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jeudi 15 avril 2021

Derrière le verre sans tain

 Je n'ai que mes poèmes pour me tenir compagnie; et pour me tenir lieu d'achèvement. Autrement je ne possède rien: ma vie est une note de bas de page où chaque lettre ouvre sur une galaxie poétique; mais personne n'ouvre ces lettres. Personne, à juste titre, ne le fera.

J'ai de trop hautes aspirations pour exister tel que je suis et m'injecter dans la matière des formes. Comment supporterais-je la vue de mes reflets ignobles dans d'indéfinies œuvres spéculaires. On ne peut renier une œuvre, il faut accepter que c'était là, à l'époque, tout ce que l'on savait faire de mieux.

Je ne fais rien. Je me contente d'être sublimement affecté par les actions des autres. Je coule interminablement dans l'océan versicolore de la beauté environnante. J'y étouffe la flamme de mes velléités; étrangle mon égo. Produire de la beauté ce n'est pas la même chose que de l'éprouver. J'éprouve en mon purgatoire privé le parfait équilibre des abîmes les plus noirs et de cimes acméiques. Je vis dans ce parfait vertige de chutes ascensionnelles.

Personne ne saura ni ne goûtera l'absolue singularité de mes délices. Ni non plus celle, terrible, de mes angoisses. Il n'y a pas de signes pour cela, je n'ai pas les moyens d'en dessiner les routes, d'ouvrir une fenêtre sur mon désunivers. Je reste prisonnier, à perpétuité, derrière le verre sans tain de l'odieux solipsisme.

jeudi 11 janvier 2018

Le rêveur et l'artiste

Il est si facile de commencer les choses par la fin, comme je l'ai toujours fait. Si facile de se prendre pour un vrai artiste lorsqu'on abrite en soi tant de sentiments sublimes, tant d'effets que l'art seul sait produire. Pourtant, ce n'est pas l'art qui les produisit alors, c'était simplement la vie, le destin, les milliards de regard du passé se fondant en celui du présent, et qui forment cette mélodie muette des poésies contemplatives, celles qui se taisent au dehors et hurlent au dedans.

Alors on se dit que: du regard que nous sommes à sa manufacture à partir de l'altérité matérielle il n'y a qu'un pas, et l'on se convainc ainsi d'être génial... Mais l'activité déçoit bientôt l'idée, tout devient laborieux, compliqué, et chaque geste ainsi analysé, séparé de la chaîne achevée, semble sans lien avéré avec le sentiment initial. On se trouve un peu perdu à effectuer mouvement après mouvement, détaché de l'effet qui est pourtant ce vers quoi l'on tendait, seul dans l'ineptie d'un artisanat qui n'a rien des atours aériens des idées qui se meuvent en l'âme, dociles et malléables. Le travail est difficile, il blesse le corps et déçoit l'âme trop impatiente. Il est inconfort et flegme, lenteur et inachèvement.

Je suis ce rêveur obstiné que le réel blesse aujourd'hui, jusqu'à parfois lui insuffler l'irrésistible envie de tout abandonner, encore et pour de bon. Suis-je un vrai musicien, moi qui ne suis capable de fournir au monde la partition et la genèse de ces vertiges intérieurs? Plutôt que d'agir une énième fois en philosophe, c'est à dire en poseur de questions, de problèmes, je vais agir aujourd'hui en créateur: je vais répondre à la question, apporter la preuve par la démonstration.

Peut-être faut-il savoir abandonner un peu ses sentiments en tant que pur vécu pour parvenir enfin à les transcrire en oeuvre?