mercredi 16 janvier 2013

Si je ne vous avais pas

Si je ne vous avais pas, vous, lecteur potentiel, petite conscience close prête à réfléchir mes mots, si je ne vous avais pas...

Si je ne vous avais pas, vous, mots de la langue, expression de moi-même à partir de ce qui ne l'est pas, de ce qui n'est rien, arbitraire et commun...

Si je ne vous avais pas, vous, pensées clandestines qui sont autant de vaisseaux monotones où je peux me reposer un peu, me laisser emporter, si je ne vous avais pas...

Ah, si je ne vous avais pas, destins possibles et bonheurs par procuration, que serais-je sans toutes ces vies dîtes-moi donc...?

Si je ne vous avais pas, vous, amis des profondeurs, vous qui me tenez la main pour descendre racler le fond de nos identités troubles...

Si je ne vous avais pas, vous, ancres détachées, abandonnées aux souvenirs, îlots de joie dans l'océan mémoriel, si je ne vous avais pas...

Et si je n'avais pas non plus, toutes ces chaînes qui me retiennent ici, angoissantes et étouffantes, et qui pourtant me tiennent en vie...

Si je ne vous avais pas, vous les morts qui ont vécu des vies dont je m'abreuve chaque jour, vous que je pille, que je vole, vous dont je m'inspire...

Si je ne vous avais pas, vous, les angoisses nocturnes, les crampes d'estomac la trouille au ventre, ce plomb dans les tripes qui me fait reculer devant notre avenir...

Si je ne vous avais pas, vous, mes moments de solitude, à se parler tout bas, à se dire dans les yeux que, tout de même, être seul c'est moins dur, être seul c'est bien mieux...

Si je ne vous avais pas, vous, ces actes joués, ces gestes esquissés, ces choix effectués, tous ces paris lancés...


Si je ne vous avais pas...


...Au fond...



Si je ne vous avais pas, qui serais-je...?


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