mercredi 7 août 2024

Courbe brisée

En regardant le toit, par un sombre hasard, je constate une mousse récalcitrante qui s'installe sur les bords de l'édifice. Étonnant: nous avons fait démousser la maison il y a seulement deux ans maintenant. Étonnant comme l'ordre humain est voué à disparaître sous le grignotement tenace et incessant de l'entropie. Toutes nos entreprises sont aussi vaines que cet éphémère démoussage qui n'a d'utilité que le fugace soulagement procuré à deux êtres dont l'existence même obéit à ce principe: travail, consommation, travail consommation. Aucun effort, aussi inepte soit-il, ne saurait produire dans le monde quelque chose d'absolument durable; mais sans aller jusque là: qui puisse simplement repousser l'entropie assez longtemps pour que cela en vaille la peine.

Vivre vaut-il la peine de quoi que ce soit? Peut-être pour prolonger à travers l'enfantement les espoirs qui nous ont mené là, à l'ourlet d'un destin qui s'achèvera sans faire aucune différence...

Si l'on regarde attentivement l'histoire pourtant, il apparaît assez clairement qu'aucun progrès réel ne permet d'imprimer un sens à la flèche du temps. De la préhistoire à aujourd'hui, toujours les mêmes vices agissant comme les forces cinétiques d'un immene billard planétaire. Une certaine anthropologie nous laisse même entrevoir la possibilité d'une dégradation de l'humanité vers toujours plus de perversion, de désirs non-naturels et pour cela sans limites.

Un humain est pareil à une maison: livré au temps, il finit recouvert de mousse, infesté de parasites, écartelé par les éléments, disloqué fragmenté désuni, sans plus aucun principe d'organisation capable de lutter contre l'engloutissement d'un repos étal. C'est probablement pour cela qe l'instinct vital nous pousse à se reprduire comme des cafards. Parce qu'une vie humaine ne peut que chuter lourdement après la brève ascension d'une jeunesse qui n'est que feu de paille et poudre aux yeux. Aucun individu ne transcendera sa finitude. Faut-il croire que l'espèce y parviendra? Peut-être... après tout qui sait si cette frénésie destructrice qui caractérise notre époque ne sera pas surmontée comme un échec duquel on apprend à se surmonter soi-même. C'est possible et une part de moi, ténue, y croit un peu je dois admettre.

Mais dans l'instant il faut bien constater une chose: dieu que le monde est laid.

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