convaincus qu'ils tiennent la cause primordiale, absolue, et qui n'a pourtant pas plus de consistance qu'un horizon lointain. Le temps est ce qui nous rend finis et pourtant tellement illimités. Il nous maintient dans son étendue et en même tend étire notre identité, à chaque seconde passé, nous donnant toujours plus d'épaisseur, toujours plus de causes à traiter, nous éloignant sans cesse de l'éventualité d'une métaphysique. Le grand malheur de l'homme c'est qu'il court après une image de lui-même, à laquelle il voudrait s'accrocher désespérément, pour se figer, se rendre limité, connaissable, posséder enfin une identité. Et le temps qui passe n'a de cesse de nous rendre multiples. Il faut aimer le voyage plus que la destination, voilà ce qu'il nous hurle à chaque instant; mais nous crions plus fort que lui.

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Je suis une drôle de personne. La raison principale qui me pousse à aimer le genre humain est la souffrance. C'est toujours la faiblesse, ou ce que je prend pour tel tout en sachant que cela n'en est pas réellement - d'ailleurs qu'est-ce qui est "réellement" - qui jette de la poésie sur les gens... J'observe tel homme avec tant de gentillesse naïve que les gens passent leur temps à se moquer de lui et à profiter de sa personne et voici que j'en tombe éperdument amoureux, de cet amour qui vous fait aimer chaque humain sur cette planète, ce sentiment séculaire que les réseaux ont semble-t-il crée. Je trouve dans la fragilité des gens lorsqu'elle ne les incline pas vers la violence, lorsqu'elle les rend doux envers et contre tout, lorsque leur caractère devient tellement inaltérable qu'il s'incruste dans la réalité, comme une chose rassurante par la seule continuité de son existence, à ce moment là je trouve de la beauté dans ces personnes. Les gens qui n'ont pas d'ego me fascinent plus que tout sur cette terre. Peut-être parce que je les aime alors comme réalité étrangère à moi, comme altérité libre parce qu'elle est tout ce que je ne suis pas. Peut-être aussi que j'admire secrètement tous ces gens là pour leur force de caractère à persévérer dans leur identité malgré les jugements préconçus, malgré la morale et le regard des autres. Car je sais, et ce constat est douloureux, que je ne suis pas comme eux, je sais à quel point j'ai besoin de plaire, besoin de me rassurer et de ne pas décevoir dés que des yeux se braquent sur moi. Et si ce n'était pas le cas, que serais-je alors? Seul et honni car inadapté et totalement exilé à la réalité, derrière le décor dans lequel tout le monde vit, jamais intéressé par leurs actes, par leurs propos, lové dans le silence de mes propres pensées, noyé dans mes fantasmes métaphysiques. Mais moi je ne suis pas celui que l'on regarde avec pitié ou attendrissement, je ne suis pas cette personne à la persévérance si poétique, dénuée d'esprit de domination envers les autres, vivant ses particularités sans porter un jugement à leur propos. Non moi je réussis toujours à peu près, je fais l'impression de quelqu'un de relativement fort, sociable, bien intégré et sans réel handicap majeur, je me pare de mensonge, je me sociabilise par imitation, un des rares domaines dans lesquels j'excelle. Et dés qu'ils tournent les yeux, je redeviens moi-même, petit à petit car il me faut du temps car plus on me regarde et plus je me change en ce que les autres veulent voir. Je n'ai pas le courage d'être moi dans le monde ou bien le monde ne m'en laisse pas l'occasion. C'est probablement la beauté que je n'ai pas en moi qui me fait aimer les autres, les signes.

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