vendredi 19 mars 2021

Vendredi après-midi

 Le ciel a les couleurs de ces toits auvergnats de mon enfance: ardoise grise aux vieux tons de cimetière. C'est la couleur de mon ennui, de ma fatigue d'être qui poursuit des buts invariablement étrangers, fixés par d'autres, tandis que je demeure incapable de m'en choisir un par moi-même. Et si je le faisais, qu'est-ce que cela changerait? Le sens d'une vie est toujours décidé par les autres, ce sont eux qui fixent les valeurs, décident de ce qui est désirable, des jalons obligés qui forment les destins. Le reste... Miettes de vie que les pigeons voraces de l'oubli dévorent en rien de temps. Les vies étroites ont pour elles d'être écologiques, bien vite recyclées.

Des yeux se fixent sur mon corps, assis, qui attend l'heure de liberté. Ces yeux couleur ardoise me tissent un gris linceul et m'insèrent dans l'ensemble anonyme des choses ennuyeuses. Ces yeux défont mon nom, ils me cousent de qualités, écheveau terne et froid que nul ne veut porter.

Dehors, la brise inconfortable ébouriffe les branches, les arbres sont nus et se détachent ineptes sur le fond du ciel. Je suis pareil à eux, inepte sur fond de jeunesse heureuse qui me range au rebut. La fraîcheur et l'ennui, contraints dans ces hauts murs, tandis que l'émeraude glacée des prairies au-dehors égaye la campagne qu'un vilain ciel toise de son bien mauvais œil.

Qu'y aurait-il à dire de soi, sans un regard qui parle à notre place?

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