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lundi 13 août 2018

L'inspiration s'en va, s'en vient, a toujours été là

Quelle musique devient-on une fois mort?

Les formes musicales m'ont toujours fascinées. Je crois que la plus fondamentale de mes identités est la musique, peut-être est-elle le substrat qui unifie par sa temporalité le flux d'une vie faites d'actions éparses, faisceaux désaccordés qu'un regard entrelace.

L'inspiration ne s'est jamais tarie, malgré les tornades et les raz-de-marée; même dans les ruines, toujours le renouveau s'en vient chanter. Les accents de ma mélopée sont semblables à ceux que j'ai toujours connu, ce jour où ma conscience est née. Je naît et renaît d'innombrables fois dans la matière imaginaire de la mélancolie. Cette géométrie qui dicte ma vision même est teintée de ses nuances et de ses profondeurs. Mon espace-temps est mélancolie même, mes bonheurs atones sont assis dedans.

Je crois que chacun de mes visages est un golem sans matière réelle, immatériellement triste et protéiformément singulier. C'est à dire que ma souffrance est capable de prendre tous les visages, elle peut devenir tous les sentiments même les plus (communément admis comme) antinomiques.

J'aimerais plus de vie, plus de secondes pour connaître mes possibles profils, donner à cette dunamis d'être, à ce lubrique conatus, la matière du réel à travers toutes les formes musicales pensables. Mais au fond, je sais que moins il y a de secondes à égrener, plus la métamorphose que représente un destin se fait vivace, plus elle brûle et donne à voir aux yeux des autres, les vives flammes d'une expression pressée.

Expression: action de se chercher au-dehors?

Au feu, en flammes tous mes voeux, ma maison de papier brûle et ce sont tous mes rêves, chacune de mes pensées qui s'en vont teinter les cieux de mon encre. Le sang bien noir se détache bien mieux sur les cieux clairs. Je parle pour et contre le jour, et la nuit me reconnait toujours comme un de ses enfants. Nyx est la mère de tous ceux qui rodent autour du Styx comme auprès de l'abîme; à la fois excités et terrorisés d'être mus par une force insurmontable qui précipite leur volonté dans l'insondable singularité, dans le fond du gouffre sans fond de cet abîme qui vous regarde aussi.

Retenir la musique est une entreprise insensée. Tout cela n'a pas été écrit par moi, ce sont vos propres histoires que vous lisez, ce personnage que vous imaginez n'est que le fruit de votre regard et votre jugement. Je suis le grand absent de ce non-lieu, tout ici ne parle que de vous. Vous êtes la sémantique de ma prose, l'interprétation de mes partitions littéraires.

Moi? Moi je suis déjà ailleurs, dans la seconde qui s'écoule et qui dès lors qu'elle existe, est déjà passée. Cette malle numérique est une chambre hantée par les fantômes de mon passé pensé. Tout n'est qu'intrication complexe d'empreintes, attendant qu'un détective passionné vienne créer pour lui-même les histoires que l'on se conte et qui nous mènent au bout de la nuit.

Nous avons tous besoin d'une histoire pour affronter l'aurore. L'humanité, sans doute existe, c'est à dire se tient debout, sur et par son histoire même.

mardi 20 mars 2018

Essorage

De génies il n'y a
Mais seulement des passionnés.
Tout se construit pas à pas
Aucun talent jamais donné.

Alors s'étendent mes échelles, celles que d'autres jettent derrière eux. Parce qu'elle sont trop honteuses, et puis à quoi peut bien servir un moyen de descendre lorsqu'on ne veut que monter. Et tout s'affiche en ce beau lieu, les brouillons des brouillons, puis leurs brouillons aussi. Il n'y a que les pages blanches qui n'ont place. Mais... Elles se devinent, elles sont là; dans le silence de ce qui n'est pas; pas là du moins, autre part, tout au plus, et si l'on ne trouve pas tant pis, là-bas, c'est tout autant ici, et puis nulle part aussi...

Il manque des mots à certains textes, et des fautes grossières ornent mes vers. Je m'en fiche, je laisse le passé en friche, tel qu'il est désormais, sans soin et dans son bain, que gagnerais-je à y toucher, à part renier ce qui j'étais?

Au présent cependant, je joue, je joue jusqu'au néant. Affûter sa flûte comme une plume qui vomit des notes, et ces dernières ressemblent tant à des lettres qu'elles finissent par se lire... Qui peut bien connaître les notes qui se cachent sous les signes? Comment si moi-même ne sait...?

Mais je m'en fiche, je laisse le passé en friche. Oh j'en connais qui trichent mais je ne suis pas ainsi. Peu m'importent les stations je suis calé dans un voyage sans destination.

Ah regardez! Vous voyez? Là! Par la fenêtre, sur le côté: la vie qui danse, petit cheval tout gris. Il m'a fallu du temps mais j'y suis parvenu. Mes mots me bercent et sèment en moi des sèmes qui s'animent et là se meuvent, autant de lemmes qui m'émeuvent, image et sentiment qui enveniment d'assaisonnement mon flux présent - qui s'écoule et s'enfuit MAINTENANT! Vous l'avez-vu? Trop tard il est parti, mais on peut le rappeler, il est toujours plus ou moins là et maintenant.

Danse petit cheval tu m'amuses, surtout depuis que s'est enfui ma muse. Tu préfères le silence, mes mots t'ont fatigués, c'est à d'autres sources que tu dois t'irriguer. Mon chant fertile ma terre ondulatoire, ô douce sphère de mon éther de soir. Dans les silences qui te plaisent je souris sans malice ni malaise, je te regarde et tu m'apaises.

Silence, là, oh, silence excuse-moi... Il y a d'autres fréquences pour nous désormais. Est-ce un énième abandon ou le pénultième don? Tout entretenir est un projet sans fond, je suis comme les particules, je saute entre des niveaux d'énergie, eux ne regardent pas en arrière il me semble, mais le sait-on vraiment?

Non je n'ai pas quitté les mots mais ce sont eux que je laisse partir. Peut-être est-ce une manière de mentir que de le dire, néanmoins je le crois. Je laisse partir les mots comme j'ai laissé partir la peau si rose des aubes qui réveillent et vous font sortir de ce lit où vous étiez rangé sous le drap de la nuit.

Pourquoi songer à tout cela, ces choses là existent-elles, ou sont-ce des mensonges? Mens songe, autant que tu le veux mais tu ne m'auras pas, j'ai le présent pour moi, pour essorer les souvenirs et parvenir à l'amnésie.

Maintenant, maintenant... Maintenant c'est aujourd'hui, c'est à venir ou c'est passé? Ah non, tu vois, tu débordes encore et ne suis pas le rythme!

Maintenant, maintenant. Maintenant, maintenant. Maintenant, maintenant, comme un tempo de pouls, un battement de temps.

Mon coeur se tait maintenant.

mardi 6 février 2018

Souvenirs mouvants

Les sensations s'éteignent de n'être ravivées. Tous ces présents déteignent sur les images de mon passé. L'amour vrai c'était pourtant tout ça, tous ces châteaux de sable aujourd'hui tout de boue par la pluie des secondes; secondes filantes qui ne reviennent pas du firmament. Ce qui était tout, hier, aujourd'hui n'est plus rien. Les humains, comme les particules peuvent être remplacés. Comme une inspiration balaye la précédente, comme un plaisir occulte tous les autres.

L'amour vrai c'était donc ça? Cette chose où je participais, où désormais je ne suis pas. Je sais ce que tu ressens, parce que le temps plus lent pour moi finit par éroder: les sentiments dont j'avais tapissé mon coeur, comme un jeune adolescent recouvrirait sa chambre d’innombrables posters de la star adulée. Je sais ce que tu ressens et j'en suis dégoûté.

Je déteste le temps et ta docilité face à son étreinte assurée.

L'amour vrai attend toujours, dans un pli du passé bientôt inaccessible aux souvenirs mouvants, dont l'écho disparaît dans un sourire mourant.

lundi 5 février 2018

Sur le dos des torrents

Après avoir dévalé le lit du temps sur la surface des torrents ivres, grisé par la vitesse et l'absence de mémoire qui conjugue chaque sens au présent simple et absolu, me revoilà à quai, accroché à l'ancre des mots qui tiennent en leurs liens les moments consumés.

Dans toute expression artistique gît le terrible désir de retenir dans la forme des signes un peu de ce qui s'écoule hors de nous, un peu de notre essence siphonnée par le temps. Le présent est sans savoir, tout y est vérité, par conséquent la vérité n'est plus. Le vrai présent ne trace pas de cartes savantes de la psyché, ne rédige aucun curriculum vitae. Mais ce présent sans musique est interdit aux hommes, pour qui chaque seconde est synergie des précédentes, qui fait de l'existence une musique imposée dont seules quelques toxines peuvent nous prémunir. Qu'à cela ne tienne, s'il faut tricher nous tricherons, pour voguer un peu plus sur le présent muet, sans étendue et sans durée.

Plus tard, quand le corps épuisé se reposera dans quelque crique, au détour de la vie qui s'écoule toujours, permanente dans l'impermanence de son flux, il sera toujours tant de ramasser quelques branchages et de bâtir un abri pour la nuit à venir. Quelques signes pour prétendre qu'y gisent encore les gestes effectués, les sentiments ressentis, les images que notre palimpseste de conscience ne saurait conserver.

Moi, lorsque cela m'arrive, je me réfugie dans la banque des mots, j'y épargne mes battements de coeurs, j'y place des souvenirs qui n'ont pas d'existence autonome sans leur support sacré. Et je spécule tant sur l'avenir... J'invente des scénari, j'anticipe, je calcule de science exacte ce que sera ma position, ma direction et ma vitesse pour les jours prochains. La vie d'un homme sans désir est un fondement éprouvé pour une science exacte des présages, des rêveries prémonitoires qui ne prédisent rien, rien d'autre que le roulement monotone d'un corps soumis à l'inertie...

Heureusement que nous avons les signes qui redoublent la mémoire, tantôt la lubrifient, tantôt lui tendent mille pièges et sous couvert de parler du passé, placent sous les yeux, la surface réfléchissante de leur vacuité, où se saisit de son reflet l'homme apeuré qui s'observe et voit vieillir ce corps - tandis que le troisième oeil, lui, semble avoir toujours été là, égale, de toute éternité. Cela peut-il cesser alors? Il ne restera que des signes abscons et vides, autant de miroirs où se rencontreront brièvement d'autres âmes solitaires, qui croiront voir l'autre dans leur propre image et s'imagineront alors, un bref instant, que tous les hommes sont semblables, qu'ils portent tous en eux comme une punition divine - ou comme un don du ciel - cet oeil infatigable, éternelle vigie qui surveille et juge jusqu'à nos moindres souffles.

Construire un abri pour la nuit, demain il faudra repartir. Peut-être que d'autres échoués là par la suite, retaperont la cabane, resserreront les liens qui nous unissent au passé pourtant si différent de nous déjà... Peut-être que tout ça servira à d'autres.

Bientôt il faudra de nouveau descendre le torrent.

samedi 16 décembre 2017

Passé présent




Souffle des lueurs lointaines, moi qui t'ai recherché depuis mes premiers pas. Maintenant que je t'ai je te quitte, j'ai volé ta chaleur que je brûle en moi. Dis m'en veux-tu, d'être un voleur sans lois, un traînard sans visage qui sème derrière lui de sombres masques et des lambeaux de vie? Comment te voir encore quand je suis différent, aussi lointain et intangible qu'un monde parallèle... Il me faut déposer la dépouille qu'un jour tu as illuminé pour continuer à aller, persister autre part, pour exister, tout simplement. Coeur nomade cherche une terre qui ne saura le retenir, et celle qui le pourrait ne peut que faire souffrir...

Mais ceux qui vivent sur le rivage ancien, y penses-tu? Coeur sans amarre a planté l'ancre dans bien des souvenirs et tes aubes d'orange et de mauve sont à jamais peut-être un horizon lointain sur lequel se posent mes pas bien incertains. Que je sois pardonné, pour ces peurs anciennes qui se sont incrustées tout au fond de mon coeur. Il faut partir, il faut partir est ce que me murmurent les nuits infinies et les crépuscules qui montrent le chemin bien immense qui s'en va aux étoiles et leurs poignées de mondes. J'ai longtemps cru que l'on pourrait bien vivre à vingt milliards d'années-lumières, avec pour seul témoin de l'existence enfuie la direction que fixe le regard et qui se noie finalement dans l'océan-mémoire. Car c'est dans la distance que se tissent les destins des Moires. C'est mon seul bagage, la seule babiole que j'ai gardé de toi: une vaste mémoire que mon présent éclaire. Parfois, lorsque je dépoussière au hasard un rayon de mes étagères, je tombe sur le chapitre ouvert d'un livre de chez toi, je m'y perd un instant - ou bien je m'y retrouve - et le sourire me prend, s'accroche à mon visage comme une liane tenace.

Sont-ce tes lueurs dans ces moments là qui font de ma figure un signe du bonheur? Être présent au passé dans une esthétique du temps qui fuit, voilà le sens de ma mélancolie. Passé présent, présent passé, je ne suis plus de ton espace, tes rayons ne m'atteignent, mais tu es bien du temps qui passe les plus belles notes, si vivaces en mon présent.