vendredi 24 juin 2011

Réussir

C'est pour réussir que certains envoient leurs écrits à des éditeurs, prostituant ainsi la beauté en l'offrant à la critique aigrie, rongeant d'une jalousie mortifère toute oeuvre inaccessible à leur médiocrité. On laisse les autres décider de ce qui est beau, de ce qui doit être reconnu, etc. Au final, on vit dans un monde où notre propre opinion, jusqu'à nos goûts même, se fonde sur le jugement d'autrui, d'individus auquel on confère une certaine autorité, se basant sur des critères arbitraires et étrangers à la notion même d'art.

L'art ne peut souffrir d'aucun critère ni d'aucun dogme. Point de cursus pour devenir artiste. De deux personnes écrivant la même chose, l'une d'entre elle possédant un doctorat de philosophie et l'autre un simple baccalauréat, doit-on traiter leur oeuvre différemment? Est-ce bien raisonnable que de penser ainsi? Celui qui a bien été estampillé, officialisé par les institutions a-t-il plus de droits, plus de talent, plus de vérité que n'importe quel autre bougre proférant pourtant les mêmes propos?

On a voulu, partant d'une bonne intention, rationaliser, normaliser tout acte destiné à occuper la place publique, et ce faisant, on a mutilé la créativité et la liberté de chacun à devenir ce qu'est l'artiste: une fenêtre sur le monde. Notre besoin pathologique d'assurance, notre crainte du ridicule, ce besoin de reconnaissance et cette incapacité à penser juste par et pour soi, nous a mené à cet état des choses où l'homme est muselé par un carcan institutionnel si lourd qu'il vous enferme à jamais dans votre étroite cellule, là où l'on peut vous surveiller, là où la surprise n'est pas permise.

Et pourtant, on continue malgré tout, à perpétuer ce cycle par nous-même, sans y être contraint, devenant la continuité physique de nos institutions, reproduisant le contrôle de manière inconsciente comme si nous étions fait nous-même uniquement de: lois, locaux, hiérarchie, jugements, normes, procédures.

Peut-être devrions-nous prendre le temps de nous demander: mais qui sont ces gens derrière ces institutions? Pouvons-nous leur faire confiance? Qui sont-ils ces garants d'une orthopédie de l'âme, ceux qui quadrillent le chaos de nos âmes, les faisant plier sous le joug de la doxa? Pourquoi le font-ils?

On se rendra compte alors que rien ne les sépare de nous si ce n'est leur intérêt personnel, que tels des jardiniers de l'humanité, ils ne font que contraindre le mouvement naturel pour en tirer les fruits, pour s'en rendre "maîtres et possesseurs". On saura enfin, qu'un homme conscient de sa liberté et capable d'exprimer son être par le prisme de la créativité artistique, est un homme qu'on ne peut contrôler arbitrairement, qui préfère l'éthique aux lois et l'unité à la spécialisation. On sera sûr enfin que c'est un homme dont on ne tirera aucune croissance autre que la sienne, aucune productivité, dont on ne fera aucun profit.

Le dogme fondamental sur lequel repose ces institutions est celui de la rentabilité, or il semble douteux, au regard de ce que nous offre la nature, que celle-ci soit une fin pertinente.

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