samedi 16 janvier 2010

Instant ferroviaire...

Tu voulais un défilé et tu vois les arbres défiler, au premier plan, derrière la vitre.
Ensuite tu vois les champs qui s'écartent sur ton passage, mais plus lentement, comme hésitants.
En dernier lieu il y a l'horizon qui semble t'accompagner, celui-là ne souhaite pas te quitter...

T'es toute mignonne avec ton petit nez écrasé sur la vitre du train. À chacune de tes respirations s'imprime une légère buée sur la glace froide, ce sont les anges de ta bouche qui s'échinent à conjurer le froid.

Le train ça te va bien je trouve. Le monde s'écarte et toi tu fonces émerveillée, comme un trésor que l'on transporte en lieu sûr. Je te vois, là sur ta banquette et j'imagine tes pensées...

Je ne fais que te regarder mais je ne sais pas si tu t'en rends compte. Tant mieux, je ne voudrais pas gêner ton naturel, faire irruption dans une scène onirique. Même ta respiration adoucit les voyageurs. La convoitise des autres vient se heurter sur toi et ne semble pas même t'égratigner.

Le train avance et marque son rythme sur les rails. Les mots qui papillonnent dans ta tête sont des hamacs dans lesquels j'imagine me prélasser. Tout autour de toi, jusqu'aux objets même: la tablette que tu as abaissée, la petite lampe éteinte et la banquette qui te fait face, semble rougir de ta présence. Eux comme moi, sommes des enfants honteux d'être si sales dans ton royaume.

Le monde veut t'épouser, tu opposes au néant ton corps de chair tellement présent qu'il semble percer l'espace. Et je me sens tomber: ma raison dangereusement attirée dans ton essence. Je contemple ce qui m'est interdit pendant que tu caresse des yeux tout ce qui t'es promis.

Et l'on entend le bruit des roues contre les rails, c'est une berceuse de train pour voyageuse interstellaire. La simple conscience que le temps s'écoule et que l'on n'y peut rien, c'est certainement cela le sens du voyage. Voudrais-tu m'offrir un peu de toi belle inconnue? Un peu de ton reflet dans cette glace, un instantanné du fantôme de ta grâce?

On dit que les nuages sont des morceaux d'amour et que les anges peuvent en découper une part pour la donner aux hommes valeureux. Je vois les ailes sur ton dos et l'atmosphère ouattée qui
t'entoure me renvoit à mon enfance, quand prenant l'avion, je rêvais d'attraper un nuage entre mes doigts.

Ceux que tu touches doivent être bien heureux, et ceux qui respirent ton haleine. Quel genre de vie peux-tu mener au milieu d'humains qui te vénèrent? Je me prends à croire que ce voyage n'aura pas de fin mais mes paupières se ferment enfin. Bien malgré moi toutefois car lorsque je les rouvrirais, tu auras disparu. Heureusement j'ai appris que les nuages se touchent par la pensée.

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