jeudi 31 mars 2011

Mon enfer

Comme beaucoup, j'ai droit à une part d'enfer dans mon paradis. Peut-être est-ce une manière d'équilibrer les choses, une sorte de loi universelle.

Mes migraines constituent un univers où l'horizon s'annule, hérissé de murs immenses que l'on ne peut traverser. Tout là-bas est cyclique, tout est répétition du même, tourner en rond est la seule issue possible pour ne pas sombrer. La moindre pensée est un point où la concentration se focalise, créant milles décharges nerveuses dans tous les sens, qui irradient mon cerveau par vagues successives. Ce monde est fait de collisions, d'ondes de choc, il est comme un liquide qu'il ne faut surtout pas troubler.

Alors je me plie à sa tyrannie, fixant mes yeux sur un point lisse, sans aspérités aucune pour l'esprit. Je tais ma conscience dans des mouvements et des pensées hypnotiques, m'absentant de la vie le temps que la douleur aura dictée.

Dans ces moments là, l'envie de ramper se fait pressante, comme pour m'humilier. Mon corps, comme mon âme, veut se tasser, s'effacer pour ne plus laisser place qu'à un néant volontaire. La migraine me force ainsi à organiser ma propre vacuité, à faire de mon royaume des ruines, et de mes ruines des cendres.

On pourrait faire de moi ce que l'on veut lorsque la douleur m'asservit. Je ne vois plus qu'elle, tout ce qui se passe autour ne me concerne plus vraiment. Et malgré tous mes efforts, ma conscience perçoit encore le temps qui s'écoule, les moments de vie perdus à jamais dans cet éternité blanche sur laquelle rien ne se peut fixer, qui impose le mouvement et interdit tout repos.

On ne peut rien construire dans ce monde, trop hostile pour l'homme. Lorsqu'il prend trop de consistance et de durée, le désir de mort s'accentue jusqu'à l'insupportable, jusqu'aux larmes incontrôlables, jusqu'à cette folie rampante et prête à se nourrir de nos cendres.

Je vieillis à la vitesse de l'éclair à trop cheminer dans mon enfer. Tout s'efface, la douleur fuit, ne se faisant entendre qu'en sourdine. J'émerge enfin, mais c'est à chaque fois une partie de moi dont je me dépouille. Des blocs de vie et d'énergie qui se consument dans cet ailleurs, me laissant dévasté, comme réveillé d'un long coma où le temps aurait coulé en mon absence.

Je meurs un peu, à chaque rencontre avec l'enfer. Mais qu'ai-je donc fait pour qu'on veuille tant me retenir là-bas?

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