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mardi 24 juin 2025

Spondanomancie

J'écris pour projeter dans le monde autre chose que ma pathétique et vieillisante carcasse. Il m'a été donné de jeter mondainement des parties de cette vie biologique qui ne veut rien dire: j'ai donné du plaisir, expulsé violemment le code source d'un programme dont je ne suis que l'insipide et innombrable itération. Tout cela n'est pas moi. Ce moi que je crois être l'âme doit lui aussi trouver un chemin en l'ordre des phénomènes. Je n'ai trouvé mieux que les mots et leur musique pour être le sémaphore d'une âme spectrale et putative.

L'écriture est envoûtement: on injecte la temporalité dans ce qui n'en a pas, le rythme et l'harmonie dont le poème est hyménée. Tous ces poèmes n'ont aucune existence intrinsèque, ils ne sont que la relation qu'une âme entretient à elle-même à travers le texte. La littérature est un miroir par où se dérobe aussi l'existence de qui n'a pas d'en-soi.

Il serait toutefois injuste de dire que tout cela n'a nulle valeur; en fait, contempler cette grammaire est un travail de spondanomancien: dans les débris que le vide a laissé sur le monde, une esthétique du sens érige laborieusement le récit d'une tragédie -- nul ne peut demeurer insensible à celle-ci car elle ne sait être autre chose que celle de toutes les consciences.

jeudi 2 juin 2022

Le tour de soi

Que faire, de ce corps latent... Que faire d'un soi qui coule au temps, sans le rythme des voix qui scandent à rebours des étoiles, un cœur d'humain paumé, d'humeur perdue dans la laiteuse nuit...

Accompagne -- Ô si tu veux! -- indispensable pluie de lettres, une déroute à travers champs, loin des enseignes lumineuses; éventaires indécents du paradis fichu...

Seul, c'est impossible... Pagode inerte au courant de l'éther, où chercher un repère? Il n'y a pas jusqu'au vide qui s'avère trompeur... Plein de tout l'Illimité -- quelle blague! J'apprends, pour moi et d'autres proies, des mots du dictionnaire... définitions ineptes, privées de référent. Calligraphie atone d'un destin... Solitude éclatante...

Ma présence érode élément après élément. La présence désirée d'un fondement me refuse sa main malgré le pont des mots. Eux aussi forment un cercle imperfectiblement clos... qui regarde l'abîme.

Même la limite du monde est un centre infini...

Réel indispensable, opaque indifférent; ô jamais ne t'avise d'envoyer un reflet. Il faut une limite à tout, même à soi-même... Surtout, à soi-même.

samedi 10 juillet 2021

Reflet de chien

Brouillon du 3 Juillet 2021. Exploration grossière de l'allitération et l'assonance.

 

Vertige de poings fendus

J'avance au ciel

Toit pourfendu

Les ans débondent

Ma peau se pèle

Vagabond de

Pixel


Écran du monde

Cornée binaire

Cathode intérimaire

Élan fourmi-liaire

Exode interstellaire


Train de hasard

Et quai de rien

Tain de miroir

Reflet de chien

Vin de tiroir

Papier d'étain

Clope et t'éteins

Oreille et main

L'oreiller vient

Cloue la caboche

À son destin


Maintenant éteins

Maintenant tes seins

Rêve en essaim

Blues à dessein

Blues à dessein


Blues à dessein



Blues à dessein

vendredi 28 juillet 2017

Pardon

Le destin a sa façon cruelle de me faire chanter, avec ses coups de fourches et ses aiguillages improbables qui m'envoient toujours contre des murs qui sont des miroirs; et qu'il sait que je vais m'efforcer de fuir au plus vite, vers d'autres embranchements qu'il aura sélectionné d'avance pour que je me retrouve face à ce même reflet... Si je n'ose encore me regarder en celui-ci, je vois toujours à mes côtés ta silhouette élancée, tes longs cheveux bouclés et tes yeux constellés.

Dans cette histoire ratée gît un paradoxe que je n'aurai pas su dénouer huit années durant. Le voici formulé: pour quelle raison l'évidence que tu étais ma part féminine sachant me compléter se heurtait sans cesse à cette irrépressible angoisse de ne pas pouvoir être moi-même, qu'il me manquait quelque chose en sorte à tes côtés, quelque chose que je devais taire pour te garder. Et voici la réponse que je donne aujourd'hui: j'avais, comme bien souvent, peur.

Si j'ai peur de faire des choix c'est certainement parce que j'ai l'insoutenable impression d'être amputé du reste des possibles, mais ce n'est ni, je crois, la seule raison ni la principale. Je suis terrorisé de ne pas être à la hauteur, de finir par ternir ce possible que je rends actuel en le désavouant, par trop d'inconstance et par manque d'excellence, en somme par excès de moi... Tu disais tout le temps à ce propos quelque chose de très juste: que je disais sans cesse ne pas vouloir m'engager mais que pourtant je l'étais déjà, à ce moment même. J'ai peur de l'engagement parce que j'ai peur de faillir. Je suis atteint de procrastination aiguë parce que j'ai peur de ne pas être à la hauteur de mes propres attentes. J'ai toujours eu tellement peur de décevoir autrui que je me suis entraîné pendant une vie entière à surpasser les attentes des autres par les miennes, encore plus inhumaines.

Destin, depuis quelques temps, m'envoie de plus en plus souvent au bout d'impasses de plus en plus courtes dont l'extrémité est un miroir où sont écris les mots suivants: "qu'est-ce que tu désires?". J'ai à ma disposition différents outils pour noter ma réponse en surimpression de ce reflet que j'évite. Pourtant, je n'écris jamais rien. À la place, une sorte de vide me creuse l'estomac et la poitrine, à tel point qu'il me semble entendre résonner très fort mon coeur dans ma carcasse. Je ne sais plus dire à quel moment de ma vie je suis devenu réellement incapable de répondre à cette question. Je semble ne vouloir plus rien assez fort pour faire converger mes forces afin de soutenir ce choix suffisamment longtemps pour qu'il donne des fruits réels. Depuis longtemps je désire avec légèreté, lèche les vitrines et continue ma déroute au dehors des magasins, sans trop savoir pourquoi, ni sans pouvoir donner le prix d'une vie sans rêve et sans désir - c'est à dire le prix de la mienne...

La dernière chose que j'ai souhaité si fort, comme si ma vie en dépendait - et peut-être était-ce le cas alors -, c'était toi... Depuis toi, je me plains de ma vie mais elle est à mon image: faite d'activités agréables comme désagréables mais toujours inessentielles, faite de plaisirs qui sont des trompe-l'oeil jetés sur les miroirs.

Attendez, il me semble me souvenir que tout ceci je l'ai souhaité un jour, je l'ai voulu très fort il y a bien longtemps. J'ai demandé à l'univers de me faire léger, sans but (combien de textes ai-je écrit à ce sujet...), sans attentes et sans attaches, sans autre désir que celui du désir et me voici rendu sur cet espace-temps de mon voeu exaucé, plus perdu et creux qu'une conque oubliée. Voyez, même là je ne suis pas à la hauteur...Platonicien imparfait, le désir du désir m'est inconsistant, l'amour de l'amour trop décevant, je crois que je préfère ce lieu et ce temps où vivent les gens et où les choses ne sont points absolues, où rien n'est immuable ni parfait, où l'erreur et la faute sont admises et pansées par le pardon.

Finalement, peut-être que c'est une bonne chose, lorsqu'on ne sait qui l'on est, d'avoir quelqu'un à ses côtés pour peindre ce reflet que l'on ne sait plus voir. Tu peignais de moi un reflet honnête je crois, avec ses bons profils mais aussi tant d'imparfaits... Cela je n'ai pas su le supporter, et je me demande encore, l'aimes-tu cet être incomplet, ne t'as-t-il pas seulement déçu?

S'il existe une idée de moi dont j'ai voulu me faire la copie conforme, tout ce journal s'est construit sur l'espace vacant laissé par l'inadéquation dont je fais preuve à ce qu'elle est. Si je ne suis pas beau, si je suis imparfait, si je suis la cause d'une immense souffrance - pour toi, comme pour moi -, cela aura au moins permis à ce journal d'être là désormais, comme une fleur sur les ordures.

Avoir formé avec des morceaux d'échecs et des débris de coeurs brisés quelques courbes enlacées, juste un peu de beauté, ne vaut-il pas au fond d'être un peu pardonné?


Il y en a bien des choses précieuses et belles dans ma vie, des gens qui ont chacun leur place pour étinceler dans mes cieux comme autant d'astres lointains qui dispensent sans compter leur douce clarté. Mais il n'y a plus toi, et le cycle que ta présence imprimait à mon quotidien dispersé. Les étoiles désormais brillent en permanence, je ne dors plus la nuit parce que la nuit est éternelle et n'a plus ses aurores.

Il y a désormais un trou béant dans l'espace interstellaire de mon désunivers, et c'est la place que tu n'occupes plus et que rien ne remplacera jamais.

Tu vois finalement peut-être suis-je à la hauteur de quelque chose, du moins suis-je constant dans mon amour pour toi. Si cette histoire est une naine blanche, je ne la laisserai jamais suffisamment refroidir pour être cet objet jamais encore observé que l'on nomme naine noire.

On parlera encore, dans des centaines, voire des milliers d'années, de cet amour esseulé, d'une planète solitaire et sans soleil et qui pourtant demeurait sur la même orbite.

Tant qu'il y aura de la lumière pour éclairer mes mots, ce chant résonnera dans l'histoire de ce monde, parce que c'est ce que je désire...