mardi 30 juillet 2024

Une idée lustrale

Hommage à Robert Férillet

Quel ennui que vivre cette époque. L'idée d'une quelconque transcendance est essentielle à endurer le viol de la réalité empirique s'insinuant par le fondement de l'historialité du Dasein sans douceur et sans amour... Mais nous avons au moins pour nous de savoir qu'elle ne baise jamais que des cadavres. À nous autres, les hommes du nihil, les âmes ont déserté depuis longtemps, s'ébattant librement dans une idée du Rien -- lustrale à vous dissoudre.

Esquisses putréfiées: millésime 2020

Redécouverte de brouillons enfouis dans la malle numérique écrit en Juin 2020. Il s'y trouve quelques matériaux pour une idée de roman qui me trotte dans la tête et, depuis, se putréfie lentement dans mon nucléaire oblomovisme.


J'en ai marre des petits écrivaillions de merde, tous ces ouvriers de la lettre! Tu crois que Dieu a pondu le monde en un an? Qu'il a posé son brouillon avant de l'amender encore et encore, par petites touches effrénées?

Mais si c'est ça alors plutôt crever! Y faut que tout ça sorte d'un seul tenant, comme une gros mollard, une toux créatrice! Bam! D'un coup l'univers! Les ilôts galactiques et leur interminable sable stellaire!

C'est comme cela monsieur que je veux écrire moi! Que ça ne soit pas un travail mais le produit presque inconscient et spontané d'une manière d'être. Et ça doit être parfait! Du premier jet tu m'entends!?

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Alors je hurle, je gronde comme une tonnerre d'éclairs purs: GRRRRRrrRRRrrrrRRRRRrrrrr... Et puis la bave aux lèvres je m'interromps, à quoi bon,  je suis bien trop conscient du ridicule. Tout devrait se casser autour, les murs, le plafond, les fenêtres, le quartier, la ville le monde et la réalité. Tout devrait se soumettre et se dissoudre dans l'incommensurable colère de mes nuits blanches, les lois de la physique à genoux face au principe de mes larmes, comme une chienne la réalité, docile et bien craintive, comme on éduque les femmes.

Mais non. Rien... Pas même un frémissement de l'espace-temps, pas une réaction du monde extérieur: RIEN. Et quand bien même je me lèverais pour tout casser, tout envoyer valdinguer, ce serait toujours moi le premier blessé, avec des fissures dans la carcasse et contusions sur les membres. La seule chose qui s'écroule ici c'est moi, moi syphon minable au fond d'une baignoire émaillée qu'est la vie...

Alors bien docilement je referme la bonde, et je regarde s'écouler dans un filet furieux les scories de moi-même. Peut-on parler d'évènement lorsque du vide aspire du vide...?

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Bernard Ragueule, c'est un nom qui me va, ça a des sonorités gutturales qui résonnent comme le cri étouffé des vies qui débutent.

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Tu vas pas me filer ta thune. T'es une conne certes mais tu t'es fait baiser toi aussi par le système. Et c'est peut-être pour ça d'ailleurs que tu es conne. Parce que des sales connards ont bâti un monde pour eux en baisant tous les autres.

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Est-ce qu'il vaut mieux parler au passé lorsqu'on s'exprime à son sujet? Je ne sais pas. Je me souviens de tout néanmoins, des moindres détails, je souffre d'une hypermnésie destructrice qui surcharge le présent de souvenirs. Il ne reste rien alors du présent, ou trop c'est selon, comme s'il était déjà un souvenir comme les autres...

Une question existentielle

Pourquoi diable habiter en ce coin d'univers où tes yeux m'ont élu soleil?

dimanche 28 juillet 2024

Yeux d'humain

Le secret peut vous tuer de plusieurs manières. Il peut d'abord vous transcender si loin hors des cadres de l'humanité qu'il ne reste plus rien de vous-même: une métamorphose totale comme la pratique l'univers par le flux temporel. Mais il est probablement très rare, voire impossible, que cela arrive vraiment. Plus souvent le secret vous rend fou de l'avoir contemplé.

C'est la contemplation du ciel étoilé qui, depuis tout petit, me transporte auprès du secret. J'observe la tache sombre qui nous enclôt tous, grevée d'indéfinis scintillements, et je vois, à travers le prisme déformant de la connaissance, des implosions nucléaires à des année-lumières de distance, je vois les particules radioactives, les vents solaires, les jets de matières, le flux de la lumière dans sa vitesse égale... Tout cet absurde agencement d'improbabilités, de chaos, qui pourtant s'ordonne à jamais inintelligiblement.

On ne possède jamais totalement le secret, il nous effleure, il s'invite en nous celé d'opacité, empaquetant l'incandescence dans les eaux noir d'un Léthé cellulaire. Même quand on croit détenir le secret, il nous est impossible d'en expliquer le contenu, d'en dévoiler quelque chose de positif et de déterminé. On le sent, comme une plénitude que nulle catégorie ne peut capturer. En réalité on ne détient rien du tout, le secret nous quitte aussitôt et nous laisse bouche bée, frémissant du souvenir bouillonant de quelque chose qui n'est plus là, qui n'a jamais été là, qui ne saurait se trouver nulle part...

Même quand on aimerait se perdre dans l'abîme, le regard de l'âme ne sait objectifier ce qui ne saurait l'être: dès qu'il se focalise tout devent flou, tout fuit au-dehors, repoussé vers l'envers d'un horizon qui recule. On sent, du fond de ses entrailles, qu'on aurait pu se jeter tout entier dans le terrible secret, quitte à y laisser sa diaphane peau... mais la réalité nous dément, et cette trace d'infini demeure à jamais en nous la mémoire d'un membre fantôme dont on ne peut témoigner.

Ô combien l'homme a toujours un pas au-delà de lui-même, et qui l'exclut de sa propre identité, la rend irrémédiablement nulle et non avenue...

Tous les trous noirs de toutes les galaxies sont des yeux d'humains -- et de ces yeux jaillissent les mondes.

samedi 27 juillet 2024

Shiva

Vivre? d'accord mais à quoi bon? Gonfler un ego sous la concupiscence de hordes d'anonymes qui rêvent de vous annihilier sous leur éclat possible? Dissoudre cet ego dans le contemplation du Tout, se voir comme concrétion singulière d'une substance uniforme, comme expression de Shiva? Et dans les deux cas, à quoi bon? Pathétique poursuite du bonheur, de l'abolition du cycle -- qui s'apparente au final à une forme de bonheur dès lors qu'on considère le monde comme une illusion propitiatoire aux boursouflures  laniaires de l'ego --: il s'agit toujours de s'excepter d'une condition commune misérable. Et quel genre de pathétique robot sans émotion peut avancer dans l'existence sans la boussole de l'ego, acceptant tout uniment, traversant le magma des relations sociales avec équanimité... Sage? Jamais de la vie! Comment appeler sagesse ce qui n'est qu'un refus de la vie humaine dans les modalités qui la caractérisent universellement?

Non, en réalité je vous le dis: le sage n'est qu'un transhumain comme les autres; qui appelle de ces vœux le surhomme, c'est-à-dire précisément le non-homme.

Et malgré tout, celui qui écrit ces paroles, croyant par là éclairer le monde d'une lumière inédite (ou du moins peu entrevue), doit, pour ce faire, se faire croire à lui-même que l'écriture vaguement poétique qui lui est familière est une sorte d'expression naturelle, dont il n'est que l'instrument -- et non l'auteur --, et qu'il en va ainsi de la participation d'une harmonie cosmique qu'il s'agit d'entretenir bon an mal an...

Et si je cessais de croire à cela -- comme ici -- alors je serais effectué, comme toutes choses, sans plus avoir à prétendre agir en quoi que ce soit dans la responsabilité prếté à tout auteur. D'auteur, je n'en connais pas, si ce n'est trois pies tisseuses de mésaventure, qu'on se figure ainsi afin de mieux pouvoir les détester.

Quelle subtilité que ce texte, mettre en scène le fait d'être dupe de soi-même sans vraiment l'être au fond... Et tout cela pour quoi?

À quoi bon?

Produire un tant soit peu de beauté dans les yeux d'un lecteur...?

Aller aller pauvre âme empruntée: être dupe... sans vraiment l'être au fond...

vendredi 26 juillet 2024

Deuxième cerveau

Si je ne me lève pas au matin, vacillant sur mes échasses molles, claudicant vers l'excitant matutinal comme un camé en manque; si je ne répond pas présent lorsqu'une dent de la Grande Horloge, qui porte mon nom, s'enclenche lourdement; si je ne m'astreins pas à courber ce corps ingrat face à l'écran plus ou moins docile pour y déverser quelques songes aussi vain que la Création -- et qui pourtant forment le noyau d'une vie:

une seule chose en ce méta-système changera-t-elle d'un iota?

Si je ne fais rien, alors rien n'adviendra: je continuerai de vivre la vie d'un genre d'être sis entre le règne végétal et fongique, une synergie d'organes ergotant poursuivront sans relâche leur prêche infâme sous la voûte du Grand Nihil et le souffle transparent de mon haleine continuera à gonfler un genre de tonos qui dessinera sur fond d'azur la silhouette pithécanthrope de ce Je irrémédiablement autre.

Il faudrait arracher une fois pour toutes la conscience du merveilleux système symbiotique de ces cellules, et se laisser guider par le collège infaillible du microbiote intestinal, afin que règne l'harmonie d'un organisme tendu vers un but inconnu de tous et qui semble piteusement défier l'entropie à la manière d'une érection qui s'essoufle face au vide. Ce deuxième cerveau -- sans ombre cette fois-ci -- me paraît digne d'intérêt du haut de sa toute puissante esthétique. La vraie société se trouve au fond des intestins, dans la machine dépourvue de fantôme.

jeudi 25 juillet 2024

Aghori

Est-ce une forme de mort si dramatique, de ne plus donner assez d'importance à ses pensées pour les retenir? Ne plus incruster les mots qui nous enthousiasmaient dans les réticulaires méandres de la mémoire? Rendre le terrible étincelant, voilà un projet qui valait le coup. Le faire à travers pensées et puis mots. Non pas comme ces aghoris qui dévorent la chair humaine et soupent de leurs excréments, mais pêcher dans la sphère des concepts toutes les idées sombres qui circulent en la psyché séculaire, s'en repaître jusqu'à la nausée, et digérer l'horreur pour n'en laisser que matière à formes sidérales.

Je digère l'époque qui est la mienne, et rien ne sort désormais. Qu'arrivera-t-il enfin lorsqu'un niveau d'énergie s'ouvrira de nouveau? suffisamment puissant pour alimenter l'illusion que quoi que ce soit puisse avoir une valeur quelconque -- y compris, et surtout, quelques gribouillis dessinant en creux l'insaisissable mouvement psychique d'une âme à la dérive?

mercredi 10 juillet 2024

Aphorismes de l'entropologie

La résection, ces deux dernières années, du poète en moi fait certainement office d'un genre de résipiscence en apparence cruelle. Mais n'est-ce là qu'apparence? Y avait-il tant de mal à ourdir par d'ineptes glyphes une entropologie?

 

Le noir en l'âme n'est jamais aussi beau que lorsqu'il se donne en parure.

jeudi 4 juillet 2024

Aphorisme temporel

Le sage cherche à habiter l'instant, non à coloniser l'avenir.

Opus X

 À l'unisson de cette époque cet esprit sombre et las s'anéantit. C'est la santé perdue probablement qui bat des ailes allègrement vers d'autres astres dont l'aube entame une ascension. Tout de même j'aurais aimé être là pour mon fils encore vibrant de l'Énergie, capable d'agir ici-bas, de rêver un peu, et d'être, encore un tant soit peu, une âme un corps vivants. Mais tout se joue ailleurs, dans l'oscillogramme sinusoïdale de ma vitalité qui bat des ailes pour s'éloigner -- de moi probablement, comme j'aurais dû le faire aussitôt, ainsi que toutes choses vibrantes... Encore quelques pans de ma vie à regarder le piteux édifice s'effondrer: je peux toutefois me consoler, pour une fois il ne s'agit pas de mon fait mais d'une implacable partition musicale composée par trois pies qui tissent sans relâche la musique du monde.

Que cet opus est triste: nocturne parmi les nocturnes. Toute ma vie j'ai plongé dans les courbes: des lettres des destins des corps, et voici que la mienne semble s'infiniser dans la chute finale.

Quelle transcendance lèvera mes paupières? Je n'aurais jamais cru la souffrance infinie...

Je n'aurais jamais cru la souffrance infinie...