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lundi 11 mars 2024

Aphorisme du consentement

"[...] Il était de l'immense troupeau des imbéciles qui, d'une voix coagulée, rendent leur journal après l'avoir mangé."

Paul Morand, L'homme pressé

vendredi 31 décembre 2021

Message à caractère informatif: 2022 en flammes

Il est difficile de se réjouir à l'heure où ce monde se délite dans la haine et la bêtise. Ceux qui montent une partie de la population (celle qui abdique sa pensée critique auprès d'un unisson médiatique) contre une autre -- de manière absolument injustifiée --, je l'espère, devront répondre de leurs actes rapidement.

Nous vivons une époque odieuse et répugnante, d'une part à cause de l'entêtement dogmatique de dirigeants qui sont devenus des maîtres, menant le peuple comme un troupeau de moutons, d'autre part à cause de la passivité nauséabonde et la crédulité de toute une partie de la population qui écoute religieusement le chant du Muezzin de la télévision, à heure fixe, pour vomir aussitôt sur leurs congénères ce qu'ils ont avalé de mensonge et d'opinion.

Les sociétés occidentales me dégoûtent de plus en plus. Je crois qu'il est temps de disparaître désormais. Je n'habite plus le même monde que quatre-vingt dix pourcent de mes compatriotes. Et je sens, j'avoue, de plus en plus, monter en moi l'impérieuse nécessité d'acérer mes griffes, et de me défendre contre une menace totalitaire effrayante d'hypocrisie.

Nos vies sont en danger. Nous vivons déjà dans une forme de dictature qui ne cesse de se proclamer démocratie (gouvernement du peuple tout de même!!) sans même que cela pose problème à l'écrasante majorité d'entre nous... Le simple fait de dire cela est répréhensible!

Nous vivons aujourd'hui dans la honte et la punition sera exemplaire. Malheureusement les coupables ne seront pas les seuls à payer pour leurs crimes.

La guerre a commencé, je quitterai ce champ de bataille qu'est la société humaine sur mon bouclier.

mercredi 10 mars 2021

L'herbe bleue

Je vis quotidiennement avec le peuple de l'opinion, ceux qui manipulent ces produits du prêt-à-penser et se forment une représentation ontologique à partir de cette juxtaposition de conclusions détachées de leur corps logique. Ce sont des gens qui ont d'autres préoccupations: le loyer, le crédit, les enfants, les prochaines vacances, etc. Le jugement arrêté est nécessaire pour eux comme le sont les murs de leur chambre, le toit sur la tête de leurs enfants, la consistance de la nourriture qui les maintient en vie. On ne peut les blâmer. Ce sont les enfants reniés de la culture classique: elle les a imprégnés juste suffisamment pour qu'ils s'en réclament un tant soit peu, pour qu'ils en adoptent les codes et les critères; mais cette culture n'est pour eux qu'un ciel sous lequel ils évoluent tandis que leur pas les mènent quotidiennement dans d'autres écosystèmes dont ils manipulent les objets, dont ils tirent leur subsistance et leur plaisir. La culture classique est la divinité qui les juge, celle sous la tutelle de laquelle ils placent leurs idéaux, elle figure la justice lointaine d'un monde inaccessible et néanmoins omniprésent. C'est qu'on aura bien pris soin de faire en sorte qu'ils restent dans leur monde à eux, dans leur sous-culture depuis laquelle il n'existe presque aucun chemin pour rallier le royaume des Justes. Et puis, pourquoi les emprunter?

Ces gens là n'ont pas besoin de savoir, ils ont besoin de croire. C'est la croyance qui fixe les valeurs et détermine les qualités du monde où ils doivent agir et évoluer. La connaissance ne représente que l'érosion inconcevable de tout ce qui, avant, semblait si concret pourtant. Elle est un danger, elle menace la survie même. Elle est un luxe périlleux, un chemin hors du monde et hors de la Cité, la sentier des dieux et des fous.

Alors chaque jour, j'écoute les morceaux d'opinion que se déversent à la gueule ces gens dont je partage la vie. Je les vois s'incliner sous l'autorité de critères de jugement ininterrogés -- et pourquoi le feraient-ils? Avoir la foi, c'est être puissant. La conviction est le combustible qui anime les chars de la grande guerre à l'altérité, à l'incompris, à l'impie. Elle nourrit le mouvement d'auto-défense et provoque un repli identitaire, parce que l'identité, l'essence qu'on se donne, efface le vide existentiel. On ne peut pas lutter contre cette hargne et cette fougue propre à l'instinct de survie avec des raisonnements qui demandent une attention soutenue et ne donnent que des fruits amers au plaisir retardé et incertain. On ne peut pas proposer aux gens de détruire les murs de leur maison pour les remplacer par le vent du mouvement, ce vent qui ne peut les protéger du réel.

Mon dialogue avec ces gens se fait ici, malgré eux, où ils ne peuvent entendre.

C'est la culture classique qui leur a insufflé cette peur et qui les maintient dans les bornes de ses valeurs moisies. Mon véritable ennemi c'est ce peuple des cieux qui règne en dieux lointains sur l'immense pâturage d'une planète bleue. S'ils m'aperçoivent un jour, sur un nuage gris, qu'ils se méfient de ce mauvais présage: viendra un jour où les ordures, toutes en même temps, s'élèveront aux cieux. Mais cette pathétique prédiction ne constitue-t-elle pas le mythe absurde où s'épuisent l'énergie de révolte? Attendre que les ordures s'élèvent parce qu'on est incapable d'y croire pour soi-même...

Nous avons tous un petit panthéon personnel asséchant le lit de notre action, à qui nous offrons la meilleure part de notre liberté sous forme d'insipides ex-voto. Nous broutons tous un pâturage lénifiant.

vendredi 29 janvier 2021

Hercule

 Discuter avec les autres m'est de plus en plus intolérable. Discuter avec moi-même ne m'intéresse pas plus d'ailleurs. J'ai presque cessé de le faire, je ne m'écoute plus parler et, par conséquent, l'expression "parler tout seul" revêt, pour une fois, son sens véritable.

Briser la ronde des opinions bien marinées dans le maigre jus d'attention dont nous sommes capable, est un travail herculéen. Il faut parler plus longtemps qu'autrui, puisque l'idée nouvelle est bien plus difficile à percevoir, surtout si elle ressemble, par certains côtés, à d'autres opinions ressassées à outrance par le bain médiatique. La nuance, l'indéfinie ambiguïté d'une simple phrase courte semble échapper à mes semblables. Il faut de la patience pour remonter les racines d'un signifié, puis parcourir ses branches, et ne parlons pas des forêts primordiales que forment de simples agencements de mots en apparence anodins.

Pourtant, respecter l'autre, dialoguer avec lui, c'est bien faire ce travail presque infini, oui c'est cela aimer autrui.

Tandis que je nettoie les écuries d'Augias, tente de faire place nette, invariablement j'observe l'autre déverser sur le sol ses immondices internes mal digérés, m'ensevelir sous le torrent excrémentiel de jugements inanalysés et encore moins compris.

Écouter c'est, pour un temps, suspendre ses certitudes rassurantes, l'illusion doucereuse d’enserrer le réel dans une image, un modèle théorique bien souvent fait de bric et de broc et dont l'assemblage branlant d'éléments disparate menace de s'écrouler dès la moindre analyse rigoureuse. Écouter c'est accepter de vivre sans foyer, nomade pour un temps, vulnérable et offert à cette vacuité joyeuse des sceptiques qui fait la terreur de tous les fanatiques de toutes religions confondues, qu'elles soient laïques ou non.

Cela vous est intolérable, soit. Mais il m'est tout autant impossible de continuer à écouter vos antiennes affirmées avec autant d'aplomb que les fondements en sont fragiles et incompris. Quand vous comprendrez vos propres idées, peut-être en percevrez-vous la porosité et pourrons-nous alors traverser allègrement sur le train de la logique chacune de ces stations que vous nommez patrie, et qui ne sont en fait que des images glacées au front des cartes postales.

En attendant, je mets les voile. Je me drape dans ma véhémence dialogique et mon débit effréné de parole pour les replier sur le silence dont ils sont issus. L'écriture, celle qui n'est pas un passe-temps mais une perfusion de l'âme, est le fruit de cette frustration que connaissent mes semblables, amoureux du dialogue dans un monde où ce dernier se confond avec l'échange anodin de mots d'esprits.

mardi 27 mars 2018

La prison intérieure

Combien vivent la contradiction comme une violence, presque gratuite, tout du moins évitable et improductive. Ne pas être d'accord avec eux, argumenter contre leurs opinions, c'est être seulement négatif, c'est chercher à détruire leurs positions sans rien fournir en retour, rien d'autre que la nuance inconfortable, l'indéfini du relatif, qui ne donne pas de réponse mais invite au dépassement de ces dernières, à la remise en question, au mouvement. Nos esprits, comme nos corps sont devenus sédentaires, mais de manière pathologique: nous en sommes devenus fragiles, incapable de faire face à la richesse d'en environnement, d'un réel, qui excède incommensurablement (puisque qualitativement aussi) nos représentations, nos photographies trop figées des dynamiques à l'oeuvre dans le système monde.

Savoir se contredire soi-même avant tout. Je n'y vois aucune violence, mais bien plutôt le fondement nécessaire à l'existence de l'altérité, et donc à celle de l'autre, de sa voix, de sa réalité. Peut-être avons-nous trouvé en la contradiction sereine un des piliers les plus solides de la démocratie. Celle-ci est inconfortable, comme la contradiction. Elle n'est pas rassurante, pour certains, parce qu'elle ne se nourrit pas de réduction à l'Un (cette assertion est bien entendu relative), de répétition du même, de consensus, mais au contraire, elle provoque le doute, insuffle en l'esprit l'incertitude quant à ses propres convictions, produit de la richesse, c'est à dire de la diversité et de la différence. Or c'est précisément dans cette différence, dans ce jeu entre les dogmes que naît l'espace-temps où vit l'esprit, où il a tout loisir de croître, de se métamorphoser, de s’affûter, de devenir ce qu'il est. L'aurions-nous oublié?

Celui qui vous contredit, s'il le fait dans les formes, et par ce processus s'interroge lui aussi avec vous sur le sujet de débat, alors celui-là vous libère. Tout comme le sceptique se libère lui-même de ses propres tendances au dogme, à la stagnation dans laquelle croupit malicieusement l'intelligence, tissant et re-tissant les mêmes liens, qui deviendront bientôt les barreaux incassables d'un système de pensée monolithique, cristallisé dans l'éternité minérale.

S'enfermer, toujours plus en sécurité, toujours plus barricadé dans la citadelle intérieure inviolée, et bientôt inviolable, c'est mourir au monde, s'en retirer. La pluie, l'orage, le soleil qui brûle, la grêle, l'automne, l'hiver ont aussi leur vertus, ils font partie du monde, comme le reste.