lundi 9 septembre 2024

Pulvérulence

Devenir un Crippure, pour de bon, dans la vraie vie, épouser si parfaitement le personnage que l'idée du suicide est un ciel accroché au-dessus de chaque instant vécu dans le monde professionnel, est une drôle d'expérience... Se voir à la sortie des lycées, déambuler dans une foule d'adolescents qui constituent le réseau ourdissant votre valeur propre, celle d'un rebut fossilisé qui représente un obstacle dans le flux de libre-consommation de l'époque... Observer les tenues vestimentaires absurdes, les exo-cerveaux tenus par des mains crispés ou dépassant des poches arrières de pantalons à la mode, fabriqués en série pour durer le temps d'une cartouche de cigarettes... Avancer dans la cohue, se faire bousculer sans un pardon, n'avoir pas même quarante ans et se sentir vieux comme le monde... Avancer mais avec la ferme et si étrange sensation d'aller à contre-courant absolu de la marée du temps, de rebrousser chemin vers un passé fantasmé, vers un vague rêve d'utopie, vers rien. Finalement se rendre compte que le récit de son destin n'est qu'un vulgaire et banal effacement du monde, une déréalisation de soi au profit de tout ce en quoi le conatus hurle décidément avec une intensité qu'on ne saurait concurrencer -- on ne peut concurrencer la bêtise qui s'ignore pour ce qu'elle anéantit sans même le vouloir toute altérité subsistante.

Subsister, tiens... voilà tout ce qui peut résumer le concept de sa propre existence. Résister comme un château de sable qui s'érode résiste à la marée montante, dangereusement attiré par les caresses de la dissolution et la nature océanique d'un être dont l'égo serait pulvérisé enfin, définitivement...

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